Plaignant
Le Syndicat des
employées et employés de Réseau Pathonic, division CFCM-TV [TVA, Québec] /
CKMI-TV [CBC, Québec]
Représentant du plaignant
M. Jean Trudel
(président, Syndicat des employées et employés de Réseau Pathonic, division
CFCM-TV [TVA, Québec] / CKMI-TV [CBC, Québec])
Mis en cause
Le Réseau
Pathonic, M. Marius Brisson (directeur de l’information) et Mme Andréanne Guay
(journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Glenn P.
O’Farrell (vice-président, affaires publiques, Réseau Pathonic)
Résumé de la plainte
Les 3, 10 et 17
mars 1989, dans le cadre de ses bulletins d’information nationale, le réseau
Pathonic fait la promotion de films présentés la fin de semaine sur ses ondes,
sous le couvert de reportages d’information.
Faits
Le Réseau
Pathonic diffuse, les 3, 10 et 17 mars 1989, dans le cadre des bulletins
d’informations nationales de 15 h 30 et de 18 h 00, des reportages faisant état
des films présentés à l’antenne de Pathonic pendant les fins de semaine suivant
ces dates.
Griefs du plaignant
Le Syndicat des
employées et employés de Réseau Pathonic, division CFCM-TV/CKMI-TV, porte
plainte au Conseil de presse, le 20 mars 1989, contre le directeur de
l’information du Réseau Pathonic, M. Marius Brisson.
Le président du
Syndicat, M. Jean Trudel, considère:
– que le droit
du public à une information honnête et exempte de publicité a été délibérément
bafoué;
– qu’il est
inadmissible qu’un média camoufle de l’autopublicité sous la forme d’un
reportage;
– qu’une telle
pratique discrédite le professionnalisme de l’équipe de journalistes du Service
de l’information de CFCM-TV.
Il fait
également remarquer que la maison de sondage BBM avait entrepris, le 27 février
1989, pour une durée de trois semaines, la mesure de l’écoute des stations de
télévision.
Commentaires du mis en cause
M. Glenn P.
O’Farrell, vice-président – affaires publiques, Réseau Pathonic
M. O’Farrell
affirme que la plainte du Syndicat des employées et employés de Réseau Pathonic
n’a aucun fondement.
Au soutien de
cette affirmation, M. O’Farrell indique:
– que la
direction de l’information du Réseau Pathonic accorde une place importante aux
«Arts et spectacles» dans le traitement quotidien de l’information;
– que les
journalistes assignés au «cahier Arts et spectacles» doivent «adapter une
approche journalistique à ce secteur bien précis de l’actualité»;
– que la
direction de l’information a affecté la journaliste Andréanne Guay à la préparation
d’un reportage pour souligner la présence d’un festival cinématographique
«d’une sélection toute particulière de longs métrages» à l’antenne du Réseau
Pathonic;
– que ce
«festival de films, d’intérêt certain, méritait que le « pupitre Arts et spectacles »
du journal télévisé « Le Monde » s’y intéresse et ce, indépendamment de
l’endroit où les cinéphiles pourraient les apprécier»;
– que ce
«festival de longs métrages» avait «l’attrait de se distinguer» comme sujet de
reportage au même titre que la couverture accordée à des événements comme
l’engagement d’une vedette locale de Québec pour la publicité de voitures Ford,
la «décision de Coca-Cola de confier au « Zoo Boys » du FM 93 la
publicité télé de la boisson gazeuse « Sprite » dans la seule région de
Québec, le passage à Québec de l’actrice française Sophie Marceau pour
présenter son film « L’étudiante » au cinéma Odéon», etc.;
– que les
télédiffuseurs, dont Radio-Canada, n’hésitent pas à faire état dans un bulletin
de nouvelles de la mort d’un célèbre personnage incarné par Gilles Pelletier
dans «L’héritage», des frasques de Joseph-Arthur et de Rose-Anna dans «Le temps
d’une paix», de la polémique ayant entouré le personnage de Jean-Paul Belleau
dans «Des dames de coeur», etc. M. O’Farrell déplore cependant que les
reportages diffusés les 3 et 10 mars n’aient pas rencontré les standards
journalistiques de la direction de l’information. Il considère cependant que le
reportage diffusé le 17 mars a respecté les «règles de l’art» et a présenté
«toutes les caractéristiques d’un bon reportage « Arts et spectacles »
avec la recherche, le discernement et le sens critique qu’il présuppose».
