Plaignant
M. Georges
Francoeur (ex-chef de police, Murdochville)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec], Le Journal de Québec, La Voix gaspésienne [Matane] et La Presse
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Jean Sisto
(ex-éditeur adjoint, La Presse [Montréal]), M. Claude Masson (vice-président et
éditeur adjoint, La Presse [Montréal]), M. Michel Trudeau (ex-gérant de la
rédaction, Le Journal de Québec), M. Jean-Claude L’Abbée (directeur général, Le
Journal de Québec) et M. Jean-Guy Dubuc (président et éditeur, La Voix
gaspésienne [Matane])
Résumé de la plainte
Le Soleil, Le
Journal de Québec, La Voix gaspésienne et La Presse n’accordent pas une
couverture adéquate aux procédures intentées contre le plaignant à la suite
d’événements survenus en mars 1979 sur une ligne de piquetage aux Mines Gaspé,
alors qu’il était le directeur du Service de police de Murdochville. Plusieurs
articles parus dans ces journaux omettent de rapporter certains faits, dont son
acquittement, contiennent des informations inexactes et sont coiffés de titres
sensationnels. Par ailleurs, Le Journal de Québec néglige d’obtenir la version
des faits du plaignant au sujet de la démission de deux policiers de son
service.
Faits
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Georges Francoeur contre Le Soleil,
Le Journal de Québec, La Voix gaspésienne et La Presse concernant divers
articles parus dans ces journaux en 1979 et 1980, au moment où monsieur
Francoeur dirigeait le Service de police de Murdochville. Ces articles
rapportaient diverses procédures judiciaires et quasi judiciaires impliquant
monsieur Francoeur, procédures qui ont suivi des événements survenus en mars
1979 sur la ligne de piquetage des métallos de Murdochville, en grève à la
compagnie des Mines Gaspé.
LE SOLEIL:
Les griefs de
monsieur Francoeur concernaient quatre articles signés par le journaliste
Michel David.
Titre de l’article:
«Enquête sur le chef de police de Murdochville» Date de parution: 17 octobre
1979
Cet article
rapportait l’ouverture de l’enquête de la Commission de police du Québec sur la
façon dont monsieur Francoeur, alors chef de police de Murdochville, administrait
son Service, et sur sa conduite relativement aux incidents survenus le 28 mars
1979 sur la ligne de piquetage des métallos de Murdochville, en grève à la
compagnie Mines Gaspé, à l’occasion de la visite de la ministre Lise Payette.
Cet article
rapportait, entre autres, le témoignage du procureur de la Couronne pour le
district de Sainte-Anne-des-Monts à l’effet que monsieur Francoeur avait clamé
son intention de se suicider à la suite d’un procès en Cour des sessions de la
paix relativement aux poursuites qu’il avait intentées contre quatre cadres de
la compagnie des Mines Gaspé.
Titre de
l’article: «Le chef Francoeur nie les dires du juge Quimper» Date de parution:
18 octobre 1979
Cet article
faisait état de la deuxième journée de l’enquête de la Commission de police sur
la conduite de monsieur Francoeur.
Cet article
rapportait, entre autres, le témoignage du maire de Murdochville qui avait
«brossé un portrait très élogieux de son chef de police», selon l’article.
Titre de
l’article: «Sentence rendue le 7 janvier dans l’affaire concernant le chef de
police de Murdochville» Date de parution: 15 décembre 1979
Cet article
faisait état d’une cause en Cour de sessions de la paix relativement à une
interdiction de port d’armes dont monsieur Francoeur faisait l’objet et
signalait que le jugement serait rendu le 7 janvier 1980.
Titre de
l’article: «5 accusations portées contre le chef de police de Murdochville»
Date de parution: 10 janvier 1980
Cet article
faisait état de cinq accusations de parjure et de faux serment portées contre
monsieur Francoeur relativement aux procédures judiciaires et quasi judiciaires
qui ont suivi les incidents survenus le 28 mars 1979 sur la ligne de piquetage
des métallos de Murdochville, en grève à la compagnie Mines Gaspé.
