Plaignant
Le Centre
d’accueil Domrémy-Montréal
Représentant du plaignant
Mme Louise
Nadeau (présidente, Centre d’accueil Domrémy-Montréal)
Mis en cause
Le Journal de
Montréal et M. Maurice Côté (chroniqueur)
Représentant du mis en cause
M. Yvon Dubois
(rédacteur en chef, Le Journal de Montréal)
Résumé de la plainte
Dans un texte
paru le 10 avril 1987, le chroniqueur Maurice Côté du Journal de Montréal porte
préjudice au Centre d’accueil Domrémy en le qualifiant, entre autres,
«d’éléphant blanc qui coûte 4,5$ millions par année». Il néglige de vérifier
ses informations et de justifier ses accusations. Cette attitude à l’endroit du
Centre découle d’une vieille rancune, le chroniqueur ayant déjà été destitué de
son conseil d’administration.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse du Québec a terminé l’étude de la plainte du conseil d’administration du
Centre d’accueil Domrémy-Montréal contre monsieur Maurice Côté, chroniqueur au
Journal de Montréal.
Le passage
suivant de la chronique du 10 avril 1987 de monsieur Côté était à l’origine de
cette plainte: «Le Centre d’accueil Domrémy-Montréal avait trois postes à
combler au sein de son conseil d’administration, mais lors de la date de
fermeture des mises en candidature, un seul bulletin de présentation n’est
parvenu au directeur général, Pierre Lamarche, ce qui fait que les deux autres
postes devront être comblés par le CRSSSMM. Une preuve de plus que ce centre
est en perte de vitesse et surtout, en perte d’efficacité. C’est un éléphant
blanc qui coûte $4,5 millions par année au ministère des Affaires sociales».
Tout en
considérant que monsieur Côté avait droit à ses opinions, la présidente du
conseil d’administration de Domrémy-Montréal, madame Louise Nadeau, s’élevait
contre le fait qu’il porte ainsi préjudice «sans se justifier à un
établissement qui sert près de 4 000 personnes par année».
En fait, madame
Nadeau se disait convaincue que cette attaque originait d’une rancoeur
personnelle, due au fait que monsieur Côté avait été destitué du siège qu’il
occupait au conseil d’administration du centre après que cet établissement eut
été mis sous tutelle. Selon la plaignante donc, monsieur Côté aurait «manqué de
la retenue essentielle dont doit faire preuve un journaliste» en faisant
passer, «par une nouvelle, une opinion résultant d’une querelle personnelle»,
cela alors même que onze des treize sièges du conseil sont actuellement
comblés.
Enfin, la
plaignante reprochait au chroniqueur de n’avoir pas cherché à vérifier ses
informations.
Commentaires du mis en cause
Monsieur Côté
disait pour sa part ne rien retirer de ce qu’il avait écrit, laissant «au
ministère le soin d’analyser « le cas Domrémy »». Concernant sa
rancoeur personnelle, il assurait qu’elle n’était «qu’un produit de
l’imagination de Mme Nadeau», monsieur Côté soutenant à cet égard avoir refusé
à deux reprises, depuis l’an dernier, de siéger au conseil d’administration de
Domrémy alors qu’il lui aurait été «très facile» de s’y faire élire. De plus,
monsieur Côté signalait ne pas s’être mêlé de la polémique ayant entouré ce
centre il y a deux ans.
Le chroniqueur
concluait en se demandant si, parce qu’il fut jadis membre du conseil
d’administration, il devait maintenant s’imposer de n’en plus jamais parler
dans sa chronique, ce qui, selon lui, «serait vraiment absurde». Il se
demandait également si c’était vraiment le rôle du Conseil de presse «de
s’attarder à des plaintes aussi insignifiantes».
