Plaignant
M. Claude
Beaubien, Mme Johanne Chassé, Mme Marie-Josée Emard, Mme Agnès Gruda, Mme
Louise Legault et Mme Louiselle Tremblay (ex-journalistes, Le Courrier du Sud
[Longueuil])
Mis en cause
M. Jean-Paul
Auclair (éditeur, Le Courrier du Sud [Longueuil], Le Courrier Mag Longueuil, Le
Courrier Mag Expansion [Longueuil])
Résumé de la plainte
L’éditeur du
Courrier du Sud, du Courrier Mag Longueuil et du Courrier Mag Expansion, M.
Jean-Paul Auclair, adopte une politique d’information et de publicité
répréhensible, comme en témoignent la publication de textes et de photos sans
identifier leur caractère promotionnel, l’utilisation d’un article
d’information à des fins publicitaires et diverses formes de censure visant à
protéger ses intérêts.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de mesdames Agnès Gruda, Marie-Josée
Emard, Louise Legault, Louiselle Tremblay, Johanne Chassé et de monsieur Claude
Beaubien. Ces journalistes que vous aviez congédiés du Courrier du Sud à la fin
d’avril 1981 s’en prenaient à votre façon de faire l’information dans vos
journaux.
Ainsi, ils vous
reprochaient de subordonner l’information à la publicité en accordant
fréquemment la une de vos journaux à des publi-reportages ou à des textes, non
identifiés comme tels, faisant la promotion du centre commercial Place
Longueuil dont vous êtes le copropriétaire.
Ils dénonçaient aussi
votre façon de multiplier textes et photos à caractère publicitaire que vous
présentiez comme l’information, mais dont le seul but, à leur avis, était de
vanter les mérites de commerçants de votre région pour les inciter à maintenir
ou à accroître leur volume de publicité dans vos journaux. Par exemple, ils
évoquaient votre décision d’utiliser à des fins publicitaires un article
d’information rédigé par madame Louiselle Tremblay, Cet article qui faisait un
bilan de l’année 1979 de la Caisse d’établissent de la Rive-Sud avait été
publié en mars 1980 dans le Courrier du Sud. Il fit aussi l’objet d’un
publi-reportage, le 2 avril 1980, dans Le Reflet de La Prairie dont vous êtes
aussi le propriétaire.
Les plaignants
vous accusaient aussi de censurer, à l’occasion, l’information. Par exemple,
ils soutenaient qu’en raison de votre inimitié pour le député libéral fédéral
du comté de Longueuil, monsieur Jacques Olivier, de même que pour l’ex-chef du
Parti municipal de Longueuil, monsieur Paul Viau, vous aviez interdit la
publication de quelque information les concernant. De même vous
reprochaient-ils d’avoir manipulé et modifié, pour protéger vos intérêts
personnels, un article rédigé par madame Louise Legault. Cet article relatait
l’expulsion d’un conseiller du Parti municipal de Longueuil pour la position
qu’il avait prise sur la modification du bail emphytéotique du centre
commercial Place Longueuil.
Enfin, les
journalistes de vos journaux ne devaient en aucun cas, selon les plaignants,
mentionner dans leurs articles le nom de quelque organe d’information vous
faisant concurrence.
Commentaires du mis en cause
Rejetant le
bien-fondé de ces récriminations, vous affirmiez au Conseil que «pour des
raisons extrêmement impérieuses d’ordre économique» une de vos principales responsabilités,
en plus de chercher à diffuser la meilleure information possible selon vos
moyens, était d’assurer la rentabilité de vos journaux. Aussi, estimiez-vous
que pour des journaux distribués gratuitement, il n’était «pas possible de
faire mieux sans risquer dangereusement de disparaître».
Analyse
Le Conseil est d’avis qu’en maintes circonstances, vous avez, comme vous en font grief les plaignants, subordonné l’information à des considérations d’ordre publicitaire et que vous n’avez pas su respecter l’autonomie dont doivent jouir les services de l’information par rapport aux services de la publicité dans une entreprise de presse. Votre comportement, à plusieurs occasions, démontre en effet non seulement un mépris pour le droit du public à l’information, mais une inconscience des exigences élémentaires de l’éthique journalistique.
Il est en effet contraire à la responsabilité d’un éditeur de se servir, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises, des pages de ses journaux pour faire, par le biais de publi-reportages non identifiés comme tels, la promotion de ses propres intérêts. Un tel comportement traduit non seulement un conflit d’intérêts inacceptable pour un informateur public, mais encore trompe-t-il le public sur la nature des informations qu’il croit recevoir.
De la même façon le Conseil trouve-t-il tout aussi inconvenant que vous vous soyez permis de présenter dans l’un de vos journaux, sous la forme d’un publi-reportage, le texte de l’une de vos journalistes déjà publié comme un article d’information. Une telle pratique a comme effet de compromettre la crédibilité des journalistes auprès du public en faisant croire à ce dernier que, comme professionnels de l’information, ils se prêtent à une oeuvre publicitaire.
Tout aussi contestables sont les contraintes imposées à vos journalistes par les services de la publicité de vos journaux dans le traitement de l’information; une telle pratique comportant le risque éminent de compromettre la crédibilité, l’objectivité et la qualité de l’information. Le Conseil comprend que les revenus publicitaires sont essentiels pour assurer l’équilibre financier, voire dans certains cas la survie des journaux. Il est inadmissible toutefois qu’un éditeur sacrifie le contenu rédactionnel de ses publications, soit en favorisant une certaine information ou en en supprimant une autre, pour s’attirer des avantages ou défendre ses intérêts.
Pour les mêmes raisons, il est intolérable qu’un informateur public utilise ses médias pour exercer des représailles à l’encontre de quiconque ne partage pas ses points de vue ou par inimitié personnelle.
Or, dans le présent cas, vos critères de décision dans votre façon de faire l’information sont apparus au Conseil comme étant justement trop souvent dictés par de tels motifs et cela au détriment de l’intérêt public. A cet égard, le Conseil rappelle qu’il a eu déjà à formuler le même grief contre Courrier du Sud et à dénoncer les mesures de représailles adoptées par ce journal contre la présidente de l’AFEAS de Saint-Jean, considérant celles-ci comme une atteinte sérieuse au droit du public à l’information et un manquement grave au devoir et à la responsabilité première d’un organe d’information de renseigner la population sur les sujets d’intérêt public.
Enfin, le Conseil estime que le fait que vos journaux soient distribués gratuitement ne constitue aucune excuse pour en négliger la qualité. Si vous avez la prétention d’y faire de l’information, justement, vous vous devez à la même rigueur que celle qui s’impose à tout organe d’information. Cela apparaît d’autant plus important si l’on considère qu’une bonne partie de la population ne s’en tient, quant à l’information écrite, qu’aux seuls hebdos à distribution gratuite.
Analyse de la décision
- C21A Publicité déguisée en information
- C21B Extraits d’articles dans la publicité
- C21G Indépendance des services d’information et de publicité