Plaignant
Le café-galerie
L’Embuscade
Représentant du plaignant
M. Gil Tremblay
(directeur, café-galerie L’Embuscade)
Mis en cause
Le Nouvelliste
[Trois-Rivières] et M. André Gaudreault (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(président et éditeur, Le Nouvelliste [Trois-Rivières])
Résumé de la plainte
Le Nouvelliste
et plus particulièrement son journaliste attaché à la section des arts et
spectacles, M. André Gaudreault, négligent de couvrir les 26 expositions et les
5 événements artistiques présentés par le café-galerie L’Embuscade depuis son
ouverture et ce, en dépit des communiqués de presse diffusés pour chacune de
ces activités.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Gil Tremblay contre le quotidien Le
Nouvelliste et le journaliste attaché à la section des arts et spectacles de ce
quotidien, monsieur André Gaudreault.
Monsieur
Tremblay, directeur du café-galerie L’Embuscade situé à Trois-Rivières,
reprochait au quotidien de n’avoir fait aucune couverture journalistique des
vingt-six expositions et des cinq événements artistiques présentés depuis
l’ouverture de cet établissement et ce, en dépit des communiqués de presse
adressés aux responsables du journal pour chacune de ces activités.
Le plaignant
affirmait qu’au contraire des autres organes d’information de la région, Le
Nouvelliste se contentait tout au plus de faire mention de ces événements dans
sa rubrique «Aujourd’hui» et ce, uniquement lorsque monsieur Tremblay appellait
«personnellement le responsable, monsieur André Gaudreault, pour insister sur
ce minimum…».
Par ailleurs, le
directeur de L’Embuscade mentionnait qu’il avait discuté avec ce dernier de son
projet d’ouvrir un café-galerie. Le journaliste aurait alors paru sceptique, en
l’assurant tout de même de son appui journalistique. Cependant, les
«expositions passèrent les unes après les autres sans aucune couverture de [la]
part» de monsieur Gaudreault, aux dires du plaignant.
Monsieur
Tremblay faisait aussi remarquer que lors d’une rencontre, le journaliste
l’avait informé qu’il n’appréciait guère le fait que le plaignant faisait
«commerce de boissons alcoolisées au travers de présentations d’oeuvres
d’art…». Monsieur Tremblay lui aurait rétorqué qu’il «couvrait tout de même
d’autres événements artistiques où la consommation d’alcool était pratiquement
obligatoire, tels les spectacles dans les cabarets, festivals […], etc.» Le
plaignant disait avoir alors reçu une «autre assurance de bonne volonté» de la
part du journaliste, mais «sans résultat».
Enfin, le
plaignant signalait qu’il avait fait parvenir une lettre au journal dans
laquelle il constatait un manque d’intérêt du quotidien au niveau de son
service d’informations culturelles. Il précisait que cette lettre avait été
publiée, mais qu’aucune suite n’avait été donnée aux griefs qui y étaient
exprimés.
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte au nom de la direction du journal et du journaliste André Gaudreault,
monsieur Claude Masson, président et éditeur du quotidien, précisait que la
politique d’information du Nouvelliste concernant le secteur culturel
consistait à ««couvrir» les expositions qui se tiennent dans les galeries d’art
et les musées reconnus préférablement à but non lucratif». En conséquence, les
événements culturels tenus dans des endroits dont la «principale fonction était
avant tout commerciale» ne faisaient pas l’objet d’une couverture systématique.
Toutefois,
monsieur Masson considérait que son journal n’exerçait aucune discrimination,
puisqu’il acceptait de publiciser régulièrement les événements et les activités
du café-galerie L’Embuscade dans les chroniques «Aujourd’hui» et «Quoi faire en
fin de semaine», «qui relatent les expositions en cours dans les différents
lieux artistiques desservis par [le] journal».
Enfin, monsieur
Masson joignait à ses commentaires copie d’un article-reportage traitant des
oeuvres d’un peintre présentées dans le cadre d’une exposition au café L’Embuscade.
Quoique publié après le dépôt de la plainte au Conseil, le président et éditeur
estimait que cet article démontrait la «bonne foi et la non discrimination» du
journal à l’égard de l’établissement du plaignant.
