Plaignant
L’Association
des archéologues du Québec [AAQ]
Représentant du plaignant
M. Michel Plourde
(secrétaire, Association des archéologues du Québec [AAQ]) et Mme Céline
Cloutier (vice-présidente à l’éthique et aux standards, Association des
archéologues du Québec [AAQ])
Mis en cause
Le Soleil
[Québec], M. Louis-Guy Lemieux (journaliste), M. Michel David (journaliste),
Mme Martine Corrivault (éditorialiste) et M. Vianney Duchesne (éditorialiste)
Représentant du mis en cause
M. Robert
Normand (président et éditeur, Le Soleil [Québec]) et M. Claude Gravel (éditeur
adjoint et rédacteur en chef, Le Soleil [Québec])
Résumé de la plainte
Le Soleil monte
en épingle la découverte d’un tombeau à Québec, dans une série de 11 reportages
et deux éditoriaux parus entre les 4 et 21 juillet 1988. Le journal présente
une information biaisée et subjective, en plus de manifester une attitude
méprisante à l’endroit des scientifiques. Il ne respecte pas une démarche
journalistique sérieuse, en ne vérifiant pas l’importance de cette découverte
auprès de spécialistes compétents et en faisant preuve d’un manque de
connaissances sur la réglementation en matière d’archéologie.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de l’Association des archéologues du
Québec [AAQ] contre le quotidien Le Soleil concernant une série d’articles publiés
entre les 4 et 21 juillet 1988, au sujet des fouilles menées par les
archéologues René Lévesque et Charles Beaudry sous la chapelle Saint-Joseph de
la basilique de Québec. Le tombeau découvert sur le site des recherches
archéologiques a été présumé, pendant un certain temps, être celui du fondateur
de Québec, Samuel de Champlain.
Cette série
d’articles se composait de dix textes du journaliste Louis-Guy Lemieux, d’un
article du journaliste Michel David et de deux éditoriaux, l’un de madame
Martine Corrivault, et l’autre de monsieur Vianney Duchesne.
L’Association,
par l’entremise de son secrétaire, monsieur Michel Plourde, et de sa
vice-présidente à l’éthique et aux standards, madame Céline Cloutier,
reprochait au Soleil d’avoir fait une «publicité spectaculaire» autour de cette
affaire, ainsi qu’une information «biaisée et subjective». Monsieur Plourde et
madame Cloutier considéraient également que le journal avait manifesté une
«attitude méprisante» envers la communauté scientifique en raison d’allégations
contenues dans les articles au sujet des archéologues et de l’archéologie.
Dans une lettre
adressée le 8 juillet 1988 au président et éditeur du Soleil, monsieur Robert
Normand, l’Association demandait au quotidien de s’assurer du sérieux de leur
démarche journalistique et d’apporter des éclaircissements sur certaines
questions.
Les
cosignataires de cette lettre, monsieur Michel Plourde et madame Cloutier,
demandaient, en ce qui concernait l’importance historique du site et du
tombeau, si Le Soleil avait procédé à des contre-vérifications auprès
d’historiens et d’archéologues spécialisés dans l’histoire de la
Nouvelle-France et de la ville de Québec, soit des professionnels du ministère
des Affaires culturelles du Québec [MACQ], des professeurs d’universités, des
personnes-ressources de la Ville de Québec ou des spécialistes de Parcs Canada.
Madame Cloutier
et monsieur Plourde se demandaient également si Le Soleil avait communiqué avec
des autorités compétentes au MACQ afin d’obtenir les informations disponibles
relativement aux procédures et aux pratiques sujettes à la réglementation en
matière d’archéologie et à l’octroi de permis de recherches archéologiques.
Les plaignants
s’en prenaient enfin à un passage de l’article du 7 juillet 1988 du journaliste
Louis-Guy Lemieux. Ce dernier, après avoir rapporté que «Selon des sources au
ministère des Affaires culturelles», le comité des permis de la division du
patrimoine du ministère avait refusé d’accorder un permis de fouilles à
l’archéologue René Lévesque et que le cabinet de la ministre Lise Bacon avait
«décidé de passer outre à la recommandation négative du comité», écrivait ce
qui suit:
«C’est un secret
de polichinelle dans les milieux de l’archéologie et de l’histoire à Québec que
la division du patrimoine boycotte systématiquement ceux qu’elle qualifie avec
mépris d’archéologues ou d’historiens « amateurs ».
La grande
réputation de René Lévesque, que d’aucun considèrent comme le « père de
l’archéologie québécoise », ne l’aurait pas empêché de subir l’ostracisme
du comité des permis de fouilles».
