Plaignant
Le Comité pour
la défense de la bonne renommée des Polonais
Représentant du plaignant
Mme Alexandra Tyszka-Kozlowska
(membre, Comité pour la défense de la bonne renommée des Polonais)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Victor Cygielman (collaborateur)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
M. Victor
Cygielman, collaborateur à La Presse, fait preuve de discrimination et recourt
à la diffamation dans l’article «Les Polonais tentent d’exorciser leur
antisémitisme», paru le 11 juin 1988. Ce texte contient un grand nombre de
déformations historiques. De plus, La Presse élague la lettre rédigée par le
plaignant à ce sujet, en la publiant dans son édition du 8 août 1988.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte du Comité pour la défense de la bonne renommée
des Polonais contre le quotidien La Presse concernant un article, publié le 11
juin 1988, intitulé «Les Polonais tentent d’exorciser leur antisémitisme».
Le Comité, par
l’entremise de madame Alexandra Tyszka-Kozlowska, reprochait à La Presse d’avoir
publié un article discriminatoire et diffamatoire à l’endroit des Polonais. Cet
article, qui traitait de l’antisémitisme en Pologne, contenait, selon madame
Tyszka-Kozlowska, un «grand nombre de déformations historiques et d’allégations
tendancieuses qui offens[aient] la nation polonaise».
Madame
Tyszka-Kozlowska reprochait aussi au quotidien d’avoir élagué la lettre de
protestation du Comité dudit article lors de sa publication, le 8 août 1988, et
d’avoir omis de publier une carte géographique illustrant les migrations des
Juifs en Europe dans les temps anciens.
Madame
Tyszka-Kozloska se disait persuadée, enfin, que si La Presse «trouvait assez de
place pour publier le très long article de M.V. Cygielman», avec photos à
l’appui, «elle devait trouver aussi le courage de s’excuser auprès de tous les
Polonais pour tous les mensonges qui figuraient dans [cet] article».
Commentaires du mis en cause
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint, La Presse
En réponse à
cette plainte, monsieur Claude Masson indiquait d’abord que monsieur Victor
Cygielman était un journaliste de métier et un collaborateur occasionnel à La
Presse et que son article avait été rédigé selon les «règles journalistiques
usuelles, avec le sens critique requis pour tout reportage ayant valeur
d’analyse».
Monsieur Masson
faisait ensuite remarquer que l’essentiel de la position de madame
Tyszka-Kozlowska avait «été publié en bonne place, avec la mention particulière
REPLIQUE». Il estimait que La Presse avait accompli son travail, dans ce cas,
«de façon honnête et professionnelle».
Monsieur Masson
disait enfin que La Presse verrait à l’avenir à obtenir, s’il y avait lieu, le
point de vue du Comité pour la défense de la bonne renommée des Polonais
lorsque la Pologne serait mise en cause.
Réplique du plaignant
Répliquant
d’abord aux commentaires de monsieur Masson à l’effet que l’article de monsieur
Victor Cygielman avait «été rédigé selon les règles journalistiques usuelles,
avec le sens critique requis pour tout reportage ayant valeur d’analyse», madame
Tyszka-Kozlowska disait que l’éthique journalistique ne permettait pas la
«publication de diffamations et de méchants mensonges» et que les lois
canadiennes n’autorisaient ni la discrimination des groupes ethniques ni la
désinformation et la diffamation.
Au commentaire
de monsieur Masson à l’effet que l’essentiel de la position du Comité avait été
publié «en bonne place, avec la mention particulière REPLIQUE», madame
Tyska-Kozlowska répliquait qu’il n’y avait «aucune comparaison entre un article
«sensationnel» publié sur la première page» et la réponse publiée dans la
section des répliques parmi les autres lettres ouvertes et articles. Madame
Tyska-Kozlowska considérait que La Presse devait permettre au Comité, s’il
entendait véritablement donner satisfaction à celui-ci, de polémiquer su des
espaces équivalents.
Note: L’article
de M. Victor Cygielman a été publié dans le cahier PLUS, à la page B-4, dans
l’édition du samedi 11 juin 1988.
Analyse
Le choix et le traitement d’un événement ou d’un phénomène social particulier relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent éviter de cultiver ou d’entretenir des préjugés ou des attitudes discriminatoires à l’endroit des personnes ou des groupes qui font l’objet de leurs reportages.
Les professionnels de l’information doivent également donner au public les éléments nécessaires pour éclairer son jugement sur les événements et les phénomènes sociaux qu’ils choisissent de traiter, et ne négliger aucun aspect dont l’absence aurait pour effet de les travestir ou d’en déformer la signification.
Par ailleurs, nul ne peut prétendre avoir accès de plein droit à la tribune réservée au courrier des lecteurs. La décision de publier ou non les lettres ouvertes ou les textes visant à protester ou à émettre une opinion sur le contenu d’articles précédemment parus, relève de la prérogative de l’éditeur. Ce dernier doit cependant favoriser l’expression du plus grand nombre possible de points de vue sur les sujets et les événements qui retiennent l’attention des médias.
Ces derniers peuvent enfin abréger les lettres ouvertes qu’ils publient, mais ils ne doivent pas, ce faisant, changer le sens de la pensée ou des propos de l’auteur ou en diminuer la portée de façon significative.
Dans le cas présent, le Conseil est d’avis que l’auteur de l’article n’a pas outrepassé la latitude rédactionnelle qui est sienne en traitant, comme il l’a fait, la question de l’antisémitisme en Pologne.
Après étude, le Conseil rejette le grief du Comité pour la défense de la bonne renommée des Polonais à l’effet que cet article est discriminatoire à l’endroit des Polonais. Le Conseil n’a pu déceler la présence de stéréotypes ou de préjugés à l’égard de ces derniers, ni d’éléments tendant à les distinguer, à leur détriment, des autres nationalités, même s’il déplore que certains passages de l’article risquent de prêter flan à une généralisation du phénomène de l’antisémitisme à l’ensemble des Polonais.
Quant au grief à l’effet que l’article en litige était diffamatoire, le Conseil rappelle qu’il ne peut se prononcer sur le caractère présumément diffamatoire des articles soumis à son attention, puisque ce faire relève des tribunaux judiciaires.
Le Conseil rejette également le grief de madame Tyszka-Kozlowska concernant l’abrégement de sa lettre ouverte. Le Conseil estime que celle-ci, telle qu’elle fut publiée, présentait la totalité du point de vue de la plaignante sur l’article de monsieur Cygielman. Le Conseil considère que La Presse n’a aucunement modifié le sens et la portée de cette lettre en en retranchant, comme il l’a fait, certains passages et en ne publiant pas la carte géographique qui y était jointe.
Enfin, pour ce qui est du grief à l’effet que l’article contenait des déformations historiques, le Conseil souligne que La Presse a publié la lettre de la plaignante, lui donnant ainsi l’occasion de présenter sa propre interprétation des faits.
Analyse de la décision
- C08B Modification des textes
- C11C Déformation des faits
- C17A Diffamation
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18D Discrimination