Plaignant
M. Robert Libman
(chef, Parti égalité)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Alain Dubuc (éditorialiste)
Résumé de la plainte
Dans son
éditorial «Les Baltes blancs d’Amérique?…», publié le 15 mars 1990,
l’éditorialiste Alain Dubuc de La Presse affirme à tort que le plaignant a fait
des allusions au nazisme en parlant de la situation politique au Québec.
Faits
La plainte
concerne un éditorial d’Alain Dubuc paru le 15 mars 1990 dans le quotidien La
Presse. L’éditorial, intitulé «Les Baltes blancs d’Amérique?…», commente
certaines allusions de leaders politiques comparant la situation au Québec à
des pays qui «vivent des crises intenses, marquées par la dictature et la
mort».
Griefs du plaignant
Le 17 mars 1990,
M. Robert Libman porte plainte contre le journal La Presse pour avoir
faussement affirmé dans cet éditorial qu’il avait fait des allusions au nazisme
en parlant de la situation politique au Québec: «Robert Libman a ouvert le bal
avec ses effarantes allusions au nazisme…». M. Libman mentionne que cette
fausse attribution a entaché sa crédibilité et lui a valu de nombreuses menaces
de mort.
Il demande une rectification
en page couverture ainsi que des excuses du journal. Dans une lettre datée du 2
avril 1990, il précise que l’attaché de presse du Parti égalité, M. Raphael
Chalkoun, a communiqué avec M. Dubuc le 16 mars 1990 afin d’obtenir un
correctif, mais qu’aucune suite satisfaisante n’a été donnée à sa demande.
Commentaires du mis en cause
Dans sa réponse
du 20 avril 1990, M. Alain Dubuc relate le fil des événements. Il rappelle que
l’attaché de presse du Parti égalité, M. Chalkoun, l’a contacté par téléphone
le 16 mars 1990 pour lui signaler que M. Libman n’a jamais fait d’allusion au
nazisme en ce qui concerne la situation politique au Québec.
M. Dubuc indique
qu’il a alors convenu qu’il s’agissait là d’une erreur de sa part et qu’il a
aussitôt proposé à M. Chalkoun de faire parvenir au journal une lettre
rétablissant les faits, précisant que celle-ci serait publiée. Il signale que
M. Chalkoun a refusé cette proposition, exigeant plutôt un correctif dans la
colonne éditoriale.
M. Dubuc estime
que cette proposition était «tout à fait raisonnable» et précise qu’elle
respecte la tradition que La Presse a «établie avec les hommes et les femmes
politiques qui utilisent cette avenue lorsqu’ils s’estiment mal cités, mal
interprétés ou critiqués injustement». Il signale que La Presse «accorde
systématiquement ce droit de réponse aux politiciens et s’engageait à le faire
à l’égard du Parti égalité avec la même rigueur».
Il précise par
ailleurs que le rectificatif en colonne éditoriale est réservé pour les cas où
un éditorial mérite des correctifs majeurs. Dans le cas de l’éditorial «Les
Baltes blancs d’Amérique?…», le thème central du texte ne portant pas sur le
Parti égalité ou ses positions, il semblait disproportionné de revenir sur le
sujet de la façon dont le souhaitait M. Libman.
Réplique du plaignant
M. Robert Libman
maintient sa plainte. Il estime que c’était la responsabilité de La Presse de
rétablir les faits, et non la sienne. Il souligne que la publication d’une
lettre du Parti égalité rétablissant les faits n’a pas la même portée que si
l’auteur de l’erreur rectifie lui-même ces faits.
Analyse
L’éditorial constitue essentiellement du journalisme d’opinion. Les opinions émises en éditorial sont la manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Ce genre journalistique permet à l’éditorialiste, à l’intérieur des limites de l’éthique journalistique, de prendre position, d’exprimer ses critiques et de faire valoir ses points de vue sur les questions et les événements de son choix. La latitude qui lui est conférée n’est toutefois pas absolue. Comme tous les professionnels de l’information, il doit être fidèle aux faits et faire preuve de rigueur dans l’évaluation des situations qu’il choisit de commenter.
Dans le cas de l’éditorial «Les Baltes blancs d’Amérique?…», le Conseil reproche à M. Dubuc et à La Presse d’avoir faussement attribué des propos à M. Robert Libman en écrivant qu’il avait fait des allusions au nazisme en parlant de la situation politique au Québec.
Le Conseil note cependant que M. Dubuc et La Presse ont offert à M. Libman la possibilité de rectifier les faits en lui proposant de publier une réponse à l’éditorial, mais déplore que le journal n’ait pas corrigé lui-même son erreur.
Le Conseil rappelle que les médias ont le devoir de réparer leurs erreurs, que correction soit demandée ou non, et qu’ils doivent consacrer aux rectifications une forme, un espace et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C19A Absence/refus de rectification