Plaignant
M. Jean-Yves
Dolbec, Mme Marie-Paule Malenfant, M. Claude Michaud, M. Gilles Pelletin, Mme
Lucienne Pelletier et M. Albert Roy
Mis en cause
Le
Saint-Laurent-L’Echo [Rivière-du-Loup] et Gilles LeBel (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Georges
Fraser (éditeur, Le Saint-Laurent-L’Echo [Rivière-du-Loup])
Résumé de la plainte
Le 28 septembre
1988, le journaliste Gilles LeBel du Saint-Laurent-L’Echo rapporte une affaire
de moeurs dans un article diffamatoire, sensationnaliste et sans intérêt public
titré «Un prêtre du diocèse au centre d’une histoire de moralité». Cet article
porte atteinte à la réputation du prêtre concerné, des autres personnes
impliquées et du clergé en général. Son titre présente des proportions
démesurées. Finalement, le journaliste établit un rapprochement injustifié
entre ces événements et M. Pierre Lacroix.
Faits
Le Conseil de
presse a terminé l’étude des plaintes de monsieur Jean-Yves Dolbec, madame
Marie-Paule Malenfant, monsieur Claude Michaud, monsieur Gilles Pelletier,
madame Lucienne Pelletier et monsieur Albert Roy, contre l’hebdomadaire Le
Saint-Laurent-L’Echo et le journaliste Gille LeBel, au sujet d’un article
publié dans l’édition du 28 septembre au 4 octobre 1988.
L’article,
intitulé «Un prêtre du Diocèse au centre d’une histoire de moralité»,
rapportait qu’un prêtre du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière aurait été impliqué
dans des liaisons amoureuses avec certaines de ses paroissiennes et qu’il
aurait reconnu sa paternité dans le cas d’un enfant né dans un hôpital de la
région de Québec.
Griefs du plaignant
M. Jean-Yves
Dolbec, prêtre, presbytère Saint-Ludger:
Monsieur Dolbec
reprochait au journaliste Gilles LeBel d’avoir écrit un article diffamatoire à
l’endroit d’un prêtre, sans que ce dernier ait été nommé, et d’avoir fait
«rejaillir le tout» sur le diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en écrivant
«Cette fois, c’est le diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière qui est mis en
cause et qui est pointé du doigt».
Monsieur Dolbec
expliquait que certains prêtres de Rivière-du-Loup et des environs s’étaient
fait pointer du doigt à la suite de la parution de cet article. Il disait que
des personnes s’étaient fiées, pour ce faire, aux «indices» contenus dans
l’article, tels que «c’est dans la région de Rivière-du-Loup où il aurait été
le plus actif de ce côté, ayant été rattaché à deux paroisses différentes» et
«ce « représentant » de Dieu à l’aube de la cinquantaine». Rapportant
qu’un prêtre, dont la famille vivait à Rivière-du-Loup, avait été identifié par
les gens, monsieur Dolbec remarquait: «Pouvez-vous imaginer tout le tort que
cela a occasionné aux membres de cette famille?».
Le plaignant
reprochait également au journaliste d’avoir relié cette «histoire
abracadabrante», reprenant l’expression utilisée dans l’article, à celle de
monsieur Pierre Lacroix, un cas judiciaire où des accusations avaient été
portées. Le plaignant estimait que le cas du prêtre mis en cause dans
l’article, contre qui aucune accusation n’avait été portée, était plutôt un
«cas de médisance».
Monsieur Dolbec
considérait que le journaliste et le journal avaient porté atteinte à la vie
privée de ce prêtre et il se demandait si l’on avait le droit d’étaler ainsi
les faits et gestes des personnes dans un journal. Il estimait que ce faire
constituait un «geste immoral et un manque de jugement».
Monsieur Dolbec
s’en prenait de plus aux titres reliés à l’article; l’un en page couverture et
l’autre coiffant ledit article à la page trois. Il considérait que ceux-ci
avaient des proportions démesurées comparativement aux titres habituels du
journal.
