Plaignant
M. Murray Levine
(président, Fondation des athlètes philantropiques)
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et Mme Peggy Curran (chroniqueure)
Représentant du mis en cause
M. J.R. Walker
(rédacteur gérant adjoint et ombudsman, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans sa
chronique «Pain in the neck», parue dans l’édition du 3 mars 1994 de The
Gazette, la journaliste Peggy Curran fait preuve de parti pris contre le
plaignant en affirmant que ce dernier importune les gens afin de promouvoir une
bonne cause. Le journal ne publie ni la mise au point du plaignant ni
rectification, même si la chronique incriminée contient trois faussetés.
Faits
La plainte vise
une chronique du quotidien The Gazette, du 3 mars 1994, intitulée: «Pain in the
neck», signée par Mme Peggy Curran, et publiée en page A3. L’auteure de
l’article écrivait alors que M. Murray Levine faisait la promotion d’une bonne
cause et que pour réussir il importunait les gens (using some nasty methods).
Griefs du plaignant
Le plaignant, M.
Murray Levine, dans sa lettre du 2 mai 1994, attribue à l’article un parti-pris
et y trouve trois faussetés: 1) que Centraide a interrompu l’arrivée de ses
télécopies, 2) qu’il harcèle les gens, et 3) qu’il a été inculpé pour
harcèlement. Il affirme aussi qu’on ne lui a pas fourni l’occasion de
contredire ce qui était dit à son égard dans l’article de Mme Curran.
Le plaignant dit
que l’article avance qu’il a été poursuivi pour harcèlement, alors que M.
Levine indique n’avoir jamais été inculpé pour quoi que ce soit. La plainte
contredit aussi une mention dans l’article de Mme Curran quant à un blocage des
télécopies de M. Levine par l’organisme Centraide.
Le plaignant dit
avoir été en rapport avec la journaliste et le responsable de la page
éditoriale (Editorial Page Editor) au sujet de l’article, mais qu’on n’avait
publié ni sa lettre de mise au point ni errata.
Commentaires du mis en cause
M. J.R. Walker,
rédacteur gérant adjoint et ombudsman au quotidien The Gazette, dans sa lettre
du 12 août 1994, considère la plainte de M. Levine comme étant non fondée. Il
indique que huit paragraphes de la lettre de plainte de M. Levine n’ont rien à
voir avec la chronique de Mme Curran.
M. Walker reconnaît
qu’il «n’y a qu’une seule vraie allégation au sujet d’une erreur de fait» dans
la première lettre de plainte, laquelle porte la date du 2 mai 1994. Il s’agit
d’une mention dans l’article selon laquelle Centraide aurait bloqué les
transmissions par télécopieur venant de M. Levine, information qui aurait été
transmise au quotidien par une source autre que le personnel de Centraide; dans
une lettre du 8 septembre 1994, corrigeant une autre du 7 septembre, M. Walker
reconnaît l’erreur du quotidien quant au présumé blocage de télécopie et se
propose de publier un errata.
Pour ce qui est
de la question d’une inculpation, M. Walker avance que Mme Curran a interviewé
M. Levine et que celui-ci aurait alors dit à la journaliste qu’il avait été
accusé ou que la police avait au moins reçu une plainte. De toute façon, écrit
M. Walker dans ses commentaires, «le dossier n’est jamais allé devant les
tribunaux, comme Mme Curran le soulignait dans sa chronique».
Relativement au
refus d’un droit de réplique, M. Walker indique que cette accusation est
fausse, la journaliste ayant parlé au plaignant à plusieurs reprises et lui
ayant mentionné le matériel qu’elle prévoyait utiliser dans sa chronique.
Réplique du plaignant
a) Lettre du 24
août 1994: il n’a parlé à la journaliste qu’une seule fois.
b) Lettre du 26
août 1994: il annonce l’envoi d’un texte en réponse aux commentaires de M.