LA PRESSE
Titre de
l’article: «Murdochville: le chef de police doit répondre à cinq accusations»
Auteur de l’article: André Cédilot Date de parution: 22 décembre 1979
L’article
rapportait que monsieur Francoeur devait répondre à cinq accusations de parjure
et de faux serment.
LA VOIX
GASPESIENNE
Titre de
l’article: «M. Francoeur peut-il régulièrement citer le juge Quimper au Conseil
de la Magistrature?» Auteur de l’article: article non signé Date de parution:
24 octobre 1979
L’article rapportait
que monsieur Francoeur «aurait informé certaines personnes» qu’il avait déposé
une plainte auprès du Conseil de la magistrature relativement à la conduite du
juge Charles-B. Quimper lors d’un procès qu’il présidait les 7 et 8 août 1979,
où quatre citoyens de Murdochville étaient acquittés d’une accusation portée au
mois de mai précédent par monsieur Francoeur relativement à des incidents qui
seraient survenus au cours de la grève des métallos à la compagnie des Mines
Gaspé.
LE JOURNAL DE
QUEBEC
Titre de
l’article: «102 heures de travail par semaine: ils en ont assez d’être
policiers» Auteur de l’article: André Leclair Date de parution: 18 mai 1979
L’article
rapportait la démission de deux policiers du Service de police de Murdochville,
dirigé par monsieur Georges Francoeur, en raison d’une «charge de travail
insupportable».
Griefs du plaignant
LE SOLEIL
Les griefs que
monsieur Francoeur adressait au Soleil et au journaliste Michel David,
concernaient le traitement accordé aux événements rapportés dans les articles
mentionnés plus haut.
Estimant d’abord
que Le Soleil avait publié «de gros titres pour faire plus sensationnel»,
monsieur Francoeur s’en prenait plus particulièrement au mot «sentence» utilisé
dans le titre ainsi que dans le corps du texte du 15 décembre 1979 au sujet de
l’interdiction de port d’armes. Il considérait que l’emploi de ce mot était
inapproprié car «une sentence est imposée à quelqu’un qui est reconnu coupable
d’acte criminel».
Le plaignant
reprochait ensuite au Soleil de n’avoir jamais fait état de son acquittement,
en juin 1980, à la suite des accusations de parjure et de faux serment portées
contre lui, accusations rapportées dans l’article du 10 janvier 1980.
Il reprochait
également qu’aucun de ces articles n’ait fait état qu’il avait été «victime de
la vengeance» de deux ex-policiers condamnés pour vol, et qu’un article n’ait
rapporté cette condamnation.
Concernant
l’article du 17 octobre 1979, monsieur Francoeur reprochait, d’une part, au
journaliste d’avoir «affirmé» faussement qu’il avait «clamé [son] intention de
[se] suicider» et, d’autre part, d’avoir omis de mentionner qu’un ex-policier
s’était parjuré devant la Commission de police.
Il s’en prenait
par ailleurs à l’article du 18 octobre 1979 qui faisait état, en autres, du
témoignage du maire de Murdochville lors de l’enquête de la Commission de
police. Monsieur Francoeur signalait, contrairement à ce qui était écrit dans
ce passage de l’article, qu’il n’y avait jamais eu, sous sa direction, de
griefs ni de congédiements avant la démission de deux policiers de son Service.
Monsieur
Francoeur remarquait enfin que la publicité dont il avait fait l’objet dans
cette affaire avait été un élément important dans sa décision de démissionner
de son poste de directeur de police. Cette publicité avait également eu des
répercussions graves sur sa santé, tout comme elle avait posé des entraves dans
sa recherche d’un emploi.
LA PRESSE
Monsieur
Francoeur reprochait au quotidien La Presse de n’avoir pas fait état de son acquittement
à la suite des accusations rapportées dans l’article du 22 décembre 1979. Il
considérait que cette omission lui causait un «tort considérable et
irréparable» et contribuait à «entretenir des doutes dans l’esprit du public».
