Plaignant
M. Marcel
Vaillancourt
Mis en cause
L’Echo de La
Tuque et M. Donald Angers (éditorialiste)
Représentant du mis en cause
M. Jean
Trépanier (éditeur, L’Echo de La Tuque)
Résumé de la plainte
Dans son
éditorial «Trop c’est trop!», publié le 17 mars 1987 par L’Echo de La Tuque, le
journaliste Donald Angers commente de manière raciste des incidents violents
survenus à la suite d’un tournoi de hockey organisé par la communauté
attikamek. Le journaliste relie ces événements à l’origine amérindienne des
personnes impliquées, alimentant ainsi les préjugés à l’égard des autochtones.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Marcel Vaillancourt contre
l’hebdomadaire L’Echo de La Tuque et l’éditorialiste Donald Angers, au sujet
d’un éditorial publié le 17 mars 1987, sous le titre «Trop c’est trop!», et
commentant les incidents violents survenus à la suite d’un tournoi de hockey
organisé par la communauté attikamek.
Selon le
plaignant, ce texte «(suintait) le racisme par tous ses paragraphes», tel qu’en
feraient foi les passages où il était question de «bagarre amérindienne», de
vandalisme «amérindien» et «d’individus amérindiens» arrêtés pour divers
délits.
Disant déplorer
ces incidents fâcheux comme la très grande majorité de la communauté attikamek,
monsieur Vaillancourt rappelait que le tournoi organisé annuellement par cette
communauté n’avait pas l’exclusivité «des rituels de clôture qui tournent à la
fantasia» et que, par ailleurs, les incidents tels les vols et voies de faits
sont monnaie courante à La Tuque et ne sont pas le plus souvent le fait
«d’individus amérindiens». Le plaignant considérait donc qu’il y avait «une
marge à vouloir «coller» à toute une communauté, prise dans son ensemble, des
incartades qui sont le fait de seulement quelques individus de cette même
communauté».
Enfin, monsieur
Vaillancourt attirait l’attention du Conseil sur un passage du texte où
l’éditorialiste s’adressait ainsi à ses lecteurs: «Avec cette énumération de
faits survenus sur notre territoire en fin de semaine dernière, vous serez en
mesure de juger par vous-même la rentabilité de cette activité». Le plaignant
voyait poindre là une invitation «bien mal dissimulée» à exercer des pressions
pour qu’à l’avenir ce tournoi soit organisé ailleurs qu’à La Tuque.
Commentaires du mis en cause
L’éditorialiste
Donald Angers se disait pour sa part étonné de cette plainte dans la mesure où
il considérait avoir accompli son devoir d’une façon honnête et sérieuse, «en
tenant compte de tous les critères qu’un journaliste se doit d’avoir pour bien
informer ses lecteurs».
Monsieur Jean
Trépanier, éditeur de L’Echo de La Tuque, laissait quant à lui «à la
compétence, au bon jugement et à l’intégrité du Conseil le soin de corriger les
lacunes, le cas échéant. Il précisait toutefois avoir vérifié les faits et les
sources d’information de monsieur Angers et en être venu à la conclusion «que
ce dernier a fait son travail d’informateur d’une manière des plus consciencieuses
sans aucune animosité ou parti pris (…)».
Réplique du plaignant
Le plaignant
répliquait à l’éditorialiste que l’honnêteté ou la bonne foi ne signifient pas
nécessairement «l’absence de coloration raciste dans les propos tenus par une
personne». Et c’était là le reproche adressé à l’éditorialiste, soit «sa façon
raciste» de rapporter les événements, et non pas une mise en cause de la
véracité desdits événements.
Considérant que
cette façon de faire ne pouvait qu’exacerber un fond de xénophobie «au sein
d’une population déjà suffisamment en proie à cette tare», monsieur
Vaillancourt concluait en précisant que les faits rapportés par monsieur Angers
étaient à déplorer en eux-mêmes et non parce qu’ils étaient le fait
d’Autochtones.
Analyse
L’éditorial se distingue de l’information en ce qu’il constitue une tribune d’opinions réservée à l’énoncé des points de vue et des positions de l’éditorialiste.
Celui-ci doit cependant mesurer la portée de ses jugements aux exigences de rigueur et d’intégrité qui prévalent pour tous les professionnels de l’information.
Dans ce contexte, ils doivent éviter d’entretenir les préjugés à l’endroit des personnes ou des groupes impliqués dans les événements commentés. Ces exigences n’impliquent pas que la presse doive s’interdire de faire état de l’identité ethnique de ces personnes ou groupes. Cependant, une telle mention pouvant contribuer à attiser certains préjugés, les médias ne doivent y avoir recours que lorsqu’elle constitue une condition essentielle à la compréhension de l’information diffusée ou commentée.
Dans le cas présent, bien que l’éditorialiste ait été en droit de faire part de ses vues et opinions légitimes sur des événements dont la véracité n’est pas ailleurs aucunement remise en doute par qui que ce soit, le Conseil considère qu’il a effectivement contribué à entretenir des préjugés en reliant, constamment et avec une insistance inutile, les incidents commentés à l’origine amérindienne des personnes impliquées.
Une telle façon de faire est contraire aux normes de l’éthique journalistique et le Conseil invite instamment l’éditorialiste à une plus grande rigueur et à une plus grande prudence en la matière.
Analyse de la décision
- C18D Discrimination