Walker; il indique qu’il envoie avec sa lettre des textes d’échanges avec la
journaliste Peggy Curran.
c) Lettre du 26
août 1994: il fait état de ses divers échanges avec le quotidien et insiste
pour dire que Mme Curran n’aurait pas vérifié «ses sources d’information»; il
considère que Mme Curran a choisi de le crucifier plutôt que d’écrire un
article sur des efforts faits pour une bonne cause; il considère que l’article
a été écrit pour le faire voir sous un mauvais jour car, au moment où l’article
sortait, les méthodes qui lui étaient reprochées avaient cessé depuis douze
mois; il réaffirme qu’il n’a pas été l’objet d’une imputation officielle d’un
délit, que n’importe qui peut porter une accusation mais que seulement une
autorité peut inculper quelqu’un; il affirme qu’il n’a jamais dit qu’il avait
été inculpé, alors que l’article dit qu’il l’a été, donc que le texte est
inexact, et que c’est là ce qu’il avance dans sa plainte; il fait référence à
ses démêlés avec une entreprise, lesquels ne sont pas objet de sa plainte; il
fait référence à plusieurs occasions à l’événement qui a nom «Le Tour de
l’Ile».
d) Lettre du 30
août 1994: cette lettre cite un entretien du plaignant avec M. Mark Wainberg du
McGill Aids Center.
e) Lettre du 14
septembre 1994: cette lettre commente deux lettres (7 et 8 septembre 1994) de
M. J.R. Walker.
f) Lettre du 20
septembre 1994: cette lettre fait état de la correspondance du plaignant avec
diverses personnes et divers organismes.
g) Lettre du 22
octobre 1994: cette lettre fait état d’une rencontre récente avec M. Mark
Wainberg.
Analyse
Le Conseil de presse entend étudier cette plainte en se limitant aux éléments suivants de plaintes: l’affirmation de parti-pris à l’encontre du plaignant; l’affirmation selon laquelle Centraide aurait interrompu l’arrivée des télécopies du plaignant; l’affirmation selon laquelle il harcèle les gens, et l’affirmation selon laquelle il aurait été inculpé pour harcèlement. Les autres griefs du plaignant, non compris dans sa lettre initiale de plainte, ne sont pas l’objet de la présente décision du Conseil.
Le Conseil considère qu’une chronique journalistique est un genre qui tient autant de l’éditorial et du commentaire que du reportage d’information et que ce genre laisse à l’auteur une grande latitude dans l’expression de points de vue et de jugements. Ce genre permet aussi au journaliste d’adopter un ton polémiste pour prendre parti ou pour exprimer une critique, dans un style qui lui est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. Un journaliste ne peut toutefois se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Il importe qu’il présente d’abord les événements de façon factuelle avant d’en faire la critique, pour que le public puisse se former une opinion en toute connaissance de cause.
Dans le cas présent, c’est ce qui a été fait. La chronique de Mme Peggy Curran traite d’une personne aux méthodes particulières, qui prend sur elle de stimuler la perception de fonds destinés à des bonnes causes et qui, de son propre aveu, ne décroche pas facilement. «I do not deny that I used agressive tactics (To what degree…)…». La journaliste a présenté un portrait de M. Levine; les renseignements à l’appui de cette présentation ainsi que ceux fournis par le plaignant amènent le Conseil à considérer que telle présentation est conforme à la réalité. Le Conseil n’accueille donc pas la plainte contre la journaliste et le quotidien en ce qui à trait à un parti-pris à l’encontre du plaignant.
Relativement à l’utilisation du temps présent dans l’article, dans le texte où il est question du modus operandi du plaignant: «The more they resist, the more agressive he gets.», le Conseil de presse ne dispose pas de données vérifiables lui permettant de statuer sur cet aspect de la plainte.
En ce qui a trait à l’affirmation de l’article, savoir que le plaignant a été inculpé, le Conseil constate que l’article de Mme Curran avance qu’une plainte a été logée auprès de la police et que le plaignant a été inculpé sans que la cause ait été maintenue. Dans ce cas, l’affirmation de Mme Curran lui apparaît fausse. Aussi le Conseil de presse reproche-t-il à Mme Peggy Curran et au quotidien The Gazette l’affirmation non démontrée que le plaignant avait été inculpé.
En ce qui a trait à l’affirmation de l’article, que le plaignant dit être fausse, savoir que Centraide avait fait bloquer ses télécopies, le Conseil accepte l’aveu du défendeur à l’effet que le quotidien s’est trompé et il lui adresse pour cela un second reproche, tout en l’invitant à donner suite à son engagement de publier un rectificatif.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C11B Information inexacte