Plaignant
Mme Réjeanne S.
Dubois
Mis en cause
Le Journal de
Québec et M. Michel Dufour (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Jean-Claude
L’Abbée (éditeur et directeur général, Le Journal de Québec)
Résumé de la plainte
Un article du
journaliste Michel Dufour, paru dans Le Journal de Québec le 11 juin 1992 sous
le titre «7 mois d’appels interurbains : 13 055 $ […]!», porte atteinte à la
réputation et à la vie privée de la plaignante. Le journaliste rapporte des
informations privées sur cette dernière, alors que seul son mari est concerné
par le cas de fraude en question. De plus, le journaliste publie des
informations fausses dans cet article et dans un autre relié aux démêlés de son
mari avec la justice, paru le même jour sous le titre «Tentative de fraude de
95 millions $ : Un habitué des « ligues majeures »». Le journaliste
fait preuve d’un esprit malicieux en traitant de cette affaire.
Faits
La plainte
concerne principalement l’un de quatre articles du journaliste Michel Dufour,
publiés dans Le Journal de Québec le 11 juin 1992. Cet article, intitulé «7
mois d’appels interurbains: 13 055 $ …!», s’insère dans un dossier plus large
qui concerne une affaire de fraude fiscale, mettant en cause M. Jocelyn-André
Dubois. L’article considéré s’attache plus particulièrement au cas d’une
facture Bell Canada non payée, et, à ce titre, cite la personne de Mme Réjeanne
S. Dubois, épouse de Jocelyn-André Dubois.
Griefs du plaignant
Mme Réjeanne S. Dubois
considère que l’article publié le jeudi 11 juin 1992 dans Le Journal de Québec
porte atteinte à sa vie privée et comporte des informations fausses.
Elle indique
tout d’abord qu’elle n’est pas liée à l’affaire de fraude fiscale qui concerne
son mari. A ce titre, divulguer son nom, sa profession et son lieu d’origine
attirerait sur elle, et sur ses proches, «une attention pas toujours
bienveillante».
D’autre part, le
journaliste Michel Dufour fait état d’une saisie qui n’aurait pas eu lieu. Mme
Dubois notifie que – à l’époque – la cour n’avait pas tranché en faveur de Bell
Canada.
Mme Dubois s’en
prend également à un passage d’un autre article («Tentative de fraude de 95
millions $ : Un habitué des « ligues majeures »») dans lequel il est
écrit «Le réseau de fraudeurs dont faisait partie Jocelyn Dubois…». Elle fait
valoir que «dans toute enquête judiciaire on est présumément innocent jusqu’à
preuve du contraire par un tribunal compétent».
Enfin, Mme
Dubois considère que M. Dufour «fait preuve d’un esprit malicieux dans tous les
articles reliés à l’affaire».
Commentaires du mis en cause
Pour M.
Jean-Claude L’Abbée, éditeur et directeur général du Journal de Québec, Mme
Réjeanne S. Dubois, contrairement à ses prétentions, est impliquée dans cette
affaire. Son nom apparaît d’ailleurs sur le plumitif civil faisant écho à la
demande de Bell Canada Ltée.
D’autre part, le
fait de citer la profession et le lieu d’origine de Mme Dubois constitue des
«précisions d’identification» qui permettent «d’éviter la confusion et de mêler
à l’affaire une personne de même nom qui n’y serait pas liée». M. L’Abbée
précise que c’est là une procédure professionnelle reconnue.
Pour ce qui est
de la saisie, M. L’Abbée affirme qu’elle a bien eu lieu, «la preuve en étant
que la plaignante a fait signifier une opposition à ladite saisie». Mais aussi,
la Cour du Québec n’ayant pas encore tranché le sort de cette opposition à
l’époque, ni la plaignante, ni Bell Canada Ltée, ne pouvaient prétendre avoir
raison.
Enfin, en ce qui
concerne l’autre article faisant l’objet d’un reproche de la part de la
plaignante, M. L’Abbée souligne que le journal ne parle, dans ses articles du
11 juin 1992, que d’un «présumé fraudeur».
En conclusion,
Le Journal de Québec estime qu’il «n’a pas à assumer de blâme dans cette
affaire».
Réplique du plaignant
Mme Dubois est
«surprise de constater que Le Journal de Québec reconnaît que le tribunal
n’avait pas encore tranché le sort de l’opposition qu’elle avait faite à la
Cour». «L’article disait bien que Bell Canada avait gagné».
Analyse
Les personnes ont le droit fondamental au respect de leur vie privée. Cependant, si certains éléments peuvent s’avérer utiles à une meilleure compréhension de l’information, les médias sont alors en droit de les mentionner. Ils doivent toutefois s’entourer de toute la rigueur et du discernement nécessaires pour ne pas confondre intérêt public et curiosité publique.
La publication d’informations relevant de la vie privée est acceptable uniquement en vertu de l’intérêt public; de telles informations n’ont pas à être mentionnées si elles n’entrent pas en lien direct avec le sujet évoqué. D’autre part, les journalistes doivent avoir libre accès à toute l’information nécessaire, et doivent être libres d’en faire état si ces informations sont de nature à éclairer le public.
Toutefois, si l’information devait se révéler fausse ou erronée, le devoir de tout journaliste ou de tout média est de mettre en oeuvre des mesures appropriées pour rétablir les faits.
Dans le cas présent, le Conseil de presse considère que Le Journal de Québec et le journaliste Michel Dufour étaient en droit de mentionner le lien entre Mme Réjeanne S. Dubois et l’affaire Bell Canada Ltée, puisque le plumitif civil fait effectivement apparaître le nom de la plaignante.
En revanche, le Conseil estime qu’il n’était pas nécessaire de préciser la profession et le lieu d’origine de la plaignante; ces deux informations n’éclairant en rien la situation initiale.
Par ailleurs, le Conseil déplore que le journaliste ait affirmé que «la cour provinciale a tranché en faveur de Bell au mois de juillet». Après vérification au plumitif civil, en date du 17 novembre 1993, et tel que l’éditeur du journal le reconnaît dans sa réponse à cette plainte, le Conseil constate qu’il n’y a pas eu de jugement rendu sur l’opposition de la plaignante.
Enfin, le Conseil contaste que le journaliste Michel Dufour, tout au long de ses articles, a présenté M. Jocelyn Dubois en tenant compte de la présomption d’innocence de ce dernier. Le Conseil déplore toutefois, tel que le signale la plaignante, qu’il ait affirmé dans l’article intitulé «Tentative de fraude de 95 millions $: Un habitué des « ligues majeures »», que M. Dubois «faisait» partie d’un réseau de fraudeur. Le Conseil rappelle que toute personne doit être présumée innocente jusqu’à ce qu’un jugement apporte la preuve du contraire.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C16D Publication d’informations privées
- C17H Procès par les médias