Le plaignant se
disait enfin d’avis que l’article en litige n’était pas une nouvelle d’intérêt
public et il portait plainte également contre l’éditeur pour l’avoir laissé
publier.
Mme Marie-Paule
Malenfant:
Madame Malenfant
se disait en désaccord avec l’article du journaliste Gilles LeBel. Elle
estimait que des propos contenus dans celui-ci suscitaient «doute» et
«méfiance» et ne respectaient pas la dignité de la personne.
Madame Malenfant
disait que la liberté de la presse et le «droit de parole» existaient au
Québec, mais ne permettaient pas de dire ou d’écrire «n’importe quoi sur
n’importe qui».
Selon la
plaignante, l’article en litige ne lui apportait rien de positif et elle
trouvait «inutile et désagréable de savoir en long et en large ce qui se passe
dans la vie intime des gens».
Elle se
demandait si le journaliste Gilles LeBel avait été témoin des faits et gestes
de ce prêtre et s’il pouvait affirmer la véracité de ce qu’il rapportait. Elle
estimait que le rôle du journaliste était d’informer les lecteurs «sur des
données véridiques, utiles et susceptibles d’alimenter la réflexion et
d’éduquer la pensée sur des enjeux concernant le mieux-être d’une population»
et qu’il avait «un grand rôle à jouer dans l’effort d’une société à bâtir un
monde meilleur».
Madame Malenfant
disait enfin que la ville de Rivière-du-Loup n’avait nullement besoin de
«journaux à potins» et que l’article publié dans Le Saint-Laurent-L’Echo lui
laissait le message suivant: «Faites tout le bien que vous voudrez… on en
reparlera si cela nous convient!… mais si vous faites le moindre faux pas…
et que n’importe qui nous en informe… on écrira!».
M. Claude
Michaud:
Monsieur Michaud
faisait d’abord remarquer qu’il était possible qu’un événement, comme celui
rapporté dans l’article, se soit produit à Rivière-du-Loup. Il se disait cependant
surpris qu’un journaliste comme monsieur Gilles Lebel fasse une «nouvelle à
potin de cette nature».
Monsieur Michaud
considérait que cette nouvelle était du «potinage de type Echo vedette ou Allo
police impliquant des gens très facilement identifiables et détruisant des
réputations» et qu’elle n’apportait rien de positif pour la région.
Le plaignant
s’en prenait également au ton de l’article qu’il qualifiait de «vil» et de
«méchant». Il remarquait que le fait qu’un «prêtre ait commis quelque geste que
ce soit ne justifie personne de le juger et de le fusiller sur la place
publique». Il estimait que les expressions utilisées dans l’article pour
décrire le comportement du prêtre étaient «déplacées».
Monsieur Michaud
disait qu’une telle nouvelle, dans une petite ville comme Rivière-du-Loup,
était «très lourde de conséquence pour la réputation des gens qui sont
impliqués». Il ajoutait que les journalistes avaient la responsabilité de
rapporter la vie publique et la vie privée «au sens large du mot», de même que
les événements s’y rattachant, mais que ceux ayant trait à la moralité devaient
être «manipulés avec beaucoup de précautions et de doigté».
Le plaignant
considérait que la responsabilité d’un hebdomadaire régional n’était pas de
détruire la réputation des gens et des institutions d’une région, mais
«d’informer et de mettre en valeur, autant que possible, tout ce qu’il y a de
très positif» dans celle-ci. Il estimait que le «potinage criminel, moral ou
vie privée» devrait être laissé aux journaux spécialisés en la matière.
M. Gilles
Pelletier:
Monsieur
Pelletin reprochait au journaliste Gilles LeBel d’avoir rapporté une situation
de façon à porter atteinte à la réputation d’une personne. Il remarquait que le
journaliste n’avait pas affirmé que les faits rapportés étaient vrais, mais
qu’il avait plutôt laissé croire ou entendre que ceux-ci s’étaient produits.
