Plaignant
M. Jean Gravel
(avocat, Centre communautaire juridique de la Rive-Sud)
Mis en cause
Le Journal de
Montréal et M. Guy Roy (journaliste)
Résumé de la plainte
L’article «3
adolescents sont disparus», publié dans l’édition du 9 juillet 1982 du Journal
de Montréal, porte préjudice à l’un d’eux en décrivant de manière précise les
problèmes personnels qui pourraient avoir motivé sa fugue. Le journaliste Guy
Roy enfreint ainsi l’article 83 de la Loi sur la protection de la jeunesse, qui
stipule que «nul ne peut publier quoi que ce soit qui révèle le nom d’un enfant
dont le cas est étudié par le Tribunal ou qui révèle le nom de ses parents, ni aucune
information ne permettant de les identifier».
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Jean Gravel, avocat,
concernant votre article paru dans l’édition du 9 juillet 1982 du Journal de
Montréal sous le titre: «3 adolescents sont disparus».
Le plaignant
vous reprochait d’avoir porté préjudice à son client de onze ans en décrivant
de façon très précise les problèmes personnels qui pouvaient avoir motivé sa
fugue. En agissant de la sorte, vous aviez, selon monsieur Gravel, enfreint les
dispositions de l’article 83 de la Loi sur la protection de la jeunesse qui
stipule que «nul ne peut publier quoi que ce soit qui révèle le nom d’un enfant
dont le cas est étudié par le Tribunal ou qui révèle le nom de ses parents, ni
aucune information ne permettant de les identifier».
Commentaires du mis en cause
Vous informiez
pour votre part le Conseil que votre article visait avant tout à attirer
l’attention du public et à le sensibiliser sur la disparition des trois adolescents
de façon à ce qu’aucun indice permettant de les retrouver ne soit négligé.
D’ailleurs, c’était grâce à votre article, selon vous, que l’on avait pu
retrouver, dès le jour de sa parution, les jeunes en question.
Enfin, vous
n’aviez aucunement voulu accabler le jeune client du plaignant, mais plutôt
faire comprendre au public les motifs de sa fugue et la source de ses
problèmes. Par vos références au problèmes d’alcoolisme du père et aux
difficultés d’adaptation du jeune au foyer nourricier, vous vouliez avant tout
attirer la sympathie des lecteurs à son endroit.
Analyse
Comme il l’a déjà exprimé à plusieurs reprises, le Conseil estime que la presse devait éviter, et à plus forte raison lorsqu’une loi le lui interdit, de publier toute information de nature à porter préjudice à une personne mineure à cause du risque pour celle-ci de voir ses chances de réhabilitation sociale et familiale compromises. La presse devait tout autant s’interdire de rapporter des détails qui relèvent de la vie privée des individus, telle votre référence au père de l’enfant.
Dans le présent cas, le Conseil ne peut, bien sûr, vous reprocher d’avoir identifié les trois enfants en question puisque, comme vous l’indiquiez au Conseil, votre article se voulait plutôt être un avis de recherche, certes d’intérêt public.
Vous auriez dû, cependant, vous contenter d’y donner l’information pertinente à cette fin et éviter d’évoquer les déboires familiaux de l’enfant en question. Ces détails, au sens du Conseil, n’étaient pas pertinents aux fins de la recherche entreprise par la Sûreté municipale. Ils n’étaient pas non plus d’intérêt public, mais plutôt destinés à piquer la curiosité du public. Même pour attirer la sympathie des lecteurs, comme vous le dites que ce fut votre but en l’occurrence, la presse se doit de faire des distinctions qui s’imposent entre ces notions, et ceci pour assurer qu’en s’acquittant de sa fonction d’informer, elle ne compromette pas le droit fondamental de la personne au respect de la vie privée.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C16D Publication d’informations privées