Plaignant
Mme Josette
Michaud
Mis en cause
CFJP-TV [TQS,
Montréal] et M. Dany Laferrière (reporter)
Représentant du mis en cause
M. Jean Rivard
(directeur de l’information, CFJP-TV [TQS, Montréal])
Résumé de la plainte
Le 27 février
1987, la fille de la plaignante est retenue quelques instants par une équipe de
Télévision Quatre-Saisons occupée à réaliser l’émission de nouvelles pour les
jeunes «Le petit journal». Les journalistes ne devraient jamais interviewer les
enfants qui déambulent seuls sur la rue, puisqu’on désire sensibiliser ces
derniers à la menace que représentent les inconnus.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de madame Josette Michaud qui, sur la
base d’un incident impliquant son enfant et une équipe de la Télévision Quatre
Saisons, demandait au Conseil de se pencher sur le principe «de l’interview en
pleine rue impliquant des enfants qui déambulent seuls».
Le 27 février dernier,
la fille de neuf ans de la plaignante s’était arrêtée pour assister à un
tournage effectuée sur la rue par une équipe de Quatre Saisons, et elle fut
alors interrogée par l’animateur Guy Laferrière, dans le cadre de l’émission
«Le petit journal».
L’enfant aurait
par la suite voulu s’esquiver et «il semblerait qu’on l’ait retenue quelques
instants pour compléter le tournage».
Demandant au
Conseil de statuer non pas sur cet incident particulier, mais plutôt sur les
principes en cause, la plaignante disait considérer que «les journalistes de la
radio-télévision ne devraient jamais interviewer des enfants dans la rue, à
plus forte raison s’ils sont seuls».
Selon elle, en
effet, maintenant que l’équipement vidéo est monnaie courante, cette pratique
d’interviewer les enfants pourrait facilement être imitée par quiconque aurait
intérêt à attirer les enfants, cela alors même que, depuis des années, on fait
campagne pour que les enfants refusent toute offre de personnes qu’ils ne
connaissent pas. «Mais sait-on, de s’interroger madame Michaud, la fascination
que les enfants ont pour la télévision et pour l’idée de se retrouver eux sur
le petit écran?»
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte, le directeur de l’information de Télévision Quatre Saisons, monsieur
Jean Rivard, expliquait d’abord que, dans le cadre du bulletin de nouvelles
pour jeunes «Le petit journal», l’animatrice et les reporters se rendent,
environ une fois la semaine, dans les écoles pour rencontrer les enfants. Il
arriverait aussi occasionnellement que les reporters, accompagnés d’un
cameraman, réalisent des «voix populi» sur la rue ou dans d’autres endroits
publics afin d’interroger les enfants. Dans de tels cas, de souligner monsieur
Rivard, la caméra et le microphone sont identifiés du logo de Quatre Saisons.
Ce genre
d’entrevues lui apparaissant très intéressant dans la mesure où les enfants
pouvaient ainsi «s’exprimer librement dans un contexte différent», monsieur
Rivard précisait que Quatre Saisons entendait continuer à les réaliser. Il
signalait à cet égard que la popularité du «Petit journal» augmentait, ainsi
que celle de l’animateur Dany Laferrière «que les enfants reconnaissent de plus
en plus régulièrement».
Disant
comprendre les craintes de la plaignante et étant conscient de l’importance de
sensibiliser les enfants, monsieur Rivard croyait qu’il peut être également
dangereux d’amplifier leur méfiance.
Cela dit,
monsieur Rivard était d’accord pour «accroître l’identification de Télévision
Quatre Saisons lors de ces entrevues» et il précisait que, depuis l’événement
rapporté par madame Michaud, l’identification des journalistes et des cameramen
était «encore plus évidente puisqu’ils portent maintenant des blousons revêtant
le logo» de la station. Croyant qu’en général les enfants sont en mesure de
reconnaître de tels logos, monsieur Rivard soulignait enfin que les enfants
étaient interrogés sur place et qu’il ne leur était pas demandé de suivre le
journaliste.
Analyse
En principe, la liberté de la presse serait gravement compromise si les médias et les journalistes se voyaient interdire de tourner les images qu’ils jugent pertinentes ou de réaliser des entrevues sur divers sujets d’intérêt public.
Cela dit, rigueur, prudence et discernement s’imposent d’autant plus lorsque les personnes approchées sont des enfants. Dans ce contexte en effet, le consentement des mineurs à participer au processus d’information ne peut à lui seul, pour des raisons évidentes, constituer un véritable critère décisionnel. Outre d’obtenir le point de vue des adultes responsables (parents, école, etc.), lorsqu’il est possible de ce faire, médias et journalistes ne doivent en aucun temps perdre de vue le caractère d’intérêt public de la démarche envisagée et proposée.
Par contre, le refus de collaborer de la part des enfants, ou des adultes qui en ont la charge, doit être intégralement respecté et ne saurait donner lieu à quelque pression ou insistance que ce soit à l’effet contraire.
Dans le présent cas, le Conseil est d’avis que la pratique de Quatre Saisons en matière d’identification des journalistes et des cameramen constitue une exigence minimale à respecter de la part des médias et des journalistes soucieux de leurs responsabilités sociale et professionnelle. Le Conseil est également heureux de constater que, depuis l’événement rapporté par la plaignante, cette pratique d’identification s’est affinée aux dires mêmes du directeur de l’information de la station.
Analyse de la décision
- C23H Interview et images d’enfants