Faisant
remarquer que le journaliste ne rapportait «certainement pas des gestes dont il
pourrait témoigner», monsieur Pelletier disait qu’il rapportait alors des
«on-dit». Le plaignant considérait que les gestes en question n’étaient
«certainement pas dignes de mention et [qu »]il n’est pas prouvé qu’il soit
utile que Monsieur tout le monde connaisse ces faits».
Monsieur
Pelletier faisait de plus remarquer que certains renseignements contenus dans
l’article, comme le fait que le prêtre dont il était question aurait oeuvré
dans deux paroisses de la région de Rivière-du-Loup, faisaient surgir le nom de
quelques prêtres dans sa mémoire, puisqu’il avait connu au moins cinq prêtres
ayant été rattachés à deux paroisses au cours des dernières années.
Monsieur
Pelletier considérait que la liberté de la presse ne donnait pas le droit à un
journaliste «d’écrire n’importe quoi sur n’importe qui dans le simple but de
remplir une page ou sa caisse». Il se demandait si le journaliste ne devait pas
plutôt «traiter l’information en respectant les gens qui la vivent».
Monsieur
Pelletier reprochait enfin à l’hebdomadaire Le Saint-Laurent-L’Echo d’avoir
«manqué de responsabilité et de clairvoyance» en laissant publier l’article en
litige.
Mme Lucienne
Pelletier:
Madame Pelletier
demandait au Conseil d’étudier la pertinence de l’article en litige. Dans une
lettre qu’elle adressait au directeur général régional de l’hebdomadaire,
monsieur Georges Fraser, madame Pelletier disait ne pas aimer le
«sensationnalisme» de cet article.
M. Albert
Roy:
Monsieur Roy
trouvait l’article en question de mauvais goût et se demandait si celui-ci respectait
l’éthique journalistique.
Commentaires du mis en cause
Lettre commune
de M. Gilles LeBel, journaliste, et de M. Georges Fraser, éditeur, Le
Saint-Laurent-L’Echo:
En réponse à
l’ensemble des plaintes déposées dans ce dossier, messieurs LeBel et Fraser
signalaient d’abord qu’un consensus se dégageait de ces plaintes selon lequel
un tel article ne devrait pas se retrouver dans un hebdomadaire régional comme
Le Saint-Laurent-L’Echo. Ils faisaient remarquer que, de façon générale, les
plaignants ne mettaient pas en cause la véracité de la nouvelle, mais qu’ils
semblaient trouver «anormal» que l’histoire en question n’ait pas pu «rester
«secrète» éternellement, afin de sauver la face de certains individus [du
clergé] qui ont refusé de prendre leurs responsabilités» relativement à la
situation qui était rapportée.
Les défendeurs
signalaient ensuite que le journaliste Gilles LeBel avait expliqué à un délégué
d’un groupe de prêtres du diocèse, lors d’une rencontre avec celui-ci à la
suite de la publication de l’article en litige, que ledit article «visait avant
tout à décrire une situation qui était devenue intenable pour plusieurs
paroissiens». Ils faisaient remarquer que ces derniers devaient même «noliser
un autobus pour se rendre à l’Evêché de LaPocatière afin de demander à
monseigneur [André] Gaumond de prendre les mesures adéquates face à cette
situation».
Messieurs LeBel
et Fraser s’interrogeaient d’ailleurs sur le «silence total» de monseigneur
Gaumond, l’évêque du diocèse de Saint-Anne. Ils considéraient qu’il aurait été
facile pour ce dernier de nier tout simplement la nouvelle lors de la
conversation téléphonique qu’il avait eue avec le journaliste Gilles LeBel,
deux jours avant la parution de l’article. Les défendeurs faisaient remarquer
que monsieur Gaumond aurait plutôt répondu «aucun commentaire» à une question
lui demandant de confirmer la véracité de la nouvelle et aurait indiqué que les
interrogations du journaliste «touchent une dimension qui est d’ordre moral et
non d’ordre légal».
