Plaignant
M. Alain
Cardinal (directeur général adjoint, Lachine)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Florian Bernard (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans son article
«Le coquelicot est-il le signe d’appartenance à un mouvement politique?»,
publié par La Presse le 16 novembre 1989, le journaliste Florian Bernard traite
d’une polémique qui oppose le plaignant à un fonctionnaire municipal de Lachine
en ne rapportant que le point de vue de ce dernier, sans chercher à obtenir
l’autre version des faits.
Faits
La plainte
concerne un article de Florian Bernard publié dans La Presse du 16 novembre
1989. L’article intitulé «Le coquelicot est-il le signe d’appartenance à un
mouvement politique?» rapporte que le ministre des Affaires municipales du
Québec devra trancher la question à savoir si le port du coquelicot
(commémorant les victimes de la guerre) est un signe d’appartenance à un
mouvement politique et partisan.
L’article relate
que le conseiller municipal William R. McCullock a adressé cette requête au
ministre suite à la décision de M. Alain Cardinal, alors président des
élections de Lachine, d’interdire le port du coquelicot dans les bureaux de
scrutin le 5 novembre 1989. L’article rapporte que M. McCullock a indiqué dans
une lettre ouverte au ministre que l’interdiction de M. Cardinal constituait un
abus flagrant et une interprétation outrancière de l’article de la Loi sur les
élections interdisant le port de tout signe distinctif de partisanerie ou
d’appartenance à un parti politique.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M.
Alain Cardinal, reproche au journaliste de ne pas avoir communiqué avec lui
pour obtenir sa version des faits eu égard à l’événement rapporté, et de
n’avoir publié que le seul point de vue du conseiller William R. McCullock. M.
Cardinal estime que le journaliste n’a pas suivi les règles élémentaires de
l’éthique journalistique.
Commentaires du mis en cause
Dans une lettre
au plaignant, le 12 janvier 1990, et une lettre au Conseil de presse, le 20
février 1990, M. Bernard fait des commentaires concernant les trois points
suivants:
1. l’absence de
la version du plaignant dans l’article;
2. sa tentative
de rejoindre le plaignant la veille de la parution de l’article;
3. l’omission du
plaignant de communiquer avec lui suite à la parution de l’article.
M. Bernard
explique:
1. que son
article résumait l’opinion exprimée par le conseiller William McCullock dans
une lettre ouverte au ministre des Affaires municipales;
– que La Presse
avait choisi de résumer cette lettre dans un article d’information compte tenu
du caractère inusité de l’affaire;
– qu’il ne croit
pas que l’opinion de M. McCullock, une opinion personnelle, appelait d’autres
commentaires; et que si un commentaire avait été de mise, il aurait dû venir du
ministre des Affaires municipales;
– qu’un tel
commentaire ou un droit de réplique peut s’imposer lorsqu’un article met en
cause l’honnêteté ou l’intégrité d’une personne ou d’un organisme; et que dans
la présente affaire, la lettre de M. McCullock n’a jamais porté préjudice au
plaignant. De plus, ce dernier n’a aucunement été accusé ou blâmé de quoi que
ce soit;
– que tout ce
que le plaignant aurait pu ajouter, aurait été de maintenir sa propre
interprétation de la loi en opposition à celle du conseiller McCullock;
2. qu’il a
tenté, sans succès, le 15 novembre 1989, la veille de la publication de
l’article, de rejoindre M. Cardinal afin d’apporter un éclairage supplémentaire
à cette affaire;
3. que M.
Cardinal n’a jamais essayé de communiquer avec lui pour réclamer un droit de
réplique dans les jours suivant la parution de l’article, mais qu’il s’est
adressé directement au Conseil de presse quelques semaines plus tard, soit le
21 décembre 1989;
– que s’il
l’avait fait, La Presse aurait sans nul doute répondu favorablement à sa
requête;
– qu’il a offert
à M. Cardinal, le 12 janvier 1990, de publier ses commentaires dans la
chronique «L’Ile de Montréal» ou d’une autre façon, mais que ce dernier a
refusé cette offre afin de ne pas ramener ce débat sur la place publique
plusieurs mois après l’événement.
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint
M. Masson écrit
que la direction de La Presse appuie entièrement le point de vue exprimé par M.
Florian Bernard.
Réplique du plaignant
En réplique au
journaliste Florian Bernard, M. Cardinal fait les commentaires suivants:
1. concernant
l’absence de sa version dans l’article:
– que le
président des élections joue un rôle très délicat puisqu’il doit arbitrer, avec
équité et dans le respect des lois, entre des gestes posés par des élus et de
futurs élus;
– qu’il a jugé
non conforme à la loi la décision du conseiller McCullock de distribuer des
coquelicots à son personnel électoral;
– que ce dernier
avait contesté sa décision et s’était plaint au ministre des Affaires
municipales, ce qui était son droit le plus légitime;
– que l’opinion
personnelle de M. McCullock aurait pu être publiée dans la section réservée aux
lecteurs, ou même faire l’objet d’un éditorial;
– qu’en publiant
cette opinion dans la section réservée à l’information, M. Bernard en faisait
une nouvelle. Il était de son devoir, en conséquence, d’obtenir son point de
vue puisque son article, en rapportant les propos de M. McCullock à l’effet que
son interprétation de la loi était abusive et contraire à cette loi, attaquait
sa compétence et sa crédibilité comme fonctionnaire municipal;
2. Concernant la
tentative du journaliste de le rejoindre:
– que M. Bernard
aurait pu le rejoindre s’il avait vraiment tenté de communiquer avec lui;
3. Concernant
son omission de communiquer avec le journaliste suite à la parution de
l’article:
– qu’il se
trouvait dans une situation délicate en novembre 1989 alors qu’il avait réussi
à apaiser M. McCullock (sans toutefois le convaincre) de la justesse de son
interprétation, et qu’il ne tenait pas à faire rebondir cette polémique dans
les journaux.
Analyse
Lorsque les médias et les professionnels de l’information choisissent de traiter d’une affaire, ils ont le devoir de renseigner adéquatement le public sur cette affaire en livrant une information juste et complète.
Dans le cas présent, le Conseil estime que La Presse et le journaliste Florian Bernard auraient dû informer les lecteurs du fondement de la décision du plaignant, alors directeur des élections, d’interdire le port du coquelicot lors du jour de scrutin du 5 novembre 1989, soit en rapportant la version des faits de ce dernier, soit en rendant compte des circonstances l’ayant amené à prendre cette décision.
Le Conseil considère que l’article de M. Bernard ne comportait pas les éléments nécessaires pour comprendre la décision du plaignant et permettre ainsi aux lecteurs de former leur propre opinion sur cette décision et sur la contestation dont elle faisait l’objet.
Pour ces raisons, le Conseil adresse un reproche à La Presse et au journaliste Florian Bernard.
Analyse de la décision
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