Madame Cloutier
et monsieur Plourde se demandaient si Le Soleil avait tenté d’identifier et
d’interviewer des personnes pouvant «confirmer de façon objective l’existence
d’un tel phénomène [d’ostracisme et de boycottage] et sa raison d’être, le cas
échéant».
Commentaires du mis en cause
M. Robert
Normand, président et éditeur
En réponse à
cette plainte, monsieur Robert Normand transmettait au Conseil copie d’une
lettre que monsieur Claude Gravel, éditeur adjoint et rédacteur en chef du
Soleil, adressait à l’Association des archéologues du Québec, le 19 juillet
1988, à la suite de la leur dont il est fait état plus haut.
Monsieur Gravel
faisait d’abord remarquer dans sa lettre que le but d’un grand quotidien était
«d’informer ses lecteurs de ce qui se produit sur le territoire de prédilection
qu’il dessert», dans ce cas-ci Québec. Il ajoutait que «le seul fait qu’il se
déroule des recherches sur un site aussi riche en possibilités historiques que
celui de la basilique justifiait pleinement qu’on s’y intéresse» et «que l’on
affecte» à la découverte de ce qui «aurait pu devenir l’événement historique de
la décennie», le journaliste qui avait «toujours démontré le plus d’intérêt
pour le passé de la capitale», monsieur Louis-Guy Lemieux.
Répliquant
ensuite à la question des plaignants à savoir si Le Soleil avait procédé à des
contre-vérifications auprès des spécialistes concernant l’importance historique
de la découverte du tombeau, monsieur Gravel signalait que le journaliste
s’était référé, outre aux archéologues René Lévesque et Charles Beaudry, à des
sources qui avaient déjà fait leur preuve, soit les historiens Georges-Henri
Dagneau et Adrien Pouliot.
Monsieur Gravel trouvait
par ailleurs regrettable que les demandes d’entrevues qui avaient été faites
auprès du responsable de l’archéologie pour la région de Québec au ministère
des Affaires culturelles, monsieur Michel Gaumond, «se soient butées à deux
fins de non-recevoir». Il précisait que monsieur Gaumond, de par sa formation
et ses fonctions, «aurait pu jeter un éclairage nouveau et différent sur un
dossier qui méritait pleinement de faire la manchette».
M. Claude
Gravel, éditeur adjoint et rédacteur en chef
Commentant cette
plainte à la suite de l’invitation du Conseil à cet effet, monsieur Gravel
indiquait d’abord que Le Soleil avait agi dans l’intérêt du public et n’avait
pas fait une «publicité spectaculaire» autour de cette affaire, contrairement à
l’affirmation de l’Association des archéologues du Québec. Monsieur Gravel
était plutôt d’avis que le journal avait informé ses lecteurs d’une recherche
archéologique effectuée à Québec par les archéologues René Lévesque et Charles
Beaudry. Il faisait remarquer que Le Soleil avait été le premier journal à
faire état de cette recherche, assurant par la suite le suivi des fouilles et
des débats les entourant.
Monsieur Gravel
considérait également que l’information sur cette recherche n’avait pas été
présentée de manière spectaculaire, mais avait été mise en évidence en raison
«de son caractère et de l’intérêt qu’elle suscitait dans la population». Il
ajoutait que lorsque deux archéologues, «dont l’un jouit d’une autorité qui
[lui] semble reconnue, entreprennent des recherches en pensant avoir découvert
le tombeau du fondateur de Québec et qu’ils reçoivent l’appui d’historiens
sérieux, il est d’intérêt public qu’un journal le fasse savoir à la
population».
Réfutant ensuite
l’affirmation de l’Association à l’effet que Le Soleil avait présenté une
information «biaisée et subjective», monsieur Gravel faisait remarquer que le
journaliste n’avait pas, contrairement à l’historien, le «recul du temps pour
vérifier et analyser toutes les informations qu’il possède».
Il précisait que
le journal n’avait jamais affirmé que le tombeau trouvé sous la chapelle
Saint-Joseph de la basilique de Québec était celui de Samuel de Champlain. Il
avait plutôt fait état des recherches de deux archéologues pensant avoir
découvert ce tombeau.
Répondant enfin
au grief de l’Association à l’effet que Le Soleil avait manifesté une attitude
méprisante envers la communauté scientifique, monsieur Gravel disait ne pas
voir en quoi le fait d’avoir accolé le titre d’archéologue à monsieur René
Lévesque ressemblait à du mépris, compte tenu que ce chercheur a «consacré la
majeure partie de sa vie à l’archéologie».
