Plaignant
Le Comité de
l’environnement de Chicoutimi
Représentant du plaignant
M. Denis Gagné
(président, Comité de l’environnement de Chicoutimi)
Mis en cause
Le Quotidien
extra [Chicoutimi], M. Stéphane Bégin (journaliste) et M. Carol Néron
(directeur de l’information)
Résumé de la plainte
Dans son édition
du 18 novembre 1986, Le Quotidien extra traite de manière partiale et peu
rigoureuse de l’aménagement, dans la région, d’un champ de tir pour le
ministère de la Défense du Canada. Les textes concernés, rédigés par le
journaliste Stéphane Bégin et le directeur de l’information Carol Néron,
tentent insidieusement de discréditer les opposants à ce projet en les faisant
passer pour des activistes.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte du Comité de l’environnement de Chicoutimi contre
le Quotidien extra et messieurs Stéphane Bégin, journaliste, et Carol Néron,
directeur de l’information, concernant une série de textes publiés le mardi 18
novembre 1986 au sujet de l’installation d’un champ de tir pour les avions F-18
du ministère canadien de la Défense.
Selon le président
du Comité de l’environnement de Chicoutimi, monsieur Denis Gagné, ces textes
démontraient un manque de rigueur flagrant, à la fois scientifique et
intellectuel, ainsi qu’un parti pris évident pour la réalisation du champ de
tir en question, tout cela sous le chapeau d’un soi-disant professionnalisme
journalistique.
De l’avis de
plaignant, l’aspect le plus insidieux des textes est qu’ils allaient jusqu’à
remettre en cause «le droit des groupes de citoyens et des groupes de pression
à s’exprimer librement dans les médias», cela en tentant de les discréditer et
en les faisant passer pour des activistes et des manipulateurs de l’opinion
publique. D’affirmer monsieur Gagné: «En fait, la méthode utilisée dans cet
article n’est pas nouvelle: en accusant le groupe visé d’influencer l’opinion
publique, on fait comme si l’opinion que l’on vient d’émettre est neutre, sans
parti pris et représentative de la vérité reconnue et acceptée comme telle».
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte au nom des intimés, le directeur de l’information du Quotidien,
monsieur Carol Néron, précisait d’abord que le dossier-reportage à l’origine de
cette plainte n’avait pas été réalisé conjointement par monsieur Bégin et
lui-même, lesquels avaient bien comparé leurs textes avant publication mais ne
s’étaient pas associés dans l’élaboration proprement dite de la série
d’articles.
Monsieur Néron
avait personnellement assigné monsieur Bégin à ce dossier et avait par la suite
commenté en éditorial l’enquête réalisée par son journaliste.
Considérant que
la direction de l’information du Quotidien et du Quotidien extra n’avait aucun
reproche à adresser au journaliste Stéphane Bégin dans cette affaire, monsieur
Néron rappelait que le reporter était allé sur place, c’est-à-dire à l’Ascension,
qu’il avait rencontré des gens et qu’il leur avait parlé. Dans le commentaire
éditorial signé de monsieur Néron, il était par ailleurs précisé que cette
démarche n’avait rien de scientifique et référait davantage aux bonnes vieilles
recettes du journalisme. Monsieur Néron considérait donc ne pouvoir être plus
honnête, en laissant ainsi aux lecteurs le soin de juger de la valeur de leur
démarche.
Quant au grief à
l’effet que ces textes remettaient en cause le droit des groupes de citoyens et
des groupes de pression de s’exprimer librement dans les médias, monsieur Néron
référait le Conseil aux nombreuses lettres ouvertes publiées par le Quotidien
et contestant l’implantation du champ de tir pour F-18. Constatant que ces
groupes s’exprimaient largement dans les pages du quotidien, monsieur Néron
disait ne les brimer d’aucune façon et poussait même l’éthique jusqu’à ne pas
se prévaloir du droit de réplique du journal, jugeant que le lecteur a autant
sinon davantage le droit d’obtenir le dernier mot sur un sujet traité en page
éditoriale par un membre de l’équipe affecté à cette tâche.
