Plaignant
M. Luc Guénette
Mis en cause
Photo Police
[Montréal] et M. Marc Pigeon (journaliste)
Résumé de la plainte
Dans son article
«Une femme médecin épiée par son « ex » : Il laisse son emploi pour
traquer son ex-femme», paru le 10 décembre 1993 dans Photo-Police, le
journaliste Marc Pigeon «désinforme» le public en privilégiant la version d’une
source policière non identifiée, sur une affaire qui concerne le plaignant. Le
journaliste tient des propos méprisants, diffamatoires et sans intérêt public.
Finalement, le journal refuse de publier un reportage faisant état de la
version des faits du plaignant.
Faits
La plainte concerne
un article de M. Marc Pigeon, paru le 10 décembre 1993 dans le journal Photo
Police, sous le titre: «Une femme médecin épiée par son « ex » : Il
laisse son emploi pour traquer son ex-femme». L’article rapporte que M. Luc
Guénette, un architecte, a été condamné, le 17 novembre 1993, au terme de
l’enquête préliminaire, à cinq mois de détention pour avoir harcelé son
ex-conjointe pendant plusieurs mois. L’article relate également les faits qui
ont conduit à cette condamnation.
Griefs du plaignant
M. Luc Guénette
reproche au journaliste Marc Pigeon d’avoir publié un article de désinformation
sur cette affaire en privilégiant la version d’une source policière non
identifiée. Il lui reproche également d’avoir tenu dans cet article des propos
méprisants, diffamatoires et sans intérêt public à son sujet.
Au soutien de sa
plainte, M. Guénette, qui dit chercher à rétablir ses privilèges de droit de
visite avec son enfant (la garde légale de l’enfant ayant été accordée à son
ex-épouse), soumet un long affidavit dans lequel il présente sa version des
faits et relate de nombreux incidents, gestes et interventions judiciaires
survenus depuis février 1988 dans le litige l’opposant à son ex-conjointe. Il
conteste plus particulièrement les passages suivants de l’article:
– «Il laisse son
emploi pour traquer son ex-femme»: il explique qu’il n’a pas laissé son emploi
pour traquer son ex-femme, mais parce qu’il a été incarcéré à huit reprises par
suite d’interventions de cette dernière aux fins de détention préventive. C’est
pour cette raison qu’il a demandé un congé sans solde afin de ne pas mettre en
péril la réputation des projets de construction dont il avait la
responsabilité.
– Il
«décourageait même ses nouveaux prétendants, en la qualifiant de putain devant eux»:
M. Guénette dit n’avoir jamais traité son ex-femme de putain.
– «Cet
architecte est devenu prestataire de l’aide sociale, ce qui lui laissait
beaucoup de temps pour parvenir à ses fins»: M. Guénette explique qu’avant de
se retrouver prestataire de l’aide sociale, il a dépensé les 250 000 $, qu’il
avait mis de côté, dans le litige l’opposant à son ex-femme, et ce, afin de
délivrer son fils de cette situation.
– «Il défiait
régulièrement une ordonnance de probation de la cour lui interdisant d’entrer en
contact avec elle (son ex-femme), notamment pour lui parler de leur fils, ou de
la harceler à ce propos»: M. Guénette indique qu’il n’a jamais défié une
ordonnance de la cour, et encore moins au cours de la période de temps (entre
les mois d’août et de novembre 1993) dont il est question dans l’article.
M. Guénette, qui
considère que le journaliste a débordé le cadre de la chronique judiciaire en
rapportant les dires d’une source policière non identifiée, reproche au journal
d’avoir refusé de publier un reportage faisant état de ses allégations afin de
rétablir les faits.
Commentaires du mis en cause
M. Marc Pigeon
souligne d’abord que cet article porte sur une affaire judiciaire. Celui-ci
fait état de la décision de M. Guénette de plaider coupable à l’accusation de
harcèlement à l’endroit de son ex-conjointe entre les mois d’août et de
novembre 1993, et de la décision du tribunal de le condamner à une sentence
d’emprisonnement de cinq mois et de l’assujettir à une ordonnance de probation
de deux ans durant laquelle il lui est interdit de communