Plaignant
M. Bertrand
Richard
Mis en cause
Le Journal de
Montréal
Résumé de la plainte
Dans son édition
du 24 août 1993, Le Journal de Montréal publie une dépêche de l’agence France
Presse sous le titre «Ils ont frappé à mort un automobiliste noir : Deux
ex-policiers de Détroit coupables». La mention de la couleur d’une victime
d’acte criminel est condamnable, comme le laissent entendre certaines décisions
du Conseil de presse qui reprochent aux défendeurs d’avoir rapporté l’origine
ethnique d’agresseurs à la suite de crimes survenus à Montréal.
Faits
La plainte
concerne une dépêche de l’Agence France Presse publiée le 26 août 1993 dans Le
Journal de Montréal. L’article, intitulé «Ils ont frappé à mort un
automobiliste noir : Deux ex-policiers de Détroit coupables», rend compte de
l’issue d’un procès où deux policiers de Détroit ont été reconnus coupables de
meurtre pour avoir frappé à mort un automobiliste.
Griefs du plaignant
S’appuyant sur des
décisions rendues récemment par le Conseil de presse, dans lesquelles il a été
reproché au Journal de Montréal d’avoir mentionné l’origine ethnique des
agresseurs dans des incidents survenus à Montréal, le plaignant s’interroge sur
le fait de mentionner, comme cela est le cas dans l’article du Journal de
Montréal, la couleur d’une personne victime d’un acte criminel. Il écrit à cet
égard: «Si on ne doit pas mentionner la couleur d’un individu qui commet un
acte criminel, on ne doit pas plus la mentionner quand il est la victime, ou,
comme dans le cas présent, criminel (vendeur de « crack ») et victime à
la fois.»
Analyse
Le principe que le Conseil de presse a énoncé dans les décisions auxquelles le plaignant fait référence dans sa plainte indique que «La mention de l’identité ethnique n’est légitime que lorsque cela est pertinent, c’est-à-dire lorsqu’il y a rapport entre les événements rapportés et l’origine ethnique, ou que celle-ci a une incidence sur ces événements. De plus, la « signification raciale ou ethnique » des événements doit être clairement démontrée dans l’information livrée au public. Omettre de le faire peut avoir pour conséquence d’entretenir ou de renforcer les préjugés et les attitudes discriminatoires envers les personnes ou les groupes mis en cause.»
Ce principe ne préconise pas d’accorder un traitement particulier ou différent selon que l’information rapportée concerne des criminels ou des victimes de crime. Selon le Conseil, le principe demeure le même. Il s’agit, dans les deux cas, d’évaluer s’il est ou non pertinent de faire mention de l’origine ethnique des personnes ou des groupes mis en cause.
Dans le cas de l’article titré: «Ils ont frappé à mort un automobiliste noir : Deux ex-policiers de Détroit coupables», le Conseil estime qu’il était pertinent de mentionner la race des protagonistes (des policiers blancs, une victime noire) compte tenu du contexte dans lequel s’insérait l’incident de Détroit.
En effet, cet incident soulevait à nouveau la question des relations raciales entre les policiers et les criminels. Celui-ci a suscité beaucoup d’intérêt aux Etats-Unis dans la foulée de l’affaire Rodney King à Los Angeles, laquelle a été le théâtre d’événements marqués par la question des relations raciales. De plus, cette question a été l’objet d’attention dans le processus judiciaire, puisque l’enquête s’est penchée sur la possibilité que la question raciale ait pu être une motivation des agissements des policiers de Détroit.
Dans un autre ordre d’idées, il y a lieu de mentionner que l’article du Journal de Montréal fait état du contexte ayant entouré cette affaire, tout comme il rapporte que la question raciale a été un élément de l’enquête sur les gestes des policiers mis en cause.
Pour les raisons qui précèdent, le Conseil estime que l’article du Journal de Montréal respecte l’esprit du principe énoncé plus haut, et qu’il était pertinent, dans ce cas particulier, de mentionner l’appartenance des policiers de Détroit et de l’automobiliste victime de leurs gestes.
Analyse de la décision
- C18A Mention de l’appartenance