Se demandant
s’il aurait fallu taire l’information vérifiée afin de satisfaire
l’Association, monsieur Gravel disait avoir choisi le droit du public à
l’information avant les «susceptibilités d’experts».
M. Louis-Guy
Lemieux, journaliste
Monsieur Lemieux
se ralliait, en guide de commentaires, à ceux exprimés par l’éditeur adjoint et
rédacteur en chef, monsieur Claude Gravel.
Mme Martine
Corrivault, éditorialiste
Madame
Corrivault faisait siens également les commentaires de monsieur Claude Gravel.
Elle ajoutait cependant que le dossier soumis par l’Association des
archéologues du Québec au Conseil de presse était «incomplet et partial»,
compte tenu qu’il ne faisait pas état de l’espace qui avait été accordé à cette
affaire dans les colonnes d’opinions du Soleil.
Elle faisait de
plus remarquer que l’Association ne s’en prenait qu’aux journalistes
«négligeant les cadres responsables de l’information et du traitement qui en
est fait» aux niveaux de l’orientation, de l’édition et de la présentation.
Madame
Corrivault disait avoir «essayé de rejoindre» l’Association avant d’écrire sur
la question, mais qu’elle n’avait pu «arriver à le faire au moment nécessaire».
Elle ajoutait que l’Association et certains de ses membres n’avaient pas aidé
les journalistes à trouver l’heure juste dans cette affaire.
Madame
Corrivault remarquait enfin qu’un quotidien avait raison, «avant d’aborder un
aspect hyperspécialisé d’une discipline dont le grand public ignore à peu près
tout», d’intéresser celui-ci à un événement susceptible d’attirer l’attention
pour développer ensuite d’autres aspects de la question. Elle estimait que
«l’affaire Champlain» rejoignait cet objectif.
M. Vianney
Duchesne, éditorialiste
En réponse à
cette plainte, monsieur Duchesne disait avoir toujours été sensible, au cours
de sa carrière journalistique, à la protection du patrimoine culturel et historique.
Il disait avoir constaté, par expérience professionnelle, que les archéologues
«furent toujours les plus hermétiques à la diffusion de leurs découvertes». Il
faisait cependant remarquer que la population désirait «partager leur culture,
leurs hypothèses, leurs succès et même leurs déceptions», et que l’affaire du
tombeau de Champlain démontrait l’existence de cet intérêt depuis plus d’un
siècle.
Monsieur
Duchesne indiquait que Le Soleil veut satisfaire cette «soif de savoir» et
qu’il n’a pas trompé les lecteurs en leur révélant les fouilles des
archéologues Lévesque et Beaudry.
Il se demandait
par ailleurs qui avait méprisé les autres dans la recherche de la vérité au
sujet du tombeau, et qui avait alors soulevé un débat. Monsieur Duchesne estimait
que «c’est avec sérénité et collaboration que l’on devrait vérifier toutes les
hypothèses qui peuvent conduire au tombeau du fondateur de la première ville
française d’Amérique».
L’éditorialiste
signalait que le quotidien Le Soleil était «respectueux de la contribution
essentielle des archéologues pour une bonne compréhension de l’histoire d’un
peuple», et qu’il avait par conséquent toujours accordé une place privilégiée à
l’archéologie dans ses pages.
Déplorant que
peu d’archéologues avaient «malheureusement» accepté de profiter de cette
ouverture, compte tenu de l’intérêt des lecteurs pour cette science, monsieur
Duchesne se demandait si Le Soleil devrait «imposer la censure aux archéologues
[ou à tout autre professionnel ou citoyen] qui voudraient partager leurs
découvertes et leurs connaissances avec leurs concitoyens, sans nécessairement
obtenir au préalable le «nihil obstat» de leur association».
Soumettant enfin
des textes d’opinion et des lettres ouvertes qui avaient été publiés dans Le
Soleil sur les fouilles des archéologues Lévesque et Beaudry, monsieur Duchesne
remarquait que lecteurs et archéologues avaient pu s’exprimer librement sur ces
recherches archéologiques et «apporter ainsi un complément d’information» dans
le «respect des droits de chacun et de la collectivité québécoise».
Réplique du plaignant
En réplique aux
commentaires exprimés sur la plainte, l’Association des archéologues du Québec
[AAQ], par l’entremise de madame Céline Cloutier, vice-présidente à l’éthique
et aux standards de l’Association, faisait remarquer qu’une vingtaine
d’articles étaient parus dans Le Soleil en juillet 1988 concernant l’affaire du
tombeau de Champlain et que seulement quatre lignes rapportaient «en peu de
propos» la position de l’Association dans cette affaire.
