Plaignant
M. Gaston Trudel
Mis en cause
Progrès-Dimanche
[Chicoutimi]
Représentant du mis en cause
M. Bertrand
Genest (directeur de la rédaction, Progrès-Dimanche [Chicoutimi])
Résumé de la plainte
Progrès-Dimanche
publie des lettres ouvertes contenant des propos haineux à l’égard de la
communauté juive. Ainsi, les lettres «Le tribunal a rendu son verdict» (21
avril 1985) et «La vérité vous rendra libre» (19 mai), signées par M. Maurice
Bergeron, allèguent que l’holocauste est un calunar et qu’il existe une
conspiration mondiale juive. Pendant l’étude de la présente plainte, le journal
publie la lettre «J’écris pour raconter, non pour prouver» (3 juillet), dans
laquelle M. Bergeron déconseille la lecture d’auteurs juifs.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de M. Gaston Trudel qui reprochait à
l’hebdomadaire Progrès-Dimanche de permettre la publication de lettres
contenant des propos haineux envers la population juive.
M. Trudel s’en
prenait particulièrement à deux lettres de M. Maurice Bergeron, l’une publiée
le 21 avril 85 sous le titre «Le tribunal a rendu son verdict», traitant du
procès de Ernst Zundel, et une autre datée du 19 mai et intitulée «La vérité
vous rendra libre», traitant cette fois-ci d’une présumée conspiration mondiale
juive.
Pour le
plaignant, ces lettres ne constituaient qu’un ensemble de propos diffamants
accompagnés de «citations invérifiables de supposés experts sûrement plus
antisémites qu’experts» visant à faire croire qu’il existe une conspiration
juive.
Commentaires du mis en cause
Pour sa part, M.
Bertrand Genest, directeur de la rédaction du journal, estimait que la plainte
de M. Trudel était similaire à une autre que ce dernier avait présentée au Conseil,
il y a un an, et pour laquelle le Progrès-Dimanche avait été exonéré. M. Genest
jugeait qu’il n’avait «pas de temps à perdre à l’obsession maladive de ce
citoyen de Roberval».
Réplique du plaignant
En réplique, M.
Trudel affirmait que son «obsession maladive» découlait du fait qu’il lisait
beaucoup de journaux et que le Progrès-Dimanche était le seul journal à
permettre ce genre de lettres. Pour M. Trudel, la liberté de presse était un
droit qui comportait aussi des obligations donc celle de filtrer et d’éliminer
la propagande haineuse et la diffamation. Enfin, le plaignant transmettait une
copie d’une troisième lettre parue entre-temps, le 3 juillet, dans les pages du
même journal, signée encore une fois par M. Bergeron sous le titre «J’écris
pour raconter, non pour prouver». Dans cette dernière lettre, M. Bergeron
enjoignait les lecteurs à ne pas lire d’auteurs juifs, sauf l’Ancien et le
Nouveau Testament.
Analyse
Malgré la latitude dont jouit l’éditeur, ses jugements d’appréciation en matière de publication de lettres de lecteurs doivent demeurer conformes à sa responsabilité d’informateur public soucieux de renseigner adéquatement et honnêtement ses lecteurs en évitant que de telles lettres servent de véhicule à des propos outranciers voire insultants, qui peuvent être préjudiciables à des individus ou à des groupes.
Dans le présent cas, le Conseil estime que le journal a enfreint sa propre politique en matière de lettres diffamatoires en publiant la série de lettres de M. Bergeron. Ces lettres, de l’avis du Conseil, pouvaient en effet entretenir les préjugés envers la communauté juive.
La plainte de M. Trudel est effectivement similaire à une première qu’il formula l’année dernière et pour laquelle le journal avait été exonéré. Le Conseil a cependant estimé que la teneur des lettres faisant l’objet de la présente plainte était discriminatoire et favorisait des attitudes racistes, ce qui n’était pas le cas dans le cadre de la première plainte.
Par ailleurs le Conseil considère que le journal n’aurait pas dû publier l’adresse intégrale du plaignant lorsqu’il publia une lettre de ce dernier. Les lettres des lecteurs doivent, bien sûr, être identifiées du nom de leur signataire ainsi que de l’endroit de résidence de l’auteur, les journaux doivent cependant taire l’adresse intégrale et le numéro de téléphone de leurs correspondants pour permettre à ces derniers de livrer publiquement leurs opinions sans risquer d’être inquiétés.
Enfin, le Conseil désapprouve les excès de langage et le manque de respect mutuel dont on fait preuve les parties dans la correspondance échangée dans cette affaire.
Analyse de la décision
- C08D Identification des textes
- C08I Lettres discriminatoires
- C24B Mauvaise foi