Le rédacteur en
chef du Journal de Montréal, monsieur Yvon Dubois, déplorait également que le
Conseil de presse «doive se pencher sur toutes les plaintes qu’il reçoit quel
qu’en soit le sérieux». Selon monsieur Dubois, la plaignante faisait un procès
d’intention au chroniqueur et il n’entrait pas dans ses intentions «de la
suivre sur ce terrain».
Enfin, quant à
la justesse de l’information diffusée par monsieur Côté, le rédacteur en chef
signalait que l’affirmation du chroniqueur à l’effet que deux postes devraient
être comblés (sur les trois qui étaient vacants) était confirmée par madame
Nadeau lorsque celle-ci disait que onze des treize siège du Conseil étaient
comblés.
Réplique du plaignant
Répliquant à ces
commentaires, la plaignante contestait d’abord l’affirmation de monsieur Côté à
l’effet qu’il aurait pu être facilement élu au conseil d’administration,
l’article 86 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux l’en
empêchant.
Madame Nadeau
rappelait par ailleurs que sa plainte portait sur les accusations gratuites
«d’inefficacité» et «d’éléphant blanc qui coûte $4,5 millions» portées par
monsieur Côté. Disant n’avoir rien trouvé dans les commentaires des intimés qui
justifiât cet énoncé, la plaignante considérait donc que monsieur Côté, loin de
laisser au ministère le soin d’analyser le cas Domrémy, menait «son propre
procès en utilisant son statut de journaliste pour confondre auprès du public
son opinion personnelle et des faits».
Bien que tous
aient le droit d’émettre leur opinion, selon la plaignante, celle-ci soutenait
que «la position violente» de monsieur Côté était tout à fait inacceptable de
la part d’un membre destitué du conseil d’administration, «détail» que, par
ailleurs, madame Nadeau reprochait au chroniqueur d’avoir «omis» de mentionner
dans sa sortie contre le conseil d’administration de Domrémy-Montréal.
Et «la preuve la
plus flagrante de mauvaise foi» à cet égard serait, selon madame Nadeau,
l’interprétation du rédacteur en chef du journal concernant le nombre de
personnes siégeant au conseil d’administration du centre d’accueil. Ainsi, convenant
«avec monsieur Dubois qu’il n’est pas incompatible d’affirmer que deux postes
sur trois n’ont pu être comblés, alors que 11 des 13 postes au C.A. sont
effectivement comblés», la plaignante soutenait que l’on devait admettre «que
l’image laissée au lecteur sera très différente selon que l’on laisse entendre
que l’établissement ne peut combler les 2/3 de ses postes ou (…) que l’on
affirme que 2 sièges sur 13 sont vacants!»
La plaignante concluait
en soutenant que la «façon cavalière» avec laquelle les intimés avaient rejeté
sa plainte illustrait bien la façon cavalière avec laquelle la réputation de
l’établissement avait été mise en cause.
Analyse
Le chroniqueur jouit d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements et l’expression de ses opinions.
Cette latitude ne le soustrait cependant pas aux exigences de rigueur et d’exactitude que lui impartissent son rôle et sa responsabilité de professionnel de l’information. Le chroniqueur doit donc veiller à ne pas déformer les faits ou leur donner une signification qu’ils n’ont pas et il doit faire en sort d’informer adéquatement ses lecteurs de la nature des événements commentés.
Dans le cas présent, le Conseil déplore que le chroniqueur n’ait pas informé adéquatement ses lecteurs des faits sur lesquels il appuyait son jugement à l’égard de Domrémy-Montréal.
En ce qui a trait aux liens passés entre le chroniqueur et l’organisme qui était l’objet de son commentaire, le Conseil se refuse à s’adonner au procès d’intention à l’égard de monsieur Côté en rattachant ses remarques à la seule existence de tels liens. Cependant, compte tenu de la vigueur et de la sévérité du commentaire du chroniqueur, ces liens auraient dû être portés à la connaissance de ses lecteurs afin que ceux-ci puissent porter leur propre jugement sur l’affaire en question.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C22D Engagement social