Plaignant
M. Daniel Roy
(écrivain)
Mis en cause
La Tribune
[Sherbrooke], M. Jean Roy (directeur de l’information), M. Michel Rondeau
(journaliste) et Mme Pierrette Roy (journaliste)
Résumé de la plainte
La Tribune et
plus particulièrement son directeur de l’information, M. Jean Roy, négligent de
couvrir adéquatement la carrière artistique du plaignant. Ce dernier doit
demander et redemander des entrevues, qui sont parfois publiées après des mois
de pourparlers et de mystères.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Daniel Roy, écrivain, contre
le quotidien La Tribune de Sherbrooke.
Monsieur Daniel
Roy s’en prenait à «l’attitude évasive» du journal et de son directeur de
l’information, monsieur Jean Roy, face à son «droit à l’information pour
renseigner le public estrien sur sa carrière d’écrivain-poète-éditeur».
Le plaignant expliquait
qu’il devait demander et redemander des entrevues qui étaient parfois publiées
après des «mois de pourparlers et de mystères journalistiques». Il comprenait
qu’un journal ne puisse rapporter tous les événements, mais estimait qu’un
journaliste devrait avoir la «chance de couvrir les événements qui
l’intéressaient».
Pour appuyer ces
griefs, le plaignant rapportait quelques événements qui n’avaient pas été
couverts quoique des démarches aient été amorcées, soit par un journaliste,
soit par lui-même.
A ce titre, il
rappelait qu’en 1986, il avait contacté le journaliste Michel Rondeau au sujet
de sa tournée de dix-huit écoles de la Commission scolaire des Basques en
Gaspésie, et d’une série de conférences sur son métier d’écrivain à
l’Université de Lyon en France. Le journaliste se serait alors montré
«enthousiaste» à réaliser une entrevue, mais à la suite d’une décision de
dernière minute, il n’avait pu couvrir l’événement, ce que le plaignant
trouvait «bizarre».
Il rapportait
aussi une entrevue réalisée en 1984 avec le même journaliste et un photographe
concernant la publication d’un nouveau livre. Cette entrevue n’avait pas parue
à la suite de ce que le plaignant disait être «une chicane» avec la
journaliste, madame Pierrette Roy.
Le plaignant disait
avoir reçu, par ailleurs, un appel d’un autre journaliste, monsieur Denis
Dufresne, lequel se serait montré intéressé à faire une entrevue sur ses
expériences à Lyon. Le plaignant affirmait que le journaliste en avait parlé au
directeur de l’information, monsieur Jean Roy, et que rien n’avait abouti.
Enfin, monsieur
Daniel Roy mentionnait une rencontre «auteur-lecteurs» dans le cadre du
Festival national du livre qui n’avait pas été couverte malgré que monsieur
Jean Roy, le directeur de l’information de La Tribune, lui ait confirmé la
présence d’un journaliste.
A la lumière de
ces exemples, la plaignant estimait être «privé de son droit à l’information»
et être même ignoré s’il ne récidivait pas d’année en année auprès du journal.
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte, monsieur Michel Rondeau, journaliste affecté aux affaires scolaires,
disait n’être au courant que des deux événements où il était mis en cause
directement par le plaignant. Et à ce sujet, il soutenait qu’un problème de
disponibilité et qu’une clause de la convention collective des journalistes
l’avaient empêché de faire la couverture projetée.
Quant à madame
Pierrette Roy, attachée à la section arts et lettres du journal, elle précisait
que monsieur Daniel Roy avait «toujours été traité correctement par La
Tribune», et ce, en «dépit du fait qu’il se considérait lésé dans son droit à
l’information». Madame Roy soutenait que la section arts et lettres «aurait du
mal à satisfaire les exigences de M. Roy parce que ses attentes étaient trop
grandes» et ce, même si celui-ci avait obtenu, «à cause de son insistance
soutenue, un traitement privilégié comparativement à ses collègues de plume de
l’Estrie».
Le directeur de
l’information de La Tribune, monsieur Jean Roy, se disait pour sa part peu
surpris des griefs du plaignant. Il précisait que depuis six ans, celui-ci
s’était toujours montré insatisfait du traitement que La Tribune lui avait
accordé, quoique ce traitement ait été «l’équivalent de celui donné aux
différents auteurs de la région de l’Estrie».