Mme Andréanne
Guay, journaliste et auteure des reportages
Mme Andréanne
Guay précise d’abord qu’elle est journaliste occasionnelle pour le Réseau
Pathonic à Québec, qu’elle relève de la programmation et que son travail
consiste à fournir à la salle des nouvelles des reportages sur les activités
artistiques de la région.
Elle fait part
des faits suivants concernant les reportages en litige:
– le directeur
de l’information, M. Marius Brisson, lui a demandé dans un «mémo», en mars
1989, de faire des reportages présentant, en une minute, les 6 ou 7 films
devant être diffusés sur les ondes du réseau au cours des fins de semaine des
3, 10 et 17 mars 1989;
– Mme Guay fait
les reportages des 3 et 10 mars, mais ne les signe pas, considérant que ceux-ci
relèvent davantage de la promotion que du travail d’une journaliste, même
affectée aux arts et spectacles;
– quant au
reportage du 17 mars, Mme Guay donne, à la suite d’une demande de M. Brisson à
cet effet, un traitement plus journalistique au sujet, soit deux des films à
être diffusés au cours de la fin de semaine, et accepte de signer ce troisième
reportage.
Réplique du plaignant
En réplique à
ces commentaires, le président du Syndicat des employées et employés de Réseau
Pathonic, M. Jean Trudel, dit toujours considérer que la direction de
l’information du réseau était «totalement consciente du caractère publicitaire»
de sa démarche lorsqu’elle a demandé à la journaliste Andréanne Guay de faire
les trois reportages mis en cause. M. Trudel signale que M. Marius Brisson a
rencontré cette dernière suite au «malaise généralisé» provoqué à la salle des
nouvelles par les deux premiers reportages, ainsi qu’aux plaintes qu’il avait
reçues à ce sujet. M. Brisson aurait alors imputé à Mme Guay la responsabilité
de la réaction provoquée par les deux reportages et lui aurait demandé de
«trouver une façon de mieux maquiller le produit pour lui donner un caractère
d’information».
Rejetant
l’argument de M. O’Farrell selon lequel ce qu’il qualifiait de «festival de
longs métrages» méritait autant d’intérêt journalistique que l’engagement d’une
vedette locale pour la publicité de Ford ou la décision de Coca-Cola de confier
sa publicité régionale aux «Zoo Boys» du FM 93, M. Trudel est d’avis que ces
événements sont des «pseudo-nouvelles» qui n’ont pas place dans un bulletin
d’information.
Quant à
l’argument que les télédiffuseurs n’hésitent pas à diffuser des reportages dans
leur bulletin de nouvelles sur des personnages de téléromans, M. Trudel estime
qu’il est malhonnête de comparer la promotion de films diffusés à l’antenne de
Pathonic durant la période de sondage BBM, avec le reportage diffusé par
Radio-Canada sur le personnage controversé de Jean-Paul Belleau.
Analyse
Dans le cas présent, le Conseil blâme le Réseau Pathonic et son directeur de l’information, M. Marius Brisson, d’avoir fait, sous le couvert de reportages d’information et dans le cadre des bulletins de nouvelles de 15 h 30 et de 18 h 00 des 3, 10 et 17 mars 1989, la promotion de films présentés au Réseau pendant les fins de semaine suivant ces dates.
Ces «reportages autopromotionnels» imitaient de près la forme et les caractéristiques de reportages d’information télévisés: présentation par la lectrice de nouvelles, suivie du topo de la journaliste et, dans le cas de la promotion du 17 mars, identification en surimpression de la journaliste et du bulletin d’information «Le Monde».
L’utilisation d’un tel procédé pour faire de l’autopromotion, comme pour faire de la publicité, est contraire à l’éthique. Non seulement cela a-t-il pour effet de confondre les téléspectateurs sur la nature de ce qui leur est présenté, mais il a pour conséquence de compromettre la crédibilité des médias et des journalistes et de miner la confiance du public quant à l’intégrité de l’information qu’il reçoit. Cette façon de faire contrevient au principe accepté dans notre société de la séparation de l’information et de la publicité.
Analyse de la décision
- C21A Publicité déguisée en information