LA VOIX
GASPESIENNE
Monsieur
Francoeur reprochait à La Voix gaspésienne d’avoir publié un article qu’il
considérait comme un reportage d’intimidation afin de le «forcer» à retirer sa
plainte au Conseil de la magistrature contre le juge Quimper.
LE JOURNAL DE
QUEBEC
Monsieur
Francoeur reprochait au Journal de Québec et au journaliste André Leclair de
n’avoir fait état que d’un côté de l’affaire et de ne pas l’avoir contacté
avant la publication de l’article afin d’obtenir sa version des faits.
Commentaires du mis en cause
LE SOLEIL
M. Michel David,
journaliste, Le Soleil:
En réponse à
cette plainte, le journaliste Michel David disait s’être limité, dans ses
articles, à rapporter les faits évoqués durant les audiences de la Commission
de police du Québec «sans en faire quelque interprétation que ce soit».
Concernant le
grief du plaignant à l’effet qu’aucun article n’avait fait état qu’il avait été
«victime de la vengeance» de deux ex-policiers condamnés pour vole en 1978,
monsieur David disait ne pas se souvenir que cette question ait été soulevée
durant les audiences de la Commission de police, sinon il l’aurait relevée.
Quant au fait de n’avoir pas rapporté la condamnation des deux ex-policiers,
monsieur David signalait qu’il était entré en fonctions à Matane en juin 1979
et qu’il ignorait quand cette condamnation avait eu lieu.
Concernant les
reproches de monsieur Francoeur au sujet des titres coiffant les quatre
articles publiés par Le Soleil, monsieur David ne les considérait pas «plus
gros que les autres». Quant à l’utilisation du mot «sentence» dans l’un d’eux,
le journaliste ne croyait pas que ce terme possédait nécessairement une
connotation criminelle. Il indiquait que le Petit Robert définissait le mot
sentence par «un jugement rendu par un tribunal d’instance, un conseil de
prud’hommes, un arbitre».
Quant à
l’omission de rapporter l’acquittement de monsieur Francoeur à la suite des
cinq accusations de parjure et de faux serment, monsieur David affirmait que
s’il avait été avisé de cet acquittement par monsieur Francoeur ou d’une
quelqu’autre manière, il aurait publié l’information.
En réponse au
grief à l’effet qu’il avait «affirmé» dans son article du 17 octobre 1979 que
monsieur Francoeur avait clamé vouloir se suicider, le journaliste disait avoir
«simplement rapporté le témoignage du procureur» à cet effet lors des audiences
de la Commission de police. Il faisait par ailleurs remarquer qu’il avait fait
état, dans ses articles, des dénégations de monsieur Francoeur à ce sujet.
Concernant le
reproche du plaignant au sujet du témoignage du maire de Murdochville, le
journaliste remarquait qu’il n’avait «attribué la responsabilité des griefs et
des congédiements à personne en particulier» et que ce passage de l’article
s’appuyait sur le témoignage du maire, témoignage qui avait été, selon monsieur
David, très élogieux pour monsieur Francoeur.
Enfin, monsieur
David sympathisait avec monsieur Francoeur pour les difficultés qu’il avait
encourues, mais il ne s’estimait «aucunement responsable de ses malheurs».
Monsieur David disait avoir simplement fait son «travail de journaliste en
rapportant le plus fidèlement possible des événements qui [lui] apparaissaient
être d’intérêt public dans la région qu'[il desservait]».
M. Claude Gravel,
éditeur adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil:
Monsieur Claude
Gravel disait pour sa part que l’acquittement de monsieur Francoeur n’avait pas
été publié, puisque Le Soleil n’était pas au courant de cette information,
qu’aucun représentant du Soleil n’était là au moment de l’acquittement, et que
monsieur Francoeur n’en avait jamais informé le journal.
LA PRESSE
M. André
Cédilot, journaliste, La Presse
En réponse à
cette plainte, le journaliste André Cédilot disait d’abord que «c’est un secret
de polichinelle que La Presse ne rend publiques que les informations qui lui
sont disponibles». Il indiquait qu’il était d’autant plus difficile de suivre
l’affaire, compte tenu que les procédures se déroulaient à Murdochville. Il
ajoutait que monsieur Francoeur aurait dû communiquer avec La Presse pour
l’informer de son acquittement.
