Plaignant
Mme Claire
Kerrigan (rédactrice en chef, Tempo [Knowlton])
Mis en cause
The Record
[Sherbrooke] et Mme Rita Legault (éditorialiste)
Représentant du mis en cause
M. Charles Bury
(rédacteur en chef, The Record [Sherbrooke])
Résumé de la plainte
L’éditorial
«Millionnaire’s Row stubbornly unsafe», publié sous la signature de Mme Rita
Legault dans l’édition du 15 juin 1989 du Record de Sherbrooke, attaque
l’intégrité personnelle de la plaignante et dénature les motifs de son
opposition à un projet de réfection routière.
Faits
La plainte
concerne un éditorial publié dans le quotidien The Record, le 15 juin 1989,
sous la signature de la journaliste Rita Legault. L’éditorial, intitulé
«Millionnaire’s Row stubbornly unsafe» (Le rang des millionnaires obstinément
dangereux), traite du projet d’élargissement d’une section de la route 243
(Lakeside Road) longeant le Lac Brome.
Griefs du plaignant
Mme Kerrigan
reproche au journal et à la journaliste d’avoir publié un éditorial offensant à
son égard. Elle indique que celui-ci est basé sur des informations inexactes et
des insinuations malicieuses. Elle précise que le texte de Mme Legault attaque
son intégrité personnelle de façon injustifiée et dénature grossièrement les
motifs de son opposition au projet de réfection d’une section de la route 243.
La plaignante attire l’attention sur les passages suivants de l’éditorial.
Informations
inexactes:
Mme Kerrigan
signale qu’elle n’a pas fait les affirmations ou tenu les propos qu’on lui
attribue dans deux passages de l’éditorial:
1) l’un des
passages indique que la plaignante a dit au conseil municipal de la Ville de
Lac-Brome que des éditoriaux parus dans le journal local Tempo démontrent que
la majorité de la population est contre l’élargissement de la route.
Mme Kerrigan
remarque que ce n’est pas ce qu’elle a dit lors de son intervention devant le
conseil municipal;
2) l’autre
passage rapporte que, selon des éditoriaux de Claire Kerrigan publiés dans
Tempo, la majorité de la population du Lac Brome préférerait que son sinueux et
étroit Lakeside Road demeure tel qu’il est.
La plaignante
indique que lesdits éditoriaux ne contiennent pas une telle affirmation, même
si celle-ci peut s’avérer exacte; et ajoute qu’elle n’a signé qu’un seul des
éditoriaux auxquels ce passage renvoie.
Insinuations
malicieuses:
Mme Kerrigan
renvoie à certains passages de l’éditorial:
– «The fact that
she [Claire Kerrigan] lives on the road and that she has much to gain if the
advice in the editorials is followed might just taint the credibility of those
editorials a wee bit» (Le fait qu’elle habite sur cette route et qu’elle a
beaucoup à gagner si l’avis exprimé dans les [ses] éditoriaux est suivi, peut
teinter quelque peu la crédibilité de ces éditoriaux);
– «Since
when does Claire Kerrigan represent the majority of residents in the town. To
pretend she speaks for residents in her self-motivated editorials is absurd»
(Depuis quand Claire Kerrigan représente-t-elle la majorité des personnes
résidant en ville.
Prétendre qu’elle parle au nom de ces personnes dans ses
éditoriaux intéressés est absurde);
–
«Increasing development? Not if Claire Kerrigan and her bunch can stop it»
(Augmenter le développement?
Pas si Claire Kerrigan et sa bande peuvent
l’arrêter);
– «Council
should be guided by a majority of residents in its decision and not by one
person who claims to represent the opinion of a majority of residents. People’s
lives and safety are much more important than the need for convenience of the
local paper’s editor-in-chief in her comfortable abode many metres away from
Lakeside Road» (Les décisions du Conseil [municipal] devraient être guidées par
une majorité de la population et non par une personne qui prétend représenter
l’opinion de la majorité.
La vie et la sécurité des gens sont beaucoup plus
importantes que le besoin de la rédactrice en chef d’un journal local de ne pas
être incommodée dans sa confortable résidence située à plusieurs mètres du
chemin Lakeside).
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en
chef du journal, M. Charles Bury, fait les commentaires suivants:
– les propos
attribués à la plaignante dans l’éditorial, propos que cette dernière nie avoir
tenus, sont basés sur un article d’information publié la veille de la parution
de l’éditorial. Cet article, signé par la journaliste Sharon McCully, fait état
de l’assemblée du conseil municipal de la Ville de Lac-Brome du 12 juin 1989.
Elle y rapporte, entre autres, que Mme Kerrigan a dit au conseil que des
éditoriaux publiés dans le journal Tempo depuis 1985 démontrent que la majorité
des habitants sont contre l’élargissement de la route.
M. Bury soutient
que les propos de Mme Kerrigan ont été rapportés avec exactitude, rejetant
ainsi le bien-fondé du grief de la plaignante selon lequel certains passages de
l’éditorial sont basés sur des informations inexactes;
– l’éditorial de
Rita Legault est formulé de manière tranchante, mais cette façon de faire est
tout à fait acceptable dans la mesure où la plaignante s’est volontairement
placée sur la place publique (en prenant une part active dans les affaires
publiques et en écrivant dans le journal Tempo sur des événements dans lesquels
elle était impliquée);
– The Record a
publié plusieurs lettres ouvertes et une publicité de Tempo venant à la défense
de la plaignante suite à la parution de l’éditorial de Mme Rita Legault. Les
lettres ouvertes ont été publiées sans hésitation et dans le même espace que
celui occupé par l’éditorial. Le journal croit qu’il a démontré, ce faisant, sa
bonne foi et son sens des responsabilités journalistiques;
– The Record
croit fermement que l’un de ses devoirs, en tant que journal responsable,
consiste à réserver de l’espace dans ses pages pour le débat de questions
d’intérêt public. Afin que ce débat puisse se faire le plus librement, The
Record a pour politique d’intervenir le moins possible en ce qui concerne les
opinions exprimées et la manière avec laquelle elles sont exprimées.
La façon dont
The Record a traité l’affaire Kerrigan constitue un exemple de l’approche du
journal eu égard à la liberté d’expression.
Analyse
Considérant que l’éditorialiste jouit d’une grande latitude dans l’expression de ses opinions et de ses critiques, ainsi que dans le choix des sujets à traiter;
Considérant qu’à ce titre, la journaliste Rita Legault était libre de faire valoir son point de vue sur le projet de réfection de la route 243 et la position de ceux et celles s’opposant au dit projet;
Considérant qu’elle était également en droit d’exprimer son opinion sur la position et les actions publiques de la plaignante dans cette affaire;
Considérant que The Record a publié des opinions contraires à ce sujet en faisant paraître plusieurs lettres de lecteurs et une publicité de Tempo;
Considérant qu’ainsi, la polémique s’est poursuivie dans le journal The Record dans le respect de la liberté d’expression;
Le Conseil estime qu’il n’y a pas lieu de retenir la plainte de Mme Kerrigan telle que soumise.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion