Plaignant
Municipalité de
Rigaud
Représentant du plaignant
M. Michel Cantin
(avocat, Bélanger, Sauvé, Roy, Legault 1/4 Nadeau)
Mis en cause
L’Etoile de
l’Outaouais-Saint-Laurent [Dorion]
Représentant du mis en cause
M. Raymond
Lefebvre (président et éditeur, L’Etoile de l’Outaouais-Saint-Laurent [Dorion])
Résumé de la plainte
L’Etoile de
l’Outaouais-Saint-Laurent publie, le 21 juin 1984, une lettre ouverte dont le
signataire est identifié par des initiales. Le journal doit faire connaître le
nom de l’auteur de cette lettre, qui critique certaines décisions des autorités
municipales de Rigaud.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de la ville de Rigaud qui reprochait à l’hebdomadaire
L’Etoile de l’Outaouais-Saint-Laurent d’avoir publié, le 21 juin 1984, une
lettre non signée s’en prenant à certaines décisions des autorités municipales
de Rigaud.
Le fait de ne
pas identifier le signataire de cette lettre autrement que par des initiales
dénoterait un manque de rigueur professionnelle et serait contraire au droit à
une information correcte et complète. La plaignante demandait donc au Conseil
de blâmer le journal pour une telle pratique. Elle demandait également au
Conseil d’inviter les responsables de L’Etoile à faire connaître le nom de
l’auteur de la lettre et à prendre les moyens nécessaires pour éviter que
pareille situation ne se reproduise.
Commentaires du mis en cause
Le
président-éditeur de L’Etoile, monsieur Raymond Lefebvre, soutenait pour sa
part que l’homme public et/ou l’organisme qu’il représente pouvaient être
contestés dans le courrier du lecteur. Connaissant le nom et l’adresse de
l’auteur de la lettre faisant l’objet de la plainte, et n’ayant trouvé dans ce
texte aucune matière à libelle, il avait accepté que seules les initiales de
l’auteur apparaissent comme signature.
Dans un secteur
rural où tout le monde se connaît, la lettre ouvert devient pour certains le
seul moyen de se faire entendre. Et «parce qu’ils avaient déjà osé s’attaquer à
un projet, des citoyens ont déjà eu à souffrir certaines mesquineries ou
vengeances politiques». Par ailleurs, la ville de Rigaud refusant de
transmettre ses procès-verbaux au journal et celui-ci n’ayant pas les moyens
d’affecter un journaliste à chaque assemblée mensuelle des conseils de toutes
les villes desservies, comme alors, de s’interroger monsieur Lefebvre, informer
adéquatement la population? Et comment s’étonner que celle-ci ait recours à
l’anonymat pour s’exprimer?
Enfin, à la
suite du mécontentement exprimé par la plaignante relativement à cette affaire,
le journal proposa au maire de Rigaud une entrevue ou la publication d’une
lettre ouverte pour qu’il puisse exprimer sa version des faits. Le maire refusa
les deux propositions, son seul souhait étant, de l’avis de monsieur Lefebvre,
d’obtenir le nom du signataire. Et à ce sujet, l’éditeur de L’Etoile
réaffirmait que, pour les mêmes raisons qu’un journaliste peut refuser de
dévoiler ses sources de renseignement, il ne dévoilerait sous aucun prétexte le
nom du signataire de ladite lettre.
Réplique du plaignant
Dans sa
réplique, la ville de Rigaud soumettait que l’éthique journalistique est la
même quels que soient le journal ou la région de diffusion et que les
explications fournies par l’éditeur de L’Etoile étaient contraires aux
principes journalistiques reconnus et appliqués par le Conseil de presse. Selon
ces principes, de conclure la plaignante, le journal n’aurait pas dû publier un
article sans la signature de son auteur.
En ce qui a
trait au refus de la ville de transmettre ses procès-verbaux, la plaignante
estimait que ce commentaire de l’éditeur n’était pas pertinent à l’étude de la
présente plainte.
La plaignante
niait également au journal le droit de publier une lettre anonyme sous prétexte
de la confidentialité des sources, cela n’ayant encore une fois aucun rapport
avec la plainte.
Enfin, la ville
de Rigaud, soulignait qu’elle n’avait reçu que l’offre de publier un article de
réplique, l’éditeur du journal n’ayant jamais offert d’entrevue au maire.
Analyse
Vu qu’ils assument l’entière responsabilité de ce qu’ils publient, les journaux doivent, règle générale, identifier l’auteur d’une lettre ouverte et le lieu de la ville où il réside. Une telle règle offre au public une garantie supplémentaire de probité ainsi que de l’authenticité des lettres publiées.
Dans le cas présent, la direction du journal n’a pas démontré qu’une quelconque menace à la sécurité de l’auteur de la lettre publiée sous les initiales «R.R.L.» justifierait une exception à cette règle. Par ailleurs, cette lettre ne constitue, de l’avis du Conseil, que l’expression d’opinions légitimes. L’anonymat était donc inutile et le Conseil doit blâmer la direction de L’Etoile pour avoir recouru à ce procédé.
Analyse de la décision
- C08G Lettres anonymes