Note: Monsieur
Francoeur précisait, dans sa lettre de réplique aux commentaires des défendeurs
dans ce dossier, que ces procédures se déroulaient non pas à Murdochville, mais
à Sainte-Anne-des-Monts.
Monsieur Cédilot
considérait enfin que son article était complet et que les faits y étaient
rapportés étaient exacts. Il faisait remarquer également qu’il avait précisé
dans son article que monsieur Francoeur rejetait toutes les plaintes portées
contre lui.
M. Jean Sisto,
éditeur adjoint de La Presse au moment de la parution de l’article
Monsieur Jean
Sisto disait pour sa part n’avoir aucun souvenir de cette affaire. Il formulait
cependant le commentaire suivant: si la direction de l’information de La Presse
avait su que monsieur Francoeur avait été acquitté ou en avait été avisé par ce
dernier, La Presse aurait fait mention, «il va de soi», de cet acquittement.
Monsieur Sisto
ajoutait que La Presse ne l’avait pas su à l’époque, car l’actualité du moment
«ne sollicitait pas l’attention des directions de l’information nécessairement
sur le cas de M. Francoeur».
Il faisait
remarquer qu’il arrivait trop souvent, et cela était «regrettable», qu’un
accusé, en la personne d’une personnalité publique mineure et de surcroît d’une
région éloignée, voyait son nom «étalé dans la presse qui, lenteurs
judiciaires, inattention de sa part et certain laxisme aidant, oublie sans
malice l’acquittement éventuel».
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint, La Presse
Invité également
à commenter cette plainte, monsieur Claude Masson endossait pour sa part les
commentaires de messieurs Cédilot et Sisto.
LA VOIX
GASPESIENNE
M. Gilles Gagné,
directeur de la rédaction, La Voix gaspésienne
En réponse à
cette plainte, monsieur Gilles Gagné remarquait d’abord qu’il ne pouvait, neuf
ans plus tard, se rappeler qui avait écrit cet article. Il estimait cependant
que l’affaire en question avait été «traitée selon les normes courantes» et que
la question que l’article posait quant à l’intention de monsieur Francoeur de
citer le juge Charles-B. Quimper au Conseil de la magistrature, lui paraissait
pertinente.
LE JOURNAL DE
QUEBEC
M. Michel Trudeau,
gérant de la rédaction du Journal de Québec au moment de la parution de
l’article
En réponse à
cette plainte, monsieur Michel Trudeau signalait que le journaliste André
Leclair avait tenté, à l’époque, de rejoindre monsieur Francoeur, l’article faisant
«d’ailleurs état d’une déclaration de l’épouse de M. Francoeur».
Il ajoutait que
les faits rapportés dans l’article étaient vrais dans la mesure où ils
reflétaient l’opinion des deux policiers démissionnaires, et que ces faits
étaient appuyés par les déclarations de ces derniers.
Monsieur Trudeau
considérait que l’article avait été rédigé d’une «manière objective» et
qu’aucun motif ne lui laissait croire à un biais de la part du journaliste.
M. Jean-Claude
L’Abbée, directeur général, Journal de Québec
Monsieur
Jean-Claude L’Abbée entérinait pour sa part la position de monsieur Trudeau.
Réplique du plaignant
LE SOLEIL
En réplique à
ces commentaires, monsieur Francoeur disait d’abord concernant l’omission de
rapporter son acquittement aux accusations de parjure et de faux serment, qu’il
n’était pas de sa responsabilité de compléter le travail des journalistes à cet
effet.
Monsieur
Francoeur réitérait ensuite n’avoir jamais eu d’intention suicidaire,
contrairement à un témoignage du procureur de la Couronne rapporté dans
l’article du 17 octobre 1979.