Quant au contenu
même du dossier-reportage publié par Le Quotidien extra sur le champ de tir,
monsieur Néron faisait remarquer que le journal avait donné la chance aux groupes
de pression de s’exprimer. Ainsi l’un des textes, titré «Des opposants au
projet sont malgré tout très minoritaires», mentionnait que le journaliste
avait fait enquête auprès des groupes de pression concernés et livrait le
résultat de cette enquête en citant, entre autres, monsieur Denis Trottier,
l’un des personnages principaux du mouvement contestataire luttant contre
l’implantation du champ de tir ainsi que madame Albertine Larouche, son alter
ego dans une autre partie de la région.
Enfin, «après ce
tour d’horizon relatif aux attentes de la population de l’Ascension et le rôle
des groupes contestataires, monsieur Stéphane Bégin (faisait) état de la
version de la base de Bagotville». Monsieur Néron disait croire que ce
troisième texte intitulé: «Seuls les pilotes de Bagotville utiliseront le champ
de tir», complétait bien le dossier, ayant permis à chacun de s’exprimer.
Enfin,
concernant le commentaire éditorial signé par monsieur Néron dans la même
édition du Quotidien extra, celui-ci signalait n’avoir employé aucun des
qualificatifs que lui reprochait le plaignant qui le soupçonnait de vouloir
discréditer les pacifistes en les faisant passer pour des activistes et des
manipulateurs de l’opinion publique. Le seul moment où le terme activiste était
utilisé, c’était pour décrire, selon monsieur Néron, la démarche de confrères
«labradoriens». Quant au mot manipulateur, monsieur Néron le croyait trop
grossier dans les circonstances pour décrire les individus oeuvrant en marge
des courants de pensée traditionnels.
Le directeur de
l’information du Quotidien jugeait que ce que le plaignant interprétait comme
un manquement aux principes de l’éthique journalistique relevait davantage du
style polémiste qui est le sien que la dictature morale. Monsieur Néron citait,
à titre d’exemple de l’état d’esprit qui l’animait lorsqu’il avait rédigé son
texte, les phrases suivantes: «Nos environnementalistes, pour têtus qu’ils
soient, n’en méritent pas moins notre considération. Ils se battent pour une
cause qu’ils croient juste…».
Ce qui aurait
choqué le Comité de l’environnement, selon monsieur Néron, aurait été de
constater d’abord et avant tout que le journal avait démontré combien de
groupes minoritaires pouvaient influencer l’opinion publique. En cela, les
pacifistes de la région, et d’ailleurs, ne seraient pas les seuls concernés,
«la recette» ayant été éprouvée partout dans le monde par des tas d’individus
aux objectifs louables pour les uns, moins dans d’autres cas.
Analyse
En matière d’information, les médias et les journalistes sont libres de leurs choix rédactionnels, tant en ce qui a trait à l’attention qu’ils décident d’accorder à un sujet particulier qu’en ce qui concerne la façon de le traiter. Ces choix doivent cependant être faits en tenant compte du devoir de la presse de livrer une information équilibrée, conforme aux faits et aux événements, et respectueuse des personnes mises en cause.
L’éditorial se distingue pour sa part de l’information en ce qu’il constitue une tribune que l’éditeur et ses représentants se réservent pour exprimer leurs opinions et faire valoir leurs points de vue. Ce genre est essentiellement du journalisme d’opinion et constitue une manifestation de la liberté de la presse. Dans ce cadre, l’éditorialiste a cependant le devoir de mesurer la portée de ses jugements aux exigences de rigueur, d’intégrité et de probité que lui impose l’obligation de respecter la nature des faits commentés et l’intégrité des personnes impliquées.
Dans le cas présent, ni le journaliste ni l’éditorialiste n’ont contrevenu à ces principes et aucun blâme n’est retenu par le Conseil.
En effet, les articles du journaliste Stéphane Bégin rendaient compte adéquatement de témoignages recueillis auprès de divers intervenants et individus touchés ou impliqués dans les événements décrits.
Quant à l’éditorial, l’expression des opinions qu’il véhicule n’est pas entachée d’excès susceptibles de discréditer les personnes ou les groupes mis en cause ou de prêter flanc aux accusations de manque de rigueur ou d’intégrité.
Analyse de la décision
- C01D Opinion sans couverture préalable
- C13A Partialité