Plaignant
L’Alliance des
professeures et professeurs de Montréal
Représentant du plaignant
Mme Danièle
Saint-Laurent (avocate, Brodeur, Matteau, Saint-Laurent)
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et Mme Peggy Curran (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Mel Morris
(rédacteur-gérant, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
La journaliste
Peggy Curran de The Gazette rapporte de manière inexacte une proposition faite
par l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal à un enseignant
atteint du SIDA, dans des articles parus les 28 et 29 août 1987 sous les titres
«Catholic board offers teacher with AIDS full pay not to work» et «Bpard trying
to decide how much it will pay AIDS victim not to teach». La journaliste
affirme tenir ses informations d’une source près de l’Alliance, alors qu’aucun
employé de celle-ci n’est responsable de la fuite en question. The Gazette
refuse de publier la mise au point de l’Alliance à ce sujet.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de l’Alliance des professeures et professeurs de
Montréal contre la journaliste Peggy Curran et le quotidien The Gazette
concernant deux articles, publiés les 28 et 29 août 1987, au sujet d’une offre
salariale proposée à un enseignant atteint du SIDA s’il acceptait de ne pas
retourner au travail.
L’Alliance, par
l’entremise de maître Danièle Saint-Laurent, considérait que ces articles, pour
des raisons d’inexactitude de l’information et de manque de rigueur professionnelle,
risquaient de porter atteinte à sa crédibilité.
Ainsi, la
plaignante reprochait à la journaliste Peggy Curran d’avoir écrit que ses
informations provenaient d’une source «close to the Alliance des professeurs»
[une source «près de l’Alliance des professeurs»]. Maître Saint-Laurent
signalait qu’après enquête, l’Alliance était convaincue qu’aucune des quatre
personnes de cet organisme qui étaient au courant de ce dossier n’était à
l’origine de la divulgation des renseignements confidentiels concernant cet
enseignant.
Maître
Saint-Laurent indiquait que l’Alliance ne pouvait tolérer «qu’on lui impute
ainsi, à tort, la responsabilité d’être la source de telles indiscrétions».
Elle ajoutait que le respect de la vie privée des enseignants et que la discrétion
absolue sur les renseignements confidentiels les concernant, constituaient des
composantes essentielles de la relation de confiance que l’Alliance établissait
avec ses membres.
Enfin, maître
Saint-Laurent reprochait au quotidien The Gazette d’avoir abusé de sa
discrétion rédactionnelle en refusant de publier une lettre de la présidente de
l’Alliance en réponse aux articles de la journaliste Peggy Curran.
Commentaires du mis en cause
Invité à
commenter cette plainte, monsieur Mel Morris, rédacteur-gérant à The Gazette,
faisait remarquer que l’article ne précisait pas que le journal avait obtenu
ses renseignements de la direction de l’Alliance ou que leur source était un
membre de celle-ci.
Monsieur Morris
signalait toutefois que cette source était suffisamment près de l’Alliance pour
connaître le cas et pour fournir des renseignements sur celui-ci. Il ajoutait
de plus que l’Alliance n’avait en aucun moment contredit la véracité de ces
renseignements.
Par ailleurs,
monsieur Morris considérait que pour le bénéfice des lecteurs, The Gazette ne
pouvait s’abstenir de publier cet article. Le journal avait la responsabilité,
selon monsieur Morris, de publier des informations lorsque des deniers publics
étaient concernés et il estimait que le cas dont il est ici question «était
important, puisqu’il pouvait créer un précédant pour l’étude de cas similaires
par d’autres organismes publics».
Enfin,
concernant la publication de la lettre de la présidente de l’Alliance, monsieur
Morris indiquait que la lettre que lui avait transmise l’adjoint au rédacteur
des nouvelles locales ne précisait pas qu’elle avait été envoyée dans le but
d’être publiée. S’il avait su, expliquait-il, il aurait sérieusement envisagé
de la publier. Il estimait toutefois qu’il ne servait à rien de le faire
maintenant, puisque l’événement était chose du passé.
Note: Afin
d’éviter toute confusion, il est important de mentionner que la présidente de
l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, madame Lorraine Pagé,
avait adressé une lettre à monsieur Paul Waters, adjoint au rédacteur des
nouvelles locales, à laquelle était jointe la lettre qu’elle souhaitait voir
publiée en réponse aux articles de la journaliste Peggy Curran.
Réplique du plaignant
En réplique à
ces commentaires, maître Danièle Saint-Laurent précisait n’avoir jamais
prétendu que les articles indiquaient que les renseignements contenus
provenaient de la direction de l’Alliance.
Elle considérait
cependant que la mention «from a source close to the Alliance» était
susceptible de semer la confusion et d’amener les lecteurs à conclure que cette
source était un membre de l’Alliance ou une personne liée à ce membre. Elle
signalait de plus que cette source était connue de l’Alliance et qu’elle
n’avait pas de lien avec cette association ou l’un de ses membres.
Par ailleurs, en
ce qui concerne la publication de la lettre de la présidente de l’Alliance,
maître Saint-Laurent trouvait «inconcevable le commentaire» de monsieur Morris
à l’effet que rien dans la lettre qu’il avait reçue ne précisait qu’elle avait
été envoyée pour être publiée.
Maître
Saint-Laurent considérait comme une «bien piètre excuse» le fait que les
lettres aient été adressées à l’adjoint au rédacteur des nouvelles locales, puisque
ce dernier avait transmis la lettre en cause à monsieur Morris, lettre à
laquelle ce dernier a répondu.
Maître
Saint-Laurent terminait en disant qu’il lui semblait que The Gazette avait
«traité toute l’affaire avec un manque de sérieux inquiétant» alors qu’il
s’agissait là, pour l’Alliance, d’une «affaire sérieuse touchant à sa
crédibilité et pouvant ruiner sa relation de confiance avec ses membres».
Analyse
Les médias et les journalistes doivent, de façon générale, mentionner la provenance de leurs informations. Ils sont cependant tenus de respecter la confidentialité de leurs sources s’ils ont pris un engagement à cet effet.
Ils doivent de plus faire preuve de vigilance dans la façon de référer, dans leurs écrits, à leurs sources confidentielles, afin d’éviter toute confusion quant à la provenance des informations diffusées.
Par ailleurs, si nul ne peut prétendre avoir accès de plein droit au courrier des lecteurs, puisque la décision de publier ou non une lettre relève de la prérogative de l’éditeur, le Conseil est d’avis que la publication de telles lettres ou la diffusion de mises au point peut parfois constituer un moyen adéquat et recommandable de rectifier certaines erreurs ou de permettre aux personnes et aux groupes ou associations de faire connaître leurs griefs concernant le contenu de l’information diffusée à leur sujet ou la façon dont cette information a été diffusée.
Dans le cas présent, le Conseil est d’avis que la référence à une source «près de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal» pouvait couvrir plusieurs possibilités quant à la provenance des renseignements confidentiels diffusés. Il considère par conséquent que les lecteurs n’ont pas été amenés à attribuer cette divulgation à une personne oeuvrant au sein même de l’une ou l’autre des instances de cette association.
Par ailleurs, le Conseil estime que The Gazette aurait dû publier la lettre de la présidente de l’Alliance afin de dissiper toute confusion quant à la provenance des informations diffusées ou, du moins, de permettre aux lecteurs de se faire une opinion sur cette question.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C09A Refus d’un droit de réponse