Quant à
l’utilisation du terme «sentence» dans le titre et l’article du 15 décembre
1979, monsieur Francoeur considérait que ce choix de mot était susceptible de
prêter à confusion et de semer le doute. Il en allait de même des références
contenues dans l’article du 18 octobre 1979 au sujet des griefs et des
congédiements qui auraient eu lieu au Service de police au moment où il
dirigeait celui-ci.
Monsieur
Francoeur faisait enfin remarquer qu’il n’avait jamais accusé le journaliste
Michel David d’être responsable de ses malheurs.
LA PRESSE
Répliquant à ces
commentaires, monsieur Francoeur estimait qu’il n’était pas de sa
responsabilité de compléter le travail des journalistes et que La Presse aurait
dû communiquer avec lui pour connaître le dénouement des poursuites dont il
avait fait l’objet.
Il considérait
de plus que le motif «région éloignée» évoqué par monsieur Sisto n’était pas
valable, sinon l’enquête ayant précédé ses démêlés judiciaires [enquête menée
sur le conflit de travail à la compagnie des Mines Gaspé] n’aurait pas reçu de
couverture journalistique.
LA VOIX
GASPESIENNE
En réplique aux
commentaires de monsieur Gagné, monsieur Francoeur se demandait pourquoi cet
article n’était pas signé et se disait toujours d’avis qu’il s’agissait d’un
texte d’intimidation.
Il ajoutait que
le directeur de La Voix gaspésienne devait être bien au courant du dossier,
compte tenu de la proximité de ses bureaux avec l’endroit des événements en
question.
LE JOURNAL DE
QUEBEC
En réplique à
ces commentaires, monsieur Francoeur disait d’abord ne pas comprendre que le
journal fasse état d’une déclaration de son épouse, compte tenu que les
informations officielles doivent être transmises par les personnes en autorité
et non par un membre de la famille du directeur de police.
Il estimait
ensuite que l’argument de monsieur Trudeau, à l’effet que les faits rapportés
étaient vrais dans la mesure où ils réflétaient l’opinion des deux policiers,
manquait «d’objectivité», car les déclarations des ex-policiers étaient
considérées «comme véridiques et péremptoires».
Analyse
Le choix et le traitement des informations relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent livrer une information conforme aux faits et aux événements et en présenter tous les aspects. Ceci n’implique cependant pas qu’ils doivent rendre compte de façon exhaustive de tous les détails concernant une nouvelle ou un événement.
Le choix des titres relève également de la discrétion des médias. Ceux-ci doivent refléter fidèlement, l’esprit et le contenu des textes qu’ils accompagnent, et éviter qu’ils n’adoptent un caractère sensationnaliste sous le seul prétexte de rendre l’information plus attrayante.
Concernant l’information judiciaire, il est du devoir des médias, au nom de l’équité, d’informer les lecteurs de l’acquittement d’un prévenu ou de la nature du jugement rendu dans les procédures judiciaires dont ils ont fait la couverture.
Enfin, il est important que les professionnels de l’information tentent d’obtenir la version des faits des personnes ou des groupes mis en cause dans leurs articles, une telle démarche leur permettant de tenir compte de tous les éléments d’informations disponibles et partant, de mieux informer le public.
Dans le cas du quotidien Le Soleil, le Conseil estime que le journaliste Michel David n’a pas outrepassé la latitude qui était sienne en traitant, comme il l’a fait, l’information qu’il rapportait dans les divers articles qu’il signait. D’une part, les informations rapportées s’appuyaient sur les témoignages présentés lors des procédures judiciaires et quasi-judiciaires dont il était question. D’autre part, le journaliste exposait les faits ayant conduite auxdites procédures, informant ainsi les lecteurs du contexte dans lequel celles-ci se situaient.
Par ailleurs, le Conseil n’est pas en mesure d’établir, à la lumière des éléments soumis par le plaignant, si certaines informations mentionnées par ce dernier étaient d’une pertinence telle qu’elles auraient dû être publiées (informations à l’effet qu’un ex-policier se serait parjuré devant la Commission de police et que le plaignant aurait été victime de la vengeance de deux ex-policiers).
