Plaignant
Le Soleil
[Québec], Mme Louise Lemieux (journaliste) et M. Alain Guilbert (éditeur
adjoint et rédacteur en chef)
Mis en cause
M. Jean
Bienvenue (juge, cour supérieure du Québec)
Résumé de la plainte
Le juge Jean
Bienvenue expulse la journaliste Louise Lemieux du Soleil alors qu’elle couvre
l’audition d’une cause, en lui précisant: «Allez voir votre rédacteur en chef
et vous comprendrez». En effet, quelques jours auparavant, le juge a appelé ce
dernier pour se plaindre d’un article de la journaliste traitant d’un jugement
qu’il a rendu dans une autre cause.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Alain Guilbert, ex-éditeur adjoint et
rédacteur en chef du quotidien Le Soleil, contre le juge Jean Bienvenue de la
cour supérieure du Québec qui, le mercredi 10 décembre 1986, expulsait «sans
motif aucun» la journaliste Louise Lemieux.
En agissant
ainsi, le juge Bienvenue aurait porté une atteinte grave à la liberté
d’expression et au droit du public à l’information, «violant du même coup un
principe essentiel dans notre société, à savoir que l’administration de la
justice doit être publique».
Alors que la journaliste
du Soleil couvrait l’audition d’une cause entendue par le juge Jean Bienvenue,
celui-ci lui aurait intimé l’ordre de quitter les lieux en lui déclarant, pour
justifier son geste: «Allez voir votre rédacteur en chef et vous comprendrez».
Selon le rédacteur en chef, le juge Bienvenue l’aurait en effet appelé, le
lundi précédent l’expulsion, pour lui signifier son mécontentement à l’égard
d’un titre et d’un texte signé par madame Lemieux concernant un jugement rendu
par le juge Bienvenue dans une autre cause.
Il est à noter
que le juge Bienvenue revenait sur sa décision une heure plus tard, après que
la journaliste eut exposé la situation au juge en chef de la cour supérieure.
Analyse
Invité à commenter cette plainte, le juge Bienvenue n’en fit rien, ce que le Conseil ne peut que déplorer.
Le Conseil est d’avis qu’une telle expulsion sans motifs connus et clairement exprimés constitue une entrave injustifiée à l’exercice des fonctions journalistiques et une atteinte à la liberté de la presse.
En effet, l’administration de la justice est publique et la presse doit alors être libre d’en rendre compte afin que le public soit adéquatement informé.
Dans ce contexte, il est impérieux que l’accès aux cours de justice soit assuré à tous les journalistes et que ceux-ci ne soient pas l’objet de brimades parce que, dans le cadre de leur travail, ils auraient pu déplaire aux autorités.
Le Conseil note enfin avec satisfaction que la journaliste a finalement été réadmise en cour après s’être adressé au juge en chef de la cour supérieure. La conclusion de cette affaire ne doit cependant pas faire oublier aux responsables de l’administration de la justice les principes ci-haut mentionnés.
Analyse de la décision
- C06A Accès à l’information
- C24A Manque de collaboration