Illustrant ses
propos, monsieur Jean Roy faisait un bref historique (avec pièces à l’appui) de
quelques activités de l’écrivain qui avaient fait l’objet d’une couverture par
La Tribune. Il ajoutait, par ailleurs, que les activités et les tournées de
celui-ci étaient annoncées ponctuellement lorsque le journal était informé de
ces dernières. Aussi, monsieur Roy soutenait qu’à la lumière de ces exemples,
le plaignant «triturait la vérité» lorsqu’il se disait ignoré par le journal.
Concernant plus
précisément les griefs du plaignant, le directeur de l’information niait
d’abord avoir discuté avec le journaliste Denis Dufresne du projet d’article de
ce dernier et indiquait que le journaliste pouvait le confirmer.
Par ailleurs,
monsieur Jean Roy convenait que le plaignant avait communiqué avec lui au sujet
du Festival national du livre. il avait cependant répondu à monsieur Daniel Roy
qu’un journaliste «pourrait s’y rendre dépendamment des disponibilités de la
salle de rédaction». Finalement, aucun journaliste n’étant disponible au moment
de l’événement, la couverture n’en avait pas été faite.
Enfin, à propos
de l’entrevue réalisée en 1984 par monsieur Michel Rondeau, celle-ci n’avait
pas été publiée parce qu’elle «ne s’inscrivait pas dans le domaine de travail»
du journaliste, mais dans celui de madame Pierrette Roy, avec qui le plaignant
ne voulait plus avoir à «faire affaire». A ce sujet, le directeur de
l’information faisait remarquer que le plaignant avait eu des démêlés avec
cette journaliste en 1981. Celui-ci avait alors fait publier une lettre
s’attaquant à madame Roy et à La Tribune dans un hebdomadaire local.
En conclusion,
monsieur Jean Roy signalait que son journal continuerait à accorder à monsieur
Daniel Roy un «traitement équivalent» aux autres auteurs estriens. Par contre,
si celui-ci désirait une «couverture digne d’un premier ministre», il serait
mal servi à La Tribune.
Réplique du plaignant
En réponse à ces
commentaires, le plaignant répliquait que monsieur Jean Roy l’avait «convaincu d’abandonner
la « poétique » pour la politique» et qu’ainsi il n’aurait plus rien à
«quémander».
Il répliquait
aussi qu’il aimerait que monsieur Roy «joue franc jeu; que s’il n’était pas
intéressé à couvrir ses événements, qu’il le dise clairement et qu’il cesse de
tourner autour du pot, de le faire languir».
Le plaignant
citait en exemple l’événement du Festival national du livre et considérait
«expéditive» l’explication du directeur de l’information à cet égard.
Ajoutant qu’il
semblait être le seul à s’opposer à l’indifférence de ce journal à «vocation
régionale», le plaignant concluait qu’il était «préférable de ne pas élever la
voix, de ne rien dire, de ne pas rechercher le droit à l’information et de se
lancer en politique (…) pour qu’on parle de vos réalisations chez vous en
Estrie».
Analyse
L’attention que décide de porter les journalistes et les médias à un sujet ou à un événement particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix et l’importance du sujet ou de l’événement, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Le Conseil ne saurait donc intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information.
Cependant, ces choix doivent être uniquement fonction du degré d’intérêt public de la nouvelle, et ils ne sauraient être dictés par des considérations étrangères au droit du public à une information exacte, équilibrée et honnête. Dans ce contexte, les professionnels de l’information ne doivent pas se laisser influencer par des inimitiés, des préjugés ou un parti pris à l’égard de personnes, de groupes ou de mouvements susceptibles d’être impliqués dans des événements d’intérêt public.
Dans le cas présent, les intimés ont exercé leur prérogative rédactionnelle conformément à la latitude qui était leur, l’étude du dossier ne permettant nullement de conclure que le plaignant a été lésé ou ignoré par la direction du quotidien ou par les journalistes impliqués.
Au contraire, le Conseil a constaté que La Tribune a fait effectivement connaître à ses lecteurs une partie des activités et de la production du plaignant. Et à cet égard, le Conseil rappelle que le droit du public à l’information ne doit pas être confondu avec les besoins et les attentes de couverture journalistique d’un individu ou d’un groupe.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture