Plaignant
M. Marc Binet,
M. Jean Duchesneau, M. Alain Descours et M. Réal Huet
Mis en cause
Haute-Ville
Express [Québec] et M. Martin Ouellet (journaliste)
Résumé de la plainte
L’article «Le
village de Québec : Des lieux fréquentés par les hommes», paru le 28 mars 1989
dans le Haute-Ville Express sous la signature du journaliste Martin Ouellet,
découpe la communauté gaie en une majorité ne possédant aucune étiquette
particulière et des minorités portant les surnoms «les grandes folles», «les
folles», «les baronnes», «les cuirs» et «les cuirettes», «les commerciales» et
«les motés». Cette catégorisation dénote un mépris et un manque de tolérance à
l’endroit des personnes homosexuelles.
Faits
Le 28 mars 1989,
l’hebdomadaire Haute-Ville Express publie le premier de deux articles sur la
communauté gaie de Québec sous la signature du journaliste Martin Ouellet. Ce
premier article, intitulé «Le village de Québec: Des lieux fréquentés par les
hommes», présente les endroits fréquentés à Québec par les personnes
homosexuelles. L’article découpe également la communauté gaie en différents
groupes, dont une majorité qui «ne possède aucune étiquette particulière» et
des minorités qui «portent autant de surnoms évocateurs»: les grandes folles,
les folles, les baronnes, les cuirs et les cuirettes, les commerciales et les
motés.
Le 5 avril 1989,
MM. Marc Binet, Jean Duchesneau, Alain Descours et Réal Huet déposent une
plainte au Conseil de presse contre l’hebdomadaire et le journaliste mentionnés.
Griefs du plaignant
Les signataires
de la plainte considèrent cet article discriminatoire à l’endroit de la
communauté gaie de la région de Québec. Dans une lettre adressée au journal en
réaction à l’article, ils soutiennent:
– que l’article est
«provocateur, erroné, médiocre, désagréable à lire, violent et insolent, et
surtout discriminatoire»;
– que l’auteur
semble «en train de visiter un zoo en prenant soin de décrire chaque espèce»,
ainsi que leur comportement;
– que la
catégorisation des personnes d’orientation homosexuelle, comme le journaliste
l’a fait, «dénote un mépris et une tolérance bien mitigée»;
– que l’article
qui devait porter sur la description de quelques établissements spécialisés à
Québec «s’est, en bonne partie, transformé en une étude sociologique
discriminatoire et très réductrice d’un certain groupe d’individus de notre
société»;
– que le journal
Haute-Ville Express a consenti à publier un «bien piètre dossier», puisque
l’article mis en cause n’a «ni une valeur éducative ni même l’ombre d’une
actualité positive».
Commentaires du mis en cause
Le journaliste
Martin Ouellet nous informe, le 29 juin 1989, qu’il n’entend pas présenter de
commentaires sur la plainte.
Analyse
Le choix d’un sujet et la manière de le traiter relèvent du jugement rédactionnel des médias et des professionnels de l’information, lesquels doivent éviter de cultiver ou d’entretenir des préjugés ou des attitudes discriminatoires à l’endroit des personnes et des groupes.
Après examen des reproches formulés par les plaignants, le Conseil ne croit pas que l’article «Le village de Québec: Des lieux fréquentés par les hommes» soit susceptible de cultiver ou d’entretenir des préjugés ou des attitudes discriminatoires à l’endroit de la communauté gaie de Québec.
D’une part, le Conseil ne saurait reprocher au journaliste Martin Ouellet et à l’hebdomadaire Haute-Ville Express d’avoir tracé un portrait de la communauté gaie de Québec en présentant et en décrivant les différents groupes qui la composeraient. La liberté de la presse et le droit du public à l’information seraient compromis si les médias et les professionnels de l’information s’abstenaient d’informer le public de l’existence de tels groupes.
Le Conseil ne saurait non plus reprocher aux défendeurs la manière dont ils ont traité le sujet. L’étude attentive de l’article permet de constater que le journaliste s’en est tenu à une présentation et à une description factuelle des différents groupes. Il est important de préciser que la catégorisation reprochée par les plaignants n’est pas le fait, ni la création du journaliste, mais qu’elle provient du milieu. Il en va de même des surnoms donnés aux groupes concernés.
Le Conseil n’est pas en mesure d’évaluer la véracité ou la justesse de la description du journaliste. Celle-ci ne comporte pas, cependant, de l’avis du Conseil, de tendance méprisante, irrespectueuse ou discriminatoire.
Aucun blâme n’est donc retenu contre le journaliste Martin Ouellet et l’hebdomadaire Haute-Ville Express.
Analyse de la décision
- C18C Préjugés/stéréotypes
Commentaires des dissidents à propos de la décision
Mme Carole
Beaulieu déplore que le journaliste traitant d’une minorité faisant déjà l’objet
de préjugés ait accordé autant d’importance aux groupes portant des surnoms
évocateurs alors qu’ils ne représentent qu’une faible proportion de la
population homosexuelle. Une telle description peut donner l’impression que ces
groupes constituent la majeure partie de cette population. Un tel traitement
est susceptible de cultiver ou d’entretenir des préjugés à l’égard des
personnes homosexuelles.
Dissidents
Mme Carole
Beaulieu