Les défendeurs se
demandaient pourquoi le diocèse ne donnait pas l’heure juste dans le dossier en
question et pourquoi l’on devait «s’en remettre à la charité chrétienne
lorsqu’on peut prouver qu’au moins deux familles de Rivière-du-Loup sont
déchirées» à la suite des présumées liaisons du prêtre.
Messieurs LeBel
et Fraser expliquaient par ailleurs qu’ils n’avaient pas publié le nom de ce
dernier pour les trois raisons suivantes. La première étant par égard pour
l’individu, la deuxième par considération pour sa famille, et la troisième pour
respecter la parole du journaliste qui avait promis aux principales personnes
s’étant plaintes auprès de lui du comportement du prêtre, et «qui ont pu être
ses maîtresses», de ne pas dévoiler ni leur nom ni celui du prêtre.
Quant à l’argument
de l’un des plaignants au sujet de la proportion démesurée des titres reliés à
l’article en litige en comparaison des titres habituels du journal, les
défendeurs considéraient que la grosseur des titres, la couleur de l’encre
utilisée [rouge à la une] et l’importance de cette nouvelle par rapport aux
autres dans la même page, constituaient des «détails qui rendaient compte de la
« visibilité » qu’il fallait donner à cette nouvelle».
Messieurs LeBel
et Fraser disaient «voir deux choses» derrière les démarches des plaignants
auprès du Conseil de presse. Ils estimaient que ceux-ci voulaient, considérant
certains des arguments invoqués, «volontairement détourner l’attention sur le
bien-fondé de cette nouvelle et sur la vocation d’un journal comme le [leur]».
Ils faisaient
remarquer que les plaignants étaient en mesure de constater que Le
Saint-Laurent-L’Echo, au cours de ses 92 ans d’histoire, avait rarement fait la
manchette avec des articles comme celui en litige. Messieurs Fraser et LeBel
ajoutaient qu’ils ne pouvaient «laisser une nouvelle de la sorte être
« filtrée » plus longtemps».
Messieurs LeBel
et Fraser considéraient enfin avoir rempli leur «mandat de média d’information»
en publiant cette nouvelle. Ils disaient toutefois comprendre la «déception de
certains groupes ou individus, pour qui la religion catholique et le clergé se
doivent d’être exempts de toutes fautes».
Ils ajoutaient
que ce n’était pas parce que le journal avait publié un article traitant d’un
cas isolé «qu’il faudra que certains extrémistes pensent que [leur]
hebdomadaire a changé de vocation et qu’il est dorénavant contre la religion
catholique et le clergé».
Réplique du plaignant
M. Jean-Yves
Dolbec:
En réplique aux
commentaires communs de monsieur Georges Fraser et du journaliste Gilles LeBel,
monsieur Dolbec disait qu’il maintenait en tout ce qu’il avait dit dans sa
plainte. Il soutenait que l’article en litige relevait de la médisance et qu’il
n’était pas dans l’intérêt du public qu’un tel fait «soit étalé avec autant de
«flash» dans le journal».
Monsieur Dolbec
estimait que cet article faisait preuve d’un manque flagrant d’éthique
professionnelle. Il se demandait s’il était honnête et s’il relevait du rôle
d’un journal de «salir» la réputation d’une personne. À l’argument des défendeurs
selon lequel Le Saint-Laurent-L’Echo avait rempli son mandat de média
d’information en publiant cette nouvelle, monsieur Dolbec disait plutôt que
celle-ci ne relevait pas de l’information mais des «potins».
