Plaignant
L’Eglise de
scientologie
Représentant du plaignant
Mme Gaétane
Asselin (agente de relations publiques, Eglise de scientologie)
Mis en cause
Le Guide
Mont-Royal [Montréal], M. Yves Chamberland (directeur) et M. Jean-Pierre
Sullivan (représentant)
Résumé de la plainte
Le Guide
Mont-Royal fait preuve de discrimination religieuse en refusant de faire
paraître une publicité de l’Eglise de scientologie. Ce journal exige d’abord
une confirmation écrite certifiant que les démêlés de l’Eglise avec deux
organismes voués à la protection des consommateurs sont terminés.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de madame Gaétane Asselin, agente de relations
publiques de l’Eglise de scientologie, contre le journal Le Guide Mont-Royal.
Alors que
pendant environ trois semaines, à l’automne 1986, l’Eglise de scientologie faisait
paraître une petite publicité annonçant son service du dimanche dans les pages
du Guide Mont-Royal, un représentant du journal, monsieur Jean-Pierre Sullivan,
aurait refusé d’y placer une plus grosse annonce où apparaissait la croix de
l’Eglise, en alléguant qu’avant de ce faire, il lui faudrait une approbation
écrite de l’Association coopérative d’économie familiale [ACEF] et de l’Office
de la protection du consommateur [OPC] à l’effet que le dossier de l’Eglise de
scientologie est «clair et correct».
Se disant
scandalisée que pareille chose puisse arriver, et rappelant que l’Eglise de
scientologie avait poursuivi l’ACEF pour avoir tenté délibérément de la
détruire «avec une propagande haineuse», la plaignante se demandait à partir de
quels critères l’ACEF et l’OPC avaient droit de regard sur la religion et
comment la presse, plus précisément Le Guide Mont-Royal, en était venue à se
rendre complice de pareils actes.
La plaignante
aurait téléphoné au directeur du Guide Mont-Royal, monsieur Yves Chamberland,
et celui-ci lui aurait dit être parfaitement au courant de la réponse de
monsieur Sullivan. Le directeur aurait également affirmé qu’il n’était
absolument pas tenu de mettre une annonce qu’il ne voulait pas dans son
journal.
La plaignante
voyait dans cette pratique de la discrimination religieuse, le journal ne se
fiant, selon elle, qu’aux «mensonges proférés par l’ACEF». Madame Asselin
soutenait qu’il n’était absolument pas question que l’Eglise se plie à des
exigences de groupes comme l’ACEF et l’OPC qui ne connaissent rien à la
religion et qui, par surcroît, ont tenté de la détruire. Il ne serait pas
question non plus que l’Eglise sa fasse dire quoi faire par un représentant de
journal et son directeur qui font preuve «d’un manifeste préjugé discriminatoire»
à son endroit.
Commentaires du mis en cause
Invité à
commenter cette plainte, le directeur du Guide Mont-Royal, monsieur Yves
Chamberland, expliquait que le représentant du journal n’avait jamais refusé de
publier une annonce pour l’Eglise de scientologie, celui-ci ayant simplement
voulu s’assurer que les «imposants problèmes» qu’avait cet organisme avec l’OPC
et l’ACEF étaient réglés. Monsieur Sullivan n’avait donc fait que son travail,
de bonne foi, sans arrière-pensée ni discrimination aucune. Il avait voulu,
tout au plus, «faire quelques vérifications sur la réputation et surtout, sur
l’honnêteté de l’Eglise de scientologie».
«Peut-on lui
reprocher, de s’interroger monsieur Chamberland, de s’être préoccupé de la
qualité et de l’honnêteté de l’annonce demandée, ce, dans l’intérêt de ses
lecteurs?»
Il n’y avait
donc pas discrimination religieuse, la plaignante admettant elle-même qu’au
cours de 1986, Le Guide Mont-Royal avait publié des annonces de l’Eglise de
scientologie. A ce moment toutefois, de préciser monsieur Chamberland, l’Eglise
de scientologie n’avait pas eu de problèmes gênants avec l’OPC ni avec l’ACEF
et le journal se considérait tout à fait à l’aise pour publier leurs
informations. Depuis lors, l’Eglise de scientologie aurait été l’objet d’un
nombre de plaintes imposant de la part de nombreuses personnes et ces plaintes
avaient été publicisées, ce qui aurait eu comme résultat de donner mauvaise
réputation à ce groupe et de mettre son intégrité en doute face au public.
