Plaignant
Le conseil des
maires de la Municipalité régionale de comté [MRC] de Papineau et le Centre local
de services communautaires [CLSC] de la Petite-Nation
Représentant du plaignant
M. Paul-André
David (directeur général, Municipalité régionale de comté [MRC] de Papineau)
Mis en cause
La Revue de la
Petite-Nation et M. Serge Lamarche (directeur)
Résumé de la plainte
Le directeur de
La Revue de la Petite-Nation, M. Serge Lamarche, accorde une couverture
inexacte, partiale et incomplète aux nouvelles concernant la MRC de Papineau et
le CLSC de la Petite-Nation. Dans l’édition du 13 octobre 1986, La Revue publie
un communiqué de la MRC et un éditorial titré «Lettre ouverte au préfet Fernand
Bissonnette» s’attaquant à ce communiqué. L’éditorial, publié sous la rubrique
«Opinions», ne porte aucune signature mais est l’oeuvre de M. Lamarche. Ce
dernier signe le même jour un article incomplet et erroné au sujet de la
suspension d’une employée du CLSC, et un autre article, le 27 octobre, qui
rapporte des inexactitudes sur les relations de travail au CLSC.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse du Québec a terminé l’étude de la plainte du conseil des maires de la
Municipalité régionale de comté de Papineau et du conseil d’administration du
CLSC de la Petite-Nation contre le journaliste Serge Lamarche, de La Revue de
la Petite-Nation, lequel enfreindrait «régulièrement le code de déontologie de
la profession» dans le cadre de la couverture «inexacte, partiale et
incomplète» qu’il ferait de l’actualité concernant la MRC de Papineau ainsi que
le CLSC de la Petite-Nation.
Selon le directeur
général de la MRC, monsieur Paul-André David, les textes du journaliste étaient
erronés, biaisés et dénotaient un parti pris flagrant, monsieur Lamarche jouant
«au Don Quichotte» et sa dernière mission étant «de défendre les pauvres
syndiqués du CLSC contre le méchant patronat».
Reconnaissant
qu’un journaliste puisse s’exprimer librement en éditorial, les plaignants
soutenaient qu’il y avait une marge entre cette liberté et le fait que 25 à 50
pour cent du journal soit écrit par un pamphlétaire. Selon les plaignants, ce
journaliste aurait même admis sa partialité auprès du directeur de la revue, ce
qui aurait eu comme résultat l’absence de page éditoriale dans les parutions
suivantes du 17 et du 24 novembre 1986, au regret des plaignants.
Cela dit, les
plaignants soulignaient plusieurs accrocs à la déontologie. Ainsi, le 13
octobre 1986, paraissait en page deux du journal un article résumant un
communiqué de presse expédié par la MRC de Papineau à La Revue de la
Petite-Nation. Dans la même édition était publié, sous la rubrique «Opinions»,
un texte intitulé «Lettre ouverte au préfet Fernand Bissonnette». Fait à
remarquer, selon les plaignants, la lettre, qui répondait aux arguments de la
MRC, était beaucoup plus longue et détaillée que le bref résumé du communiqué
de presse et, qui plus est, elle n’était pas signée. Les maires de la MRC de
Papineau trouvaient inacceptable que, dans une même parution, l’on retrouve
ainsi le communiqué de presse et la lettre ouverte, sachant que ledit
communiqué de presse n’avait été lu par personne, sauf l’équipe de rédaction.
Un autre exemple
fourni par les plaignant, un article publié dans la même édition du 13 octobre
au sujet de la suspension d’une employée de CLSC. Le journaliste aurait écrit
cet article sans obtenir le point de vue du CLSC, ce qui en faisait un
reportage biaisé et inexact, selon les plaignants. De plus, le journaliste
aurait écrit quelque chose qui est totalement faux, soit: «D’autres employés
demandent à la direction le même type de communications écrites: la direction
générale n’en suspend aucun et les rencontres en fin du mois». Les plaignants
contestaient cet énoncé qui laissait croire que tous les torts sont du côté de
l’administration.
Un article paru
le 27 octobre 1986 aurait également contenu trois affirmations fausses. Ainsi,
dans cet article traitant encore là des relations de travail au CLSC, il était
dit que le climat de travail malsain était engendré par le type de gestion du
CLSC, ce qui serait une affirmation gratuite laissant croire que les seuls
responsables étaient les gestionnaires. Les plaignants relevaient également cet
autre énoncé à l’effet que le nouveau plan de réorganisation du CLSC était
entré en vigueur en mars 1983, alors que ledit plan était effectif le 3 juin
1985. Enfin, était contestée l’affirmation du journaliste selon laquelle la
direction «savait agir illégalement» face à la convention collective, ce qui
serait totalement faux et lourd de conséquence.
Commentaires du mis en cause
Invité à
commenter cette plainte, le directeur de La Revue de la Petite-nation, monsieur
Serge Lamarche, signalait d’abord que, s’il n’y avait pas eu d’éditoriaux dans
les éditions des 17 et 24 novembre 1986, c’était parce qu’il n’y avait pas,
selon l’évaluation des événements, matière à éditorial, ce qui serait déjà
arrivé auparavant.
Monsieur
Lamarche soulignait que la marque du journal depuis 1972 était de présenter des
éditoriaux à l’occasion pamphlétaires. Il précisait également qu’il y avait
trois grands organismes publics dans la région, soit la MRC, le CLSC et la
Commission scolaire, et que ceux-ci tenaient donc une place importante dans le
milieu et dans le journal, tant pour l’information que pour le commentaire.
