Plaignant
Le Comité de
bénéficiaires de l’Hôpital Douglas
Représentant du plaignant
Mme Grace Caslaw
et Mme Joanne Lefebvre (représentantes, Comité de bénéficiaires de l’Hôpital Douglas)
Mis en cause
Le Journal de
Montréal et M. Guy Roy (journaliste)
Résumé de la plainte
Le 2 septembre
1993, Le Journal de Montréal publie des articles du journaliste Guy Roy titrés «Incendie
criminel à Verdun» et «L’oeuvre d’un drogué ou d’un malade mental?», à la suite
d’un grave incendie survenu dans un immeuble où logeaient, entre autres, des
assistés sociaux et des personnes handicapées. Ces articles suggèrent qu’un
«malade mental» a pu être responsable du drame en question, sans apporter de
preuve. De plus, le journaliste déroge à l’éthique en rapportant le handicap et
la condition sociale de certains locataires.
Faits
La plainte
concerne deux articles rédigés par le journaliste Guy Roy dans l’édition du 2
septembre 1993 du Journal de Montréal. Ces articles, titrés «Incendie criminel
à Verdun» et «L’oeuvre d’un drogué ou d’un malade mental?», traitent d’un grave
incendie survenu dans un immeuble où logeaient, entre autres, des assistés
sociaux et des personnes handicapées.
Griefs du plaignant
Le Comité des
bénéficiaires du Centre hospitalier Douglas, mandaté pour défendre les droits
des usagers de cet hôpital, désapprouve vivement le titre «L’oeuvre d’un drogué
ou d’un malade mental?», ainsi que le contenu de l’article qui «suggère que le
feu aurait pu être allumé par une personne aux prises avec une maladie mentale,
sans en mentionner la preuve».
Mme Grace
Caslaw, Mme Joanne Lefebvre, co-présidentes, et Mme Martha Bishop, secrétaire du
Comité des bénéficiaires, considèrent que non seulement «ce type d’information,
non justifiée et diffamatoire, nourrit les préjugés qui contribuent à une plus
grande stigmatisation des personnes psychiatrisées», mais encore ignore le
principe selon lequel «tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que la
preuve de sa culpabilité ail été établie selon la loi».
Elles dénoncent
également la mention que des patients externes de l’hôpital psychiatrique
Douglas vivaient dans l’immeuble incendie et que plusieurs locataires
bénéficiaient du bien-être social. Ces informations vont à l’encontre des
principes reconnus par La Charte des droits et libertés de la personne au
Québec et affligent «les personnes vulnérables qui vivent avec une maladie
mentale».
Commentaires du mis en cause
Le journaliste
Guy Roy précise en premier lieu que, s’il est bien l’auteur des articles mis en
cause, ce n’est pas lui qui, en revanche, a choisi le titre incriminé, mais le
pupitre de la nouvelle générale du journal. Pour ce qui est des autres reproches,
il tient à souligner que:
– la mention
selon laquelle «l’immeuble abritait cinq ou six patients externes de l’hôpital
psychiatrique Douglas» est un «fait indéniable et qui correspond à une réalité.
Elle ne compromet personne et mérite d’être mentionnée». La phrase qui suit
(«Il est possible, aussi, que l’incendiaire soit l’un d’eux») émet une
hypothèse qui n’est absolument pas une certitude, hypothèse qui, «comme tant
d’autres, peut expliquer les causes de cet incendie d’origine criminelle»;
– la mention que
des locataires vivaient du bien-être social «n’avait pour but que de démontrer
le peu de ressources de ces gens, la misère qui s’abattait encore sur eux et la
difficulté qu’ils auraient à s’en sortir plus que d’autres». Il y a environ un
demi-million d’assistés sociaux au Québec. Cette mention était «importante,
réaliste, objective, justifiée et même nécessaire».
– les passages
faisant état de personnes handicapées sauvées par un jeune homme et le
concierge de l’immeuble font état de la réalité et ne sont aucunement
condamnables. Les gestes de sauvetage qui ont été posés méritent d’être cités.
M. Guy Roy
considère que ses articles sont «corrects journalistiquement» et qu’ils représentent
la réalité et la vérité. Dire celle-ci «consiste à cibler une situation
particulière […] et à la mettre en évidence». Il souligne par ailleurs
l’importance de ne pas cacher le fait que des personnes soient handicapées,
assistées sociales, etc., si l’on veut aider ces gens, lesquels sont des
humains comme tous les autres.
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent traiter les incidents qu’ils couvrent avec rigueur et circonspection, afin d’éviter que des personnes ou des groupes ne soient pointés indûment comme étant responsables de ces incidents lorsque cela n’a pas été établi.
Dans le cas présent, le Conseil reproche à la rédaction du Journal de Montréal d’avoir supposé, dans le titre «L’oeuvre d’un drogué ou d’un malade mental?», que l’incendie pouvait être l’oeuvre de telles personnes; et au journaliste Guy Roy d’avoir induit cette hypothèse dans son texte sans l’avoir appuyée de quelque façon que ce soit.
En ce qui concerne la mention, dans le deuxième article, du nom et de la condition physique (handicapé) et sociale (bien-être social) des locataires, le Conseil ne retient pas les griefs de la partie plaignante. Le Conseil considère en effet que ces éléments relevant de leur vie privée contenaient, dans cette circonstance particulière, des éléments d’intérêt public, susceptibles de livrer une meilleure information sur l’incident. Dans le contexte de cet incident, le journaliste Guy Roy était en droit de préciser ces informations, qui n’apparaissent dès lors ni sensationnalistes ni comme une atteinte à la réputation et à la dignité des personnes considérées.
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées
- C17H Procès par les médias