Monsieur Dolbec soutenait
que le cas en cause relevait de la morale et non du judiciaire et que ce
n’était pas le rôle des journalistes d’intervenir comme moralisateurs. Il
faisait remarquer que ces derniers ignoraient les démarches qui auraient été
entreprises par le curé d’un paroisse et l’Evêque du diocèse pour trouver une
solution «dans la justice» pour les personnes mises en cause. Il ajoutait qu’il
n’y avait pas seulement le prêtre dont il fallait tenir compte.
Monsieur Dolbec
signalait enfin que le prêtre qui avait rencontré le journaliste Gilles LeBel
n’avait pas été délégué, contrairement à ce qui était indiqué dans les
commentaires des défendeurs, par un groupe de prêtres du diocèse, mais avait
plutôt personnellement abordé cette affaire dans une entrevue concernant un
autre sujet.
Mme Marie-Paule
Malenfant:
Madame Malenfant
disait toujours considérer qu’un article comme celui en litige ne devrait pas
être publié dans un hebdomadaire régional comme Le Saint-Laurent-L’Echo. Elle
faisait remarquer que cet hebdomadaire avait le respect et l’appui du public
depuis 92 ans, et que ce n’était pas des «articles à sensation» qui pouvaient
lui conserver sa popularité.
A la remarquer
des défendeurs selon laquelle ils comprendraient la déception de certains
groupes ou individus pour qui la religion catholique et le clergé de devaient
d’être exempts de toutes fautes, madame Malenfant disait ne pas considérer que
cette religion et ses représentants étaient exempts de toutes fautes. Elle
estimait plutôt que les prêtres sont des personnes humaines avec «leurs points
forts et leurs points faibles… comme tout le monde». Madame Malenfant
s’opposait cependant à ce qu’on publie des histoires de moralité sur qui que ce
soit, serait-il ou serait-elle médecin, avocat, professeur ou prêtre.
Madame Malenfant
regrettait par ailleurs que les «dames équilibrées, adultes, matures utilisent
la presse comme moyen de régler leur problèmes de coeur». Elle disait qu’elles
avaient peut-être réussi «pour elles seulement… car l’opinion publique n’a
pas applaudi» et que la population n’avait pas apprécié la publication de cet
article.
M. Claude
Michaud:
Monsieur Michaud
disait, pour sa part, qu’il maintenait la position énoncée dans sa plainte, et
qu’il jugeait les commentaires de messieurs LeBel et Fraser plus ou moins
corrects.
M. Gilles
Pelletier:
Monsieur
Pelletier se disait également convaincu du bien-fondé de sa plainte après avoir
pris connaissance des commentaires de messieurs LeBel et Fraser. Il faisait la
remarque que ces derniers étaient «loin d’apporter une argumentation»
justifiant la parution de l’article en litige, mais qu’ils ne faisaient
«qu’étaler des brides de conversations privées, en les sortant de leur contexte
et dont on ne sait pas si elles sont justes [vraies] ou non».
A l’argument des
défendeurs selon lequel le but des plaintes déposées au Conseil était de
détourner l’attention, monsieur Pelletier affirmait que son objectif n’était
pas de détourner l’attention, mais bien d’attirer celle du lecteur sur le peu
de respect du journaliste à l’endroit de la vie privée de deux personnes, le
prêtre et la mère de l’enfant. Monsieur Pelletier estimait par ailleurs que le
journaliste avait minimisé l’importance du rôle de la mère dans l’histoire
rapportée.
Monsieur
Pelletier disait que cette affaire lui semblait davantage une «vengeance de
maîtresse[s] éconduite[s] et abandonnée[s] qu’une recherche de vérité». Il ne
voyait d’ailleurs pas la nécessité de répandre une telle vérité. Il estimait
que la «façon chrétienne et charitable» d’agir, aurait été de rencontrer
personnellement le prêtre en question, de discuter de la situation avec lui, et
non d’en faire un article.