Madame Cloutier
remarquait qu’aucun membre de l’AAQ ou de son conseil d’administration n’avait
été rejoint par Le Soleil et ce, malgré un communiqué de presse émis par
l’Association donnant «toutes les coordonnées des personnes-ressources
disponibles et accessibles rapidement». Elle ajoutait également qu’il n’y avait
pas que l’AAQ qui «pouvait répondre aux questions susceptibles d’orienter le
débat», mais plusieurs autres personnes-ressources, telles que les
professionnels du ministère des Affaires culturelles du Québec, de Parcs
Canada, de l’Université Laval et de la Ville de Québec.
Elle signalait
que l’AAQ, «face à ce mutisme» du Soleil, avait engagé une journaliste pigiste
qui avait soumis deux textes au quotidien résumant la position de l’AAQ et «éclairant
certaines questions relatives à la pratique de l’archéologie et à l’évolution
de cette discipline au cours des dernières années». Indiquant que Le Soleil
s’était dit disposé à accepter un condensé des deux, il avait publié un texte,
en septembre 1988, «au moment où le public s’était déjà désintéressé de
l’affaire».
Madame Cloutier
remarquait par ailleurs que Le Soleil avait souvent parlé, dans la couverture
qu’il avait faite de l’affaire, «de controverses et de vieilles chicanes» sans
jamais en expliquer la nature ou les causes. Il avait aussi parlé de conflits
entre amateurs et professionnels en présentant ces derniers «comme des boîtes
de conserve scellées sous vide».
Concernant
l’éditorial de monsieur Vianney Duchesne publié le 7 juillet 1988, madame
Cloutier estimait que ce dernier, en jugeant de la compétence des archéologues
Lévesque et Beaudry, devenait le «partisan» de leur cause. Elle se demandait
s’il n’aurait pas plutôt fallu «chercher à connaître davantage la cause et la
nature des controverses» qui avaient été soulevées afin d’éclairer l’opinion
publique.
Au commentaire
de l’éditorialiste à l’effet que les archéologues avaient toujours été les plus
«hermétiques à la diffusion de leurs découvertes», madame Cloutier affirmait
que monsieur Duchesne n’était «probablement pas au fait des efforts de
vulgarisation» émanant du domaine de l’archéologie depuis dix ans. Elle donnait
à cet effet plusieurs exemples d’efforts de démocratisation de cette discipline
au Québec et auxquels ont participé des professionnels de l’archéologie.
Madame Cloutier
répondait également au commentaire de monsieur Duchesne à l’effet que Le Soleil
avait toujours accordé une place privilégiée à l’archéologie dans ses pages.
Elle soutenait que si Le Soleil avait fait une telle place à l’archéologie,
c’était que plus d’un archéologue avait accepté de livrer des informations
lorsque cela était possible. Remerciant monsieur Duchesne de l’intérêt qu’il
vouait à la cause de l’archéologie, madame Cloutier ajoutait cependant que tous
les archéologues ne bénéficiaient pas de la complicité et de la participation
de journaliste comme Louis-Guy Lemieux pour suivre «pas à pas, jour après jour,
pendant un mois et demi» le déroulement de leurs recherches, reprenant ainsi
l’expression de monsieur Lemieux dans son article du 16 juillet 1988.
Madame Cloutier
soutenait enfin que «toute la publicité tapageuse entourant cette fausse
découverte» aura fait oublier les propos que monsieur Jacques Dumais,
journaliste du Soleil à la tribune de la presse, tenait dans un éditorial
publié le 11 novembre 1984 dans ce journal:
«… la nouvelle
complète est à la base même du métier que [font les journalistes], par delà
tous les pouvoirs, toutes les contraintes. Les journalistes doivent troquer la paresse
contre le dépassement vis-à-vis cette priorité absolue. Sans quoi les vendeurs
et manipulateurs de tout acabit les supplanteront. Et c’est le public qui se
sera fait avoir».
Madame Cloutier
croyait que Le Soleil avait «démissionné devant le marketing téléguidé» de
l’archéologue René Lévesque et qu’il s’en était fait le partisan et le
complice. Elle considérait que si la nouvelle de la découverte du tombeau de
Champlain avait été importante «au point de faire 20 fois la manchette pendant
un mois», Le Soleil avait manqué, reprenant à nouveau les propos de monsieur
Jacques Dumais publiés dans le même éditorial, à sa «mission sociale qui vise
d’abord, que cela plaise ou non, à colliger des faits positifs et négatifs,
fidèles à des réalités souvent fort complexes, du particulier en général».
