Plaignant
M. Fernand Houde
Mis en cause
Le Canada
français [Saint-Jean-sur-Richelieu] et M. Richard Lafontaine (éditorialiste et
rédacteur en chef)
Résumé de la plainte
Le titre «Allons
voter!», qui coiffe l’éditorial publié dans l’édition du 10 décembre 1980 du
Canada français, est trompeur et non conforme au texte. L’éditorialiste Richard
Lafondaine favorise un des candidats à quatre jours des élections municipales
et enlève tout droit de réplique aux autres. De plus, certains qualificatifs
qu’il utilise s’avèrent calomnieux et déplacés.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de votre plainte contre l’éditorial de monsieur
Richard Lafontaine paru sous le titre, «Allons voter!», dans l’édition du 10
décembre 1980 du journal Le Canada français de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Ce titre était
trompeur, selon vous, et non conforme au contenu de l’article puisque ce
dernier, au lieu d’indiquer aux lecteurs les raisons d’aller voter et de les
inciter à le faire, se limitait uniquement à proposer le candidat qui, selon
l’éditorialiste, était le plus apte à remplir la tâche d’échevin.
Vous estimiez en
outre que la position adoptée par le journal à quatre jours des élections
enlevait tout droit de réplique aux candidats qui se sentaient lésés par les
propos de l’éditorialiste. Vous considériez une telle pratique comme «un abus
de l’exercice du droit à la liberté d’expression du journaliste et de l’éditeur
du journal au détriment de l’exercice du droit électoral qui nécessite d’être
bien éclairé sur la valeur de chaque candidat plutôt que sur ce que pense
l’éditorialiste de chacun d’eux».
Vous étiez d’avis
également que certains des qualificatifs utilisés par l’éditorialiste à votre
endroit étaient «tout à fait calomnieux, injurieux, tenant du quolibet,
nettement caricaturaux et déplacés dans un éditorial. Selon vous, c’était faire
preuve de «manque de rigueur intellectuelle, de malhonnêteté et de manque
d’éthique professionnelle pour un journaliste éditorialiste» que d’utiliser des
termes comme «grognard», «rustaud», «éternel candidat», «entêté comme une
mule», «devra essuyer une autre défaite». Selon vous, nul n’a le droit
«d’utiliser une situation de monopole de l’information pour guillotiner un
candidat avant jugement rendu». Enfin, il vous apparaissait évident que le
journal avait voulu mousser la candidature de la personne la mieux habilitée à
défendre les intérêts «d’une compagnie qui cherche à s’établir dans le parc
industriel» de la région.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en
chef et éditorialiste du Canada français, monsieur Richard Lafontaine, estimait
pour sa part que c’était le privilège de l’éditeur, une fois que toute
l’information relative à la campagne électorale avait été portée à la
connaissance du lecteur, d’arrêter son choix en page éditoriale sur le candidat
qu’il juge capable de mieux représenter les intérêts de la collectivité. Il
était en outre, selon lui, de tradition que l’éditeur attende au dernier moment
pour fixer son choix.
Monsieur
Lafontaine doutait également qu’un éditorial en fin de campagne électorale
puisse modifier de façon radicale l’intention de vote des électeurs. Il faisait
d’ailleurs remarquer au Conseil que dans le passé, le choix des électeurs
s’était arrêté le plus souvent sur un candidat que Le Canada français n’avait
pas appuyé en éditorial.
En outre, selon
monsieur Lafontaine, les qualificatifs employés à votre endroit s’inspiraient
de votre attitude et de vos déclarations durant la campagne électorale. Selon
lui, «ce n’est pas l’habitude du Canada français d’y aller par quatre chemins.
Tout est affaire de style d’écriture et d’images».
Il réfutait
totalement, d’autre part, vos allégations voulant qu’il ait préféré appuyer «le
représentant d’une grande compagnie». Cela n’avait, selon lui, rien à voir avec
«les qualités de coeur et d’esprit» qu’il avait découvert chez le conseiller
élu.
Enfin,
l’éditorialiste et rédacteur en chef estimait que Le Canada français avait
consacré à cette campagne électorale l’équivalent de vingt-six pages en textes
d’information et photos en plus des éditoriaux, commentaires et caricatures et
que vous n’aviez nullement été négligé dans cette couverture.
Analyse
Il relève de la prérogative de l’éditeur ou de son délégué de se réserver à tout moment l’espace qu’il juge à propos dans les pages de son journal pour prendre parti et exprimer ses critiques, faire valoir ses points de vue sur une idée, une situation, une personne, un groupe, etc.
L’éditeur ou celui qui au sein d’un organe d’information est chargé de livrer à la population des prises de position ou des commentaires de nature éditoriale, doit toutefois exercer cette prérogative avec la même rigueur et la même intégrité qui s’imposent à tout professionnel de l’information soucieux de sa responsabilité d’informateur public.
Dans le présent cas, le Conseil ne saurait conclure que M. Lafontaine a outrepassé les limites de sa liberté rédactionnelle. Au contraire, il s’est acquitté de sa fonction de commentateur chargé de transmettre au public un point de vue éditorial, conformément aux règles de l’éthique journalistique.
Le Conseil estime également que Le Canada français a, tout au long de la campagne électorale, fait équitablement état des faits et gestes de chacun des candidats en lice, y incluant vous-même, dans ses pages d’information et que partant, il a donné l’occasion à ses lecteurs de se former leur propre opinion sur la valeur de chacun en toute connaissance de cause.
Enfin, le Conseil estime que le titre était conforme à l’esprit du texte qu’il coiffait. En conséquence, le Conseil ne retient aucun blâme contre le journal Le Canada français.
Analyse de la décision
- C01B Objection à la prise de position
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12A Manque d’équilibre