Quant au
communiqué de presse de la MRC dont il était fait état dans l’édition du 13
octobre 1986, monsieur Lamarche maintenait qu’il avait été traité de façon
juste et complète. Concernant l’opinion contenue dans la même édition, sous
forme de lettre ouverte non signée, monsieur Lamarche disait qu’il s’agissait
d’une erreur malencontreuse. Il l’aurait reconnue publiquement lors de
l’assemblée des membres de la MRC tenue le 15 octobre 1986 et le journal avait
apporté les correctifs nécessaires dans son édition du 20 octobre suivant.
Quant au fond de ce commentaire, monsieur Lamarche soutenait que la discussion
se poursuivait dans la région.
L’article du 13
octobre concernant la suspension d’une secrétaire au CLSC contenait, par
ailleurs, des faits précis et vérifiables. Ce texte aurait fait suite à un
article du 29 septembre 1986 où toutes les versions des parties avaient été
présentées et les raisons du conflit auraient été explicitées le 29 septembre
1986 et le 13 octobre 1986.
L’article du 27
octobre 1986 présentait, pour sa part, la version du syndicat, ce qui était
nettement précisé tout au long du texte. A cet égard, des demandes demeurées
sans réponse auraient été adressées à maintes reprises au CLSC de la
Petite-Nation, tant au directeur général qu’au conseil d’administration et qu’à
la présidente, pour obtenir leur version des faits.
Monsieur
Lamarche précisait n’avoir jamais joué au Don Quichotte contre le CLSC, tous
les textes présentés dans le journal visant à établir premièrement les faits et
à analyser ensuite la situation pour faciliter les prises de décision. Il n’y aurait
donc là strictement rien de personnel, sinon des idées et des réflexions
destinées à éclaircir la situation et jamais monsieur Lamarche n’aurait pris
position pour le syndicat ou pour le patronat, trop d’informations lui
manquant, en particulier au sujet des griefs.
Enfin, monsieur
Lamarche expliquait que, sauf exception, le traitement d’un sujet n’aurait
jamais accaparé plus d’une page du journal sur les huit pages de textes qu’il
contient habituellement. Quant au fait qu’il n’ait pas toujours présenté la
version patronale sur tous les sujets abordés, monsieur Lamarche considérait
avoir fait «les demandes nécessaires en ce sens» au CLSC.
Réplique du plaignant
Répliquant à ces
commentaires, monsieur David tenait d’abord à signaler qu’il est tout à fait
sain que la région bénéficie de la présence d’un hebdo. Il répétait cependant
qu’il existe une différence énorme entre un éditorial et un pamphlet et qu’il
est donc de mise que l’on appelle les choses par leur nom et que l’on titre la
page prévue à cet effet de son nom réel.
De plus, selon
monsieur David, faire du journalisme ne signifie pas exprimer son opinion
personnelle sur tel ou tel sujet, mais plutôt de rapporter les faits tels
qu’ils se présentent. Si un sujet mérite, selon la rédaction, de faire l’objet
d’un éditorial, il devrait alors dans un deuxième temps être repris et analysé
de façon plus minutieuse.
Monsieur David
s’interrogeait par ailleurs sur la pratique voulant que l’opinion d’un lecteur soit
publiée simultanément avec le communiqué de presse qui l’a suscitée. Il se
demandait également s’il était d’usage courant qu’un journaliste, voire même un
rédacteur, publie dans l’espace réservé aux lecteurs ses opinions personnelles,
référant ainsi à la lettre ouverte publiée le 13 octobre et qui avait été
rédigée par monsieur Lamarche lui-même tel qu’indiqué dans le correctif publié
dans l’édition suivante de la Revue de la Petite-Nation.
Analyse
Le traitement équilibré de l’information auquel se doivent les médias ne saurait être mesuré sur la base d’une seule édition ou de quelques textes seulement.
Les médias et les journalistes doivent demeurer libres d’exercer leur jugement rédactionnel, tant en ce qui a trait au choix des sujets abordés et à l’importance à leur accorder qu’à la façon de les traiter. En se prévalant de cette latitude, les professionnels de l’information doivent cependant se conformer à leur obligation de livrer une information conforme aux faits et aux événements et respectueuse des personnes impliquées.
L’éditorial se distingue pour sa part de l’information en ce qu’il constitue une tribune réservée à l’éditeur et à ses représentants pour exprimer leurs opinions, convictions, commentaires et critiques. Ce faisant, l’éditorialiste doit toujours agir avec rigueur et discernement et doit adopter une attitude respectueuse des droits et libertés d’autrui.
Les médias doivent également s’assurer que les lecteurs sont convenablement informés des faits pertinents à l’analyse et au commentaire afin qu’ils puissent formuler leur propre jugement.
Enfin, les éditoriaux doivent être clairement identifiés comme tels afin que n’existe aucune confusion quant à la nature des propos publiés.
Dans le cas présent, une étude des textes d’information publiés dans La Revue de la Petite-Nation au sujet de la MRC et du CLSC sur une période de quelques mois permet au Conseil de constater que les parties en présence ont joui d’un traitement équitable et que leur version respective des faits a été rapportée régulièrement.
En ce qui a trait aux éditoriaux publiés au sujet des organismes, le Conseil ne saurait non plus retenir de blâme contre l’intimé dans la mesure où ces textes ne constituaient que l’expression d’opinions légitimes. Le Conseil note d’ailleurs avec satisfaction que les répliques des plaignants à certains de ces éditoriaux ont été souvent publiées dans le journal.
Cela dit, le Conseil déplore la confusion créée par la publication, dans la rubrique réservée au courrier des lecteurs, d’un éditorial non signé. Le bref et discret correctif apporté à cet égard était peu susceptible de rétablir clairement les faits et le Conseil invite les responsables du journal à une plus grande rigueur en la matière.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C02A Choix et importance de la couverture
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C20A Identification/confusion des genres