Plaignant
La Société des
alcools du Québec [SAQ]
Représentant du plaignant
M. Daniel Wermenlinger
(président-directeur général, Société des alcools du Québec [SAQ])
Mis en cause
CIVM-TV
[Radio-Québec, Montréal] et M. Matthias Rioux (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Claude
Sylvestre (vice-président à la programmation, CIVM-TV [Radio-Québec, Montréal])
Résumé de la plainte
Le 3 juin 1981,
dans le cadre de l’émission «Droit de parole» de Radio-Québec, l’animateur
Matthias Rioux s’applique à faire le procès de la Société des alcools du Québec
plutôt que d’aborder le sujet prévu, soit l’alcoolisme. Faisant preuve de
partialité et de manque de rigueur, l’animateur discrédite la plaignante auprès
de l’opinion publique par ses affirmations gratuites, ses questions biaisées et
ses attaques injustifiées. Il ne respecte ni la vérité ni les règles de
conduite d’un débat civilisé, en plus d’empêcher la Société des alcools de
réfuter ses allégations.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de la Société des alcools du Québec
contre vous pour la façon dont vous avez animé l’émission «Droit de parole» présentée
sur les ondes de Radio-Québec le 3 juin 1981.
La Société des
alcools vous reprochait d’avoir changé le thème de l’émission qui devait
porter, selon sa vice-présidente aux communications, madame Sylviane
Cahay-Verdon, sur «l’alcoolisme». Or, selon la plaignante, loin de porter sur
le thème annoncé, l’émission en question a plutôt servie de prétexte pour faire
le procès de la Société des alcools et la discréditer auprès de l’opinion. La
Société estimait en effet que par vos affirmations gratuites et non fondées,
vos questions biaisées, vos attaques injustifiées, vos opinions personnelles et
vos jugements de valeur, vous aviez manqué d’impartialité et de rigueur et vous
étiez montré «indigne d’un animateur qui doit respecter la vérité et conduire un
débat civilisé». En outre, elle dénonçait votre ton inquisiteur, voire
accusateur et justicier, et votre vocabulaire empreint de préjugés. Selon elle,
une telle façon de vous comporter était contraire aux exigences du droit du
public à l’information.
Enfin, la
Société déplorait d’autant plus le tout que, selon elle, vous n’aviez pas donné
la chance à votre invitée de réfuter vos propos.
Commentaires du mis en cause
En contestant le
bien-fondé de cette plainte, le vice-président à la programmation de
Radio-Québec, monsieur Claude Sylvestre, affirmait pour sa part que
l’invitation adressée à la Société des alcools avait été faite «en expliquant
clairement la nature du débat que la Société de Radio-Télévision du Québec
projetait de diffuser, tant au niveau de la formulation de la question, de la
problématique des arguments en cause qu’à celui des invités». La Société des
alcools n’avait donc aucunement été trompée sur la facture de l’émission non
plus que les attaques dont elle se plaignait n’avaient été «ni circonscrites à
la Société des alcools du Québec ni uniquement le fait de l’un ou l’autre des
animateurs».
Par ailleurs, le
«style» de l’émission «Droit de parole» diffusée en direct ainsi que la
personnalité de ses animateurs en faisait un lieu de débat et d’échange d’idées
dont la «facture n’a rien pour surprendre tant le public que les participants»
puisque c’était «la dynamique même d’une telle émission d’engendrer des
affirmations et des points de vue contradictoires relevant tantôt de l’énoncé
de faits, tantôt de l’expression d’opinions».
Enfin, la
représentante de la Société des alcools avait eu, selon monsieur Sylvestre, le
loisir de prendre la parole à plusieurs occasions et dans une juste proportion
par rapport aux autres intervenants. Sa façon d’utiliser son droit de parole
relevait exclusivement de sa responsabilité.
Analyse
Malgré la latitude dont vous jouissez, à titre d’animateur d’une émission d’affaires publiques, dans l’expression de vos points de vue, latitude qui vous permet d’adopter un ton de polémiste, votre fonction vous impose aussi le devoir de bien informer le public. Or, dans le présent cas, le Conseil est d’avis que vous avez manqué de rigueur et que vos propos visaient moins à éclairer le public sur un problème social complexe qu’à discréditer la Société des alcools aux yeux de l’opinion.
Le Conseil estime en effet que, par votre ton et votre vocabulaire à l’endroit de la plaignante, vos affirmations parfois gratuites, vos opinions trop souvent présentées comme des faits, brefs par votre présentation souvent escamotée et simplifiée de ces derniers, vous avez manqué de mesure dans la conduite du débat en question. Aussi le Conseil vous invite-t-il à faire montre de plus de pondération dans la formulation de vos points de vue et de vos jugements et cela, en vue d’un meilleur respect du droit du public à l’information.
Le Conseil estime, d’autre part, que la représentante de la Société des alcools a eu amplement l’occasion de faire valoir son point de vue au cours de l’émission. Il ne retient donc pas son grief sur ce point.
Enfin, étant en présence de versions contradictoires, le Conseil n’est pas en mesure de juger si, effectivement, comme elle le soutient, la Société des alcools du Québec a été induite en erreur sur le véritable sujet de l’émission. Cependant, comme ce n’est pas la première fois qu’on lui fait part de ce problème, le Conseil croit utile de mettre en garde la Société de Radio-Télévision du Québec pour l’inciter à établir clairement avec ses invités l’objet des questions qu’elle entend traiter au cours de ses émissions.
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre
- C15J Abus de la fonction d’animateur
- C23D Tromper sur ses intentions