Plaignant
L’Association
nationale des prisonniers de guerre du Canada [section Québec]
Représentant du plaignant
M. Bruno MacDonald
(président, Association nationale des prisonniers de guerre du Canada [section
Québec])
Mis en cause
La Presse
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Le 11 novembre
1987, La Presse néglige de rapporter que ce jour est celui du Souvenir. Elle se
contente d’un article et d’une photo à ce sujet, dans son édition du lendemain.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de l’Association nationale des prisonniers de guerre
du Canada, section Québec, contre le quotidien La Presse.
L’Association,
par l’entremise de son président, monsieur Bruno MacDonald, reprochait au
journal d’avoir omis de rapporter, le 11 novembre 1987, que ce jour était celui
du souvenir, alors que la quasi totalité des journaux l’avait rappelé,
«généralement en première page».
Dans une lettre
adressée au quotidien, monsieur MacDonald faisait remarquer que la «une» de La
Presse aurait été toute autre en ce 11 novembre si des millions des jeunes, dont
175 441 jeunes Québécois, n’avaient risqué leur vie pour combattre le monde
qu’Hitler voulait instaurer, pour défendre la liberté d’exprimer ses opinions
politiques sans «risquer les pelotons d’exécution» et «même pour avoir des
journaux» qui peuvent publier éditoriaux et caricatures.
Monsieur
MacDonald rappelait qu’il y avait 110 000 militaires canadiens «morts et
enterrés en Europe, résultat des deux grandes guerres», sans compter ceux qui
sont décédés pour d’autres causes pendant leur service militaire. Il ajoutait:
«leurs sacrifices ne méritent-ils pas que La Presse annoncent aux Canadiens
d’expression française, jeunes et vieux, que le 11 novembre, Jour du souvenir,
est dédié à ceux qui ont donné leur vie pour la démocratie?»
Signalant enfin
qu’il y avait environ 60 000 anciens combattants dans la région de Montréal,
monsieur MacDonald disait avoir eu honte de «constater qu’en 1987 le Jour du
souvenir ne voulait plus rien dire au plus grand quotidien français
d’Amérique».
Commentaires du mis en cause
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint, La Presse:
En réponse à
cette plainte, monsieur Masson faisait d’abord remarquer qu’un journal était
libre de publier ce qu’il jugeait «utile pour ses lecteurs, en termes
d’information, selon les critères professionnels reconnus».
Il précisait
ensuite qu’un quotidien se consacrait prioritairement aux événements du jour,
aux nouvelles et aux informations quotidiennes, et que les anniversaires, les
éphémérides et les rappels venaient en second lieu dans les choix
d’information.
Monsieur Masson
indiquait enfin qu’il fallait regarder dans l’édition du 12 novembre pour y
trouver un article et une photo sur le Jour du souvenir «puisque, selon
l’usage, [La Presse publie] les nouvelles le lendemain du jour où elles se produisent»,
tel que monsieur Michel Roy, ex-éditeur adjoint de La Presse, l’avait signalé
au plaignant dans une lettre du 25 novembre 1987.
Réplique du plaignant
Répliquant aux
commentaires de La Presse, monsieur MacDonald disait qu’il était «évident»
qu’un journal était «libre de publier ce qu’il juge utile pour ses lecteurs».
Il faisait remarquer, cependant, que des milliers de lecteurs de La Presse
avaient été touchés, comme lui, d’une façon ou d’une autre, par les deux
derniers conflits mondiaux. Il estimait que La Presse les avait «ignorés» et
ce, en se basant sur l’interprétation qu’elle donnait à des «critères
professionnels reconnus», selon l’expression utilisée par monsieur Claude
Masson.
Monsieur
MacDonald présentait deux exemples qui démentaient, selon lui, les arguments de
La Presse. Il rappelait que le quotidien avait informé ses lecteurs, le 14
juillet même, que ce jour était celui de la Fête des Français, et le 20 mars,
celui de la Fête des Irlandais. Monsieur MacDonald faisait remarquer que ces fêtes
n’avaient pas la «même importance parmi la population du Québec que le Jour du
souvenir». Il faisait remarquer, à l’appui de cette opinion, que nombre de
travailleurs étaient en congé payé et que plusieurs services n’étaient pas
offerts au public le Jour de souvenir, ce qui n’était pas le cas lors de la
célébration des autres fêtes qu’il mentionnait.
Monsieur
MacDonald considérait, tel qu’il l’avait fait remarquer dans une lettre
adressée à l’ex-éditeur adjoint de La Presse, que dire aux lecteurs «des milliers
d’écoliers observeront une minute de silence à 11 heures en ce Jour du
souvenir» n’avait pas la même signification que dire «que des milliers
d’écoliers ont observé, hier, une minute de silence à 11 heures à l’occasion du
Jour du souvenir».
Analyse
Le choix des sujets à traiter, et de la manière de le faire, participe de la liberté rédactionnelle des médias et des journalistes. Ce choix doit être guidé par la recherche de l’intérêt public.
Les médias et les journalistes demeurent donc libres de traiter d’un sujet donné, de lui accordé l’importance qu’ils jugent appropriée et de le publier [ou le diffuser] au moment où ils le jugent opportun.
En regard de ces principes, le Conseil rejette la demande du plaignant visant à blâmer le journal La Presse d’avoir fait état du Jour du souvenir dans son édition du 12 novembre plutôt que dans l’édition du 11 novembre.
Le Conseil considère que l’omission du 11 novembre et la mention du 12 novembre découlent de la liberté rédactionnelle de l’éditeur.
Analyse de la décision
- C02B Moment de publication/diffusion