Monsieur
Chamberland concluait en maintenant qu’il n’y avait pas discrimination et que
les annonces de l’Eglise de scientologie n’avaient pas été publiées parce que
le journal ne voulait pas «mal informer les lecteurs à propos d’un organisme
qui peut leur causer des problèmes et surtout, qui n’a pas une réputation
intègre auprès du public». Dans ce contexte, le journal aurait refusé la
publication d’annonces à tout autre organisme, commerce ou personne. Enfin,
monsieur Chamberland précisait que ce refus pourrait être révoqué dans un
avenir où l’organisme jouirait d’une meilleure réputation.
Réplique du plaignant
Répliquant à ces
commentaires, madame Asselin disait qu’il était totalement faux de faire croire
que le journal publiait les annonces de l’Eglise jusqu’au jour où celle-ci avait
eu des problèmes avec l’OPC et l’ACEF. La preuve en serait que c’est depuis
avril 1985 que l’Eglise a des problèmes avec ces organismes, alors
qu’entre-temps, soit les 30 juillet et 6 août 1986, l’Eglise avait fait
imprimer sa publicité dans Le Guide Mont-Royal en annonçant son service
religieux sans aucun problème. Et ce ne serait que par la suite que monsieur
Sullivan lui avait refusé l’autorisation d’imprimer une plus grosse annonce.
Madame Asselin
citait, à titre d’information, le texte de l’annonce déjà parue: «L’Eglise de
Scientologie et le Centre de Célébrités invite (sic) le grand public à assister
au service religieux à tous les dimanches à 13:15 au 4489 Papineau ou au 1705
St-Denis». La seule différence entre cette annonce et la plus grosse que l’on
voulait faire paraître était l’ajout de la croix de l’Eglise de scientologie.
De s’interroger la plaignante, «de quoi avait-il donc peur ici?»
Quant à
l’argument de monsieur Chamberland à l’effet qu’il ne voulait pas mal informer
le public, madame Asselin percevait ceci comme une accusation «fourbe et
malicieuse» et une preuve de la complicité du directeur du journal avec l’ACEF
et l’OPC. «Si M. Chamberland a peur d’imprimer nos articles parce que notre
réputation a été salie par l’OPC et l’ACEF, comment se fait-il alors qu’il
publie régulièrement des articles sur l’ACEF alors que depuis ce temps, Madame
Claudine Chatel a poursuivi l’ACEF et son avocat en recours collectif pour tous
les dommages qu’ils ont causés? Selon ses propres critères, leur réputation et
leur intégrité ne sont-elles pas mises en jeux aussi?»
La complicité
était donc claire pour madame Asselin, tout comme l’était la discrimination
religieuse alors que messieurs Chamberland de Sullivan avaient jugé l’Eglise
avant que les autorités «requises et reconnues» ne la jugent. Madame Asselin
précisait qu’elle ne parlait évidemment pas ici de groupes de consommateurs
comme étant les personnes requises, «mais de bien plus sérieux».
La plaignante
mentionnait par ailleurs que l’OPC avait été débouté à deux reprises dans des
dossiers judiciaires contre l’Eglise de scientologie et qu’aucune des
accusations n’avait été jusqu’à maintenant retenue par les tribunaux contre
cette Eglise.
Madame Asselin
se disait enfin certaine que monsieur Chamberland n’était pas aussi
chatouilleux «avec tous les gens qui viennent pour mettre de la publicité dans
son journal spécialement quand il s’agit de sommes plus considérables que cette
que notre article coûtait». Aussi voyait-elle là de la discrimination religieuse
«grossière et flagrante contre l’Eglise de scientologie», et du salissage de sa
réputation auprès du Conseil de presse.
Analyse
Il relève de la prérogative de l’éditeur d’établir sa politique ne matière de publicité et nul ne peut donc prétendre avoir accès de plein droit aux médias. Dans ce contexte, le choix des textes publicitaires doit être mesuré à des critères clairement énoncés, et ces critères doivent être uniformément appliqués à tous.
Dans le cas présent, la direction du Guide Mont-Royal a exercé sa prérogative conformément à la latitude qui est sienne, et l’étude de ce dossier ne permet aucunement de conclure à l’existence de pratiques discriminatoires à l’égard du groupe que représente la plaignante.
Analyse de la décision
- C10D Refus de publier