Plaignant
M. Gérard
Brouard
Mis en cause
Le Devoir
[Montréal] et M. Robert Dutrisac (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Paul-André
Comeau (rédacteur en chef, Le Devoir [Montréal])
Résumé de la plainte
Le journaliste
Robert Dutrisac du Devoir rapporte des informations erronées dans son article
«Traqué par la banque, Bertin Nadeau cède son usine de meubles à Shermag», paru
le 9 janvier 1988. Le Devoir publie un rectificatif, mais ce dernier ne compense
pas le tort causé à la réputation du plaignant par l’affirmation selon laquelle
il aurait mis à pied 150 employés de la Société Nadeau et Nadeau peu avant son
acquisition par Shermag.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Gérard Brouard contre le journaliste
Robert Dutrisac et le quotidien Le Devoir, concernant un article paru, le 9
janvier 1988, au sujet de l’acquisition de la Société Nadeau 1/4 Nadeau par
la compagnie Shermag.
L’article, qui rapportait
entre autres que cette Société était contrôlée par monsieur Bertin Nadeau, et
que ce dernier «avait déjà mis à pied les quelques 150 employés de l’usine»,
portait atteinte, selon le plaignant, «à l’honneur, à la dignité et au respect
d’un de nos meilleurs hommes d’affaires québécois».
Note: Monsieur
Brouard exprimait cet avis malgré le rectificatif (dont il annexait copie à sa
plainte) publié le 12 janvier 1988 dans Le Devoir, et dans lequel était signalé
que monsieur Bertin Nadeau ne détenait aucun intérêt dans la Société Nadeau
1/4 Nadeau au moment de sa vente à Shermag, s’en étant départi à l’automne
1985. Ce rectificatif indiquait, par ailleurs, que la mise à pied des employés,
ainsi que les difficultés de la société, ne pouvaient, par conséquent, être
imputées à monsieur Nadeau.
Monsieur Brouard
ajoutait que le journaliste n’en était pas à sa première rédaction
«tendancieuse» sur monsieur Nadeau ainsi que sur la compagnie Unigesco qu’il
préside. Il estimait qu’une vérification des écrits du journaliste Robert
Dutrisac sur monsieur Nadeau et Unigesco, au cours de la dernière année,
permettrait de constater que le journaliste avait «des raisons personnelles ou
[agissait] pour le compte de quelqu’un afin de déprécier, de dénigrer ou de
discréditer» monsieur Nadeau qui avait la confiance de plusieurs compagnes et
institutions bancaires.
Monsieur Brouard
qualifiait, par ailleurs, d’«inventions malicieuses et malhonnêtes» le fait
d’écrire que monsieur Nadeau avait déjà mis à pied les quelque 150 employés de
l’usine. Il en allait de même, selon le plaignant, du titre de l’article:
«Traqué par la banque, Bertin Nadeau cède son usine de meubles à Shermag».
Il soutenait
enfin que le journaliste n’avait pas vérifié ses informations avant de les
écrire, diffamant ainsi «une personnalité qui avait la confiance de plus de 30
000 actionnaires».
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte, le journaliste Robert Dutrisac indiquait qu’une «erreur factuelle»
s’était glissée dans son article, puisqu’au moment de la vente de la société,
monsieur Nadeau n’était plus l’actionnaire majoritaire. Il ajoutait avoir été
induit en erreur, lors d’un entretien avec monsieur Serge Racine, président de
Shermag, où il avait été question «du holding Nado, propriété de la famille Nadeau
et actionnaire majoritaire de Nadeau et Nadeau avant la transaction».
Monsieur
Dutrisac ajoutait avoir tenté, sans succès, de rejoindre monsieur Nadeau et son
conseiller, monsieur Pierre Beauregard, avant de rédiger son article. Le
journaliste soulignait que le «désengagement» de monsieur Nadeau de
l’entreprise familiale à l’automne 1985 n’avait pas été, à sa connaissance,
divulgué.
Le journaliste
précisait avoir fait publier rapidement «un rectificatif bien en évidence» dans
Le Devoir du 12 janvier, dès qu’il avait été informé, par monsieur Beauregard,
du désengagement de monsieur Nadeau. Monsieur Dutrisac signalait que «les
intéressés [s’étaient] montrés satisfaits de la mise au point» et qu’ils
considéraient l’affaire close.
Par ailleurs,
monsieur Dutrisac considérait «sans fondement aucun» l’affirmation du plaignant
à l’effet qu’une enquête sur ses écrits depuis un an permettrait de constater
qu’il avait des «raisons personnelles» ou qu’il agissait «pour le compte de
quelqu’un afin de déprécier, de dénigrer, ou de discréditer monsieur Nadeau».
Monsieur
Dutrisac soulignait n’avoir écrit qu’un seul article au sujet d’Unigesco et de
monsieur Nadeau depuis son engagement au Devoir, cinq mois auparavant, et que
le traitement du sujet y avait été semblable à celui du quotidien La Presse.
Monsieur
Dutrisac ajoutait enfin qu’il ne possédait «aucun portefeuille d’actions de
quelques sociétés que ce soit».
Invité à
commenter cette plainte, monsieur Paul-André Comeau, rédacteur en chef du
Devoir, rapportait que le journal avait admis «avoir publié une information
erronée en insérant, dès le lendemain, à la même place, un texte qui rectifiait
le tir» et que les personnes impliquées en avaient été satisfaites.
Monsieur Comeau
ne comprenait pas, par ailleurs, la demande du plaignant de «procéder à une
enquête» des textes publiés par monsieur Dutrisac depuis un an, soulignant que
le journaliste n’était à l’emploi du Devoir que depuis cinq mois. Le rédacteur
en chef considérait qu’il s’agissait la «d’un faux procès».
Analyse
Le traitement de l’information relève du jugement rédactionnel des professionnels de l’information qui doivent cependant livrer au public des informations exactes et conformes aux faits.
Il relève aussi de leur responsabilité d’apporter, dans les meilleurs délais possible, les correctifs nécessaires à leurs erreurs afin de rectifier les faits auprès du public et de remédier rapidement aux torts qu’ils auraient pu causer à des personnes, des groupes ou autres instances.
De plus, le Conseil ne saurait s’engager dans l’analyse de procès d’intention contre quelque partie impliquée dans une plainte.
Dans le cas présent, le Conseil tient à rappeler l’importance pour les professionnels de l’information de vérifier rigoureusement les informations qu’ils transmettent au public afin d’éviter d’induire celui-ci en erreur et de causer des torts aux personnes et aux instances concernées par l’information rapportée.
Malgré les inconvénients qui peuvent résulter de ces erreurs, le Conseil est d’avis que le journaliste s’est acquitté de sa fonction d’informateur public de façon responsable en publiant les correctifs nécessaires dès qu’il fut informé des faits exacts. De plus, le Conseil note avec satisfaction que Le Devoir a accordé une aussi grande visibilité au correctif qu’à l’article litigieux.
Analyse de la décision
- C15D Manque de vérification
- C19A Absence/refus de rectification