Mme Lucienne
Pelletier:
Madame Pelletier
disait pour sa part qu’il était difficile de ne pas mettre en doute une nouvelle
qui était formulée au conditionnel. Elle se demandait pourquoi celle-ci avait
le ««ton» d’une rumeur» considérant que son but était, selon les défendeurs,
d’informer.
A l’argument de ces
derniers selon lequel ils ne pouvaient «laisser une nouvelle de la sorte être
«filtrée» plus longtemps», madame Pelletier se demandait pourquoi coiffer
celle-ci d’en-têtes sensationnalistes? Elle s’interrogeait sur ce «besoin de
visibilité».
Disant enfin que
les prêtres sont également des humains avec leurs fautes, madame Pelletier se
questionnait sur le bien qui pouvait ressortir de mettre l’un d’eux «au
pilori». Elle considérait que le dommage causé à leur réputation était bien
difficile à réparer même si, par la suite, l’on ne disait que ce qui était bien
des autres prêtres.
M. Albert
Roy:
Monsieur Roy
précisait d’abord que le but de sa démarche au Conseil de presse n’était pas de
dénoncer, mais de poser une question à savoir si l’article en litige respectait
l’éthique professionnelle du journalisme.
Monsieur Roy
disait qu’après lecture des commentaires des défendeurs, il lui restait
plusieurs questions sans réponse. Est-ce que la mise en pages de l’article
était le «seul remède à servir»? Est-ce que le «bien commun» était «menacé à ce
point»? Est-ce que les soupçons lancés dans le public avaient aidé la cause ou
n’avaient-ils pas eu l’effet contraire d’éveiller d’autres soupçons sur des
personnes non concernées? Procéder à la dénonciation du prêtre sans le nommer
était-il «approprié dans une société démocratique»?
Monsieur Roy se
demandait enfin si les défendeurs auraient écrit un tel article si la «personne
dénoncé avait été un journaliste, un simple citoyen, un homme éminent de la
société».
Analyse
Le choix, le traitement d’un nouvelle et l’importance à lui accorder relèvent de la liberté rédactionnelle des médias et des professionnels de l’information. Toutefois, la publication ou la diffusion d’informations sur la vie privée des personnes n’est justifiable que dans la mesure où l’intérêt public l’emporte sur le droit au respect à la vie privée. La presse doit alors, dans de tels cas, en rendre compte avec prudence et discernement.
Dans le cas présent, le Conseil blâme le journal et le journaliste pour avoir rapporté le présumé comportement d’un prêtre du diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière eu égard à des relations amoureuses qu’il aurait entretenues avec des paroissiennes, alors qu’aucun fait n’a été apporté pouvant démontrer l’intérêt public de cette nouvelle et être à même, par conséquent, d’en justifier la publication.
Le Conseil blâme également les défendeurs pour la façon dont ils ont traité cette information.
Dans un premier temps, le Conseil s’interroge sur la décision des défendeurs de dénoncer une personne sans la nommer, d’autant plus que des détails ont été publiés pouvant contribuer à identifier cette dernière. Non seulement cette façon de faire sert-elle davantage à piquer la curiosité qu’à informer réellement, mais elle ouvre la porte à ce que des membres du clergé de la région soient faussement pointés du doigt à la suite de la parution de l’article.
Ce traitement est par ailleurs susceptible de semer le doute chez les lecteurs sur la véracité de l’information rapportée. L’utilisation du conditionnel pour faire état des présumés gestes du prêtre confère, de l’avis du Conseil, un caractère hypothétique plutôt que factuel à cette information.
Dans un deuxième temps, le Conseil considère inacceptable le rapprochement avec l’affaire de Pierre Lacroix qui, elle, est une affaire judiciaire.
Le Conseil rejette enfin le grief de l’un des plaignants concernant la couleur et la proportion du titre à la une, de même que la proportion du titre coiffant l’article en litige à la page trois, puisque les choix en la matière relèvent de la discrétion de l’auteur.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16D Publication d’informations privées
- C17F Rapprochement tendancieux