Le Conseil ne retient pas le grief à l’effet que le journaliste a «affirmé», et ce faussement, que le plaignant avait «clamé» son intention de se suicider. L’étude des articles permet de constater que le journaliste n’a jamais fait une telle affirmation, mais qu’il a plutôt fait état du témoignage d’une personne lors des audiences de la Commission de police, tout comme il a rapporté les dénégations du plaignant à ce sujet.
Quant aux titres accompagnant trois des quatre articles soumis à son attention, le Conseil considère qu’ils sont conformes au contenu des articles et qu’ils ne sont aucunement empreints de sensationnalisme.
Le Conseil reproche cependant au journal et au journaliste d’avoir utilisé le mot «sentence» dans le titre et l’article du 15 décembre 1979. Même si au sens strict du terme, selon le dictionnaire, le mot «sentence» s’applique à divers jugements, l’usage courant qui est fait de ce terme le rend susceptible d’être perçu et associé à la condamnation qui est imposée à une personne que l’on a tout d’abord déclarée coupable. Parler de sentence à propos de la décision qu’allait rendre le juge dans le cas soumis à l’attention du Conseil pouvait être interprété comme une présomption de la décision du tribunal.
LE SOLEIL ET LA PRESSE
Le Conseil blâme Le Soleil et La Presse pour ne pas avoir rapporté l’acquittement du plaignant après avoir fait état, dans des articles publiés respectivement les 10 janvier 1980 et 22 décembre 1979, des accusations de parjure et de faux serment portées contre monsieur Francoeur.
Deux arguments, entre autres, ont été soumis par les défendeurs pour justifier le fait qu’après avoir couvert la mise en accusation, ils n’ont pas publié l’acquittement.
Ces deux arguments peuvent se résumer ainsi:
– Ignorance d’un fait qui n’était plus d’actualité.
– Les journaux auraient rapporté l’acquittement de monsieur Francoeur s’ils en avaient été informés, soit par ce dernier lui-même, soit d’une autre façon.
Au premier argument, le Conseil répond que s’ils avaient jugé d’actualité de couvrir la mise en accusation, il ne voit pas sur quelle base les journaux et les journalistes ont trouvé que l’acquittement n’était plus, lui, d’actualité.
Par l’attention qu’ils décident de porter à tel ou tel événement, les médias décident largement de ce qui est ou n’est pas d’actualité. Ce faisant, lorsqu’ils prennent la décision de couvrir une procédure judiciaire en raison de l’intérêt public particulier qu’elle présente, les médias doivent, en raison du respect dû à la réputation des individus en cause, rendre compte de l’issue de cette procédure.
Quant au second argument, le Conseil estime qu’il était de la responsabilité des journaux et non de celle du plaignant, d’assurer un suivi de cette affaire afin que le public soit informé de cet acquittement.
LA VOIX GASPESIENNE
Concernant la plainte adressée à l’hebdomadaire La Voix gaspésienne, le Conseil ne retient pas l’argument du plaignant à l’effet que l’article du 24 octobre 1979 constituait un reportage d’intimidation. Il s’agit là d’un argument relevant du procès d’intention, et le Conseil s’est toujours refusé à faire quelque procès d’intention que ce soit.
Quant au grief du plaignant à l’effet que l’article était non signé, le Conseil rappelle qu’il relève de la prérogative des médias et des professionnels de l’information de présenter ou non une signature.
LE JOURNAL DE QUEBEC
Enfin, le Conseil ne retient aucun blâme contre Le Journal de Québec concernant le grief à l’effet que l’article publié le 18 mai 1979 n’avait pas fait état de la version des faits du plaignant, compte tenu des efforts que le journaliste a semblé faire. En effet, l’article présentait, en remplacement de la version du plaignant, un commentaire de son épouse en raison, toujours selon l’article, de l’absence de son mari, lequel d’ailleurs ne conteste pas les faits rapportés.
Analyse de la décision
- C02C Accorder un suivi à une affaire
- C03C Sélection des faits rapportés
- C04A Article non signé
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11H Terme/expression impropre
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C17C Injure