Se demandant si
le devoir des journalistes n’était pas de chercher à «tout dire afin de mieux
faire connaître la réalité», madame Cloutier estimait que Le Soleil avait
«gravé», mais «surtout sous-estimé les lecteurs en escamotant leur droit à
l’information la plus complète qui soit».
Analyse
Le choix et le traitement d’un sujet, d’un événement ou d’un secteur d’activités relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes. Les choix qu’ils exercent en la matière doivent être fonction du degré d’intérêt public d’une nouvelle et ne sauraient être dictés par des considérations étrangères au droit du public à l’information, telles que des intimitiés, des préjugés ou un parti pris à l’égard de personnes ou de groupes susceptibles d’être impliqués dans les événements rapportés.
Les professionnels de l’information doivent livrer une information conforme aux faits et aux événements, et respectueuse des personnes et des groupes mis en cause. S’ils doivent donner au public les éléments nécessaires pour éclairer son jugement sur les questions et les événements d’intérêt public, cela n’implique cependant pas qu’ils doivent rendre compte de façon exhaustive de tous les détails concernant ces questions ou ces événements.
Il est par ailleurs nécessaire que les professionnels de l’information tentent d’obtenir la version des faits des personnes ou des groupes mis en cause dans leurs écrits. Il convient également de rechercher l’opinion de personnes ou de groupes que les professionnels de l’information jugent susceptibles d’éclairer un débat. De telles démarches permettent aux journalistes de tenir compte de tous les éléments d’information disponibles et, par conséquent, de mieux informer le public.
Quant à l’éditorial, il constitue, contrairement à la nouvelle ou au reportage, du journalisme d’opinion permettant à son auteur de prendre position et d’exprimer ses points de vue sur les questions et les événements qu’il choisit de commenter. L’éditorialiste a cependant le devoir de mesurer la portée de ses écrits aux exigences de rigueur qui prévalent pour tous les professionnels de l’information et doit, par conséquent, présenter les faits et les événements sur lesquels il porte jugement.
Dans le cas présent, le Conseil est d’avis que Le Soleil n’a pas outrepassé la latitude rédactionnelle qui est sienne en rapportant et en traitant, comme il l’a fait, l’événement des fouilles archéologiques sous la chapelle Saint-Joseph de la basilique de Québec.
Le Conseil ne retient pas les arguments de l’Association des archéologues du Québec à l’effet que la couverture de cet événement par Le Soleil constitue une «publicité spectaculaire» et présente une information biaisée et subjective.
D’une part, dans la mesure où cet événement se déroulait à Québec même, concernait l’histoire de cette ville et de la Nouvelle-France, et suscitait l’intérêt des lecteurs, le Conseil considère que le quotidien était pleinement justifié d’en faire une telle couverture s’il jugeait cela d’intérêt public.
D’autre part, l’étude de l’ensemble des articles d’information, des éditoriaux, des lettres des lecteurs et des textes d’opinion publiés dans Le Soleil et soumis dans le cadre de ce dossier, permet de constater que l’équipe du quotidien a présenté une couverture équilibrée de cet événement et de son évolution. En effet, en plus de publier plusieurs lettres de lecteurs et textes d’opinions exprimant des points de vue différents et opposés, les articles d’informations rapportaient les opinions et les déclarations de nombreuses personnes et intervenants dans cette affaire, en l’occurrence des historiens, des officiels du ministère des Affaires culturelles, des archéologues et un membre du clergé.
Le Conseil ne retient pas non plus l’argument à l’effet que Le Soleil et son équipe ont démontré une attitude méprisante envers la communauté scientifique dans la couverture et le traitement accordés à cette affaire.
Les éditorialistes Martine Corrivault et Vianney Duchesne ont exprimé leurs points de vus sur cette affaire tel que le permet le genre journalistique qu’est l’éditorial. Les journalistes Louis-Guy Lemieux et Michel David ont pour leur part simplement fait état de cette affaire et de son évolution.
Le Conseil tient enfin à préciser que le quotidien Le Soleil n’est pas une publication scientifique et n’a pas obligation ni mission de vérifier l’importance historique et scientifique d’un site de recherches archéologiques avant de publier des articles sur le déroulement de telles recherches. Un organe d’information comme Le Soleil peut certes faire état de telles données spécialisées, s’il le juge à propos, mais l’on ne peut exiger de celui-ci d’effectuer des «contre-vérifications» à cet effet, pour reprendre l’expression même de la plaignante, avant de publier ou pour que l’information diffusée soit jugée valable.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C12A Manque d’équilibre
- C13A Partialité
- C17C Injure