Réplique du plaignant
Commentant la
politique du quotidien à l’effet de «couvrir» les expositions qui se tiennent
dans les galeries et les musées reconnus, et préférablement à but non lucratif,
le plaignant répliquait d’abord qu’il n’existait que deux galeries reconnues et
subventionnées par le ministère des Affaires culturelles à Trois-Rivières, et
que celles-ci offraient toujours du vin «alcoolisé» et y faisaient le commerce
de la bière lors de leurs vernissages. Il ajoutait que ces galeries retenaient
un pourcentage de 25 à 40 pour cent sur toutes les ventes d’oeuvres d’art.
Quant aux autres
types de galeries (les «ateliers-galeries» adjacentes à des ateliers
d’artistes, les «galeries-écoles» où l’on présente les oeuvres des étudiants ou
des enseignants, et les «galeries centre d’achats»), le plaignant faisait
remarquer que celles-ci avaient une fonction commerciale et qu’aucune n’était
sans but lucratif.
Soulevant les
diverses vocations des galeries (présenter des oeuvres, mettre le public en
contact avec l’art, faire découvrir de nouveaux talents) et la façon de les
concrétiser, monsieur Tremblay expliquait qu’en créant le café-galerie
L’Embuscade, «l’idée d’allier un lieu de rencontres du style café de quartier»
à celui d’une aire d’exposition importante où les oeuvres exposées s’imposeraient
sur l’ensemble, lui était apparue «intéressante et viable à Trois-Rivières».
Le plaignant
ajoutait que le café-galerie présentait des auteurs de tous les coins du Québec
et était «appuyé par des artistes désireux de doter la ville de Trois-Rivières
d’un centre de diffusion d’art actuel».
Il faisait
également remarquer que la fabrication des affiches et des invitations, que les
envois des communiqués de presse, et que les frais de vernissage étaient à la
charge du café-galerie.
Par ailleurs, rappelant
les différentes réalisations du café-galerie depuis deux ans et ses
implications régulières dans la commandite d’événements artistiques, monsieur
Tremblay signalait que Le Nouvelliste n’avait su faire part de celles-ci que
dans sa chronique «Aujourd’hui» et dans deux articles.
Il indiquait
qu’il y avait eu cinq fois plus d’articles traitant de L’Embuscade dans les
journaux et revues de Montréal, et quinze fois plus de critiques de leurs expositions
dans le bimensuel trifluvien La Gazette populaire que dans le quotidien de la
région.
Le directeur de
L’Embuscade estimait que le président et éditeur du Nouvelliste et le
journaliste André Gaudreault étaient libres de préférer les «galeries centre
d’achats», mais considérait que leur affirmation à l’effet que le quotidien
n’exerçait aucune discrimination mettait en doute leur éthique professionnelle.
Il rappelait
enfin que Le Nouvelliste était le principal moyen d’information de la région
trifluvienne et que, par cette discrimination, le quotidien perpétuait une
injustice envers les artistes et les artisans de ce secteur d’activités.
Analyse
L’attention que les journalistes et les médias décident de porter à un sujet ou à un événement particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix et l’importance du sujet ou de l’événement, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Le Conseil ne saurait donc intervenir dans de telles décisions sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information.
Ces choix ne sauraient cependant être dictés par des considérations étrangères au droit du public à une information exacte, équilibrée et honnête sur les secteurs d’activités qui font l’objet d’une couverture journalistique. Dans ce contexte, les professionnels de l’information ne doivent pas se laisser influencer par des inimitiés, des préjugés ou un parti pris à l’égard de personnes, de groupes ou de mouvements susceptibles d’être impliqués dans des événements d’intérêt public.
Par ailleurs, considérant que la politique d’un média en matière d’information relève de la prérogative de l’éditeur, il n’appartient pas au Conseil de se prononcer sur l’importance qu’un média doit accorder à un secteur d’activités particulier ou aux diverses instances oeuvrant dans celui-ci.
Dans le cas présent, les intimés ont exercé leur prérogative rédactionnelle en choisissant d’informer leurs lecteurs des activités du café-galerie L’Embuscade comme ils l’ont fait, soit principalement par le biais des chroniques présentant les activités artistiques de la région. Aucun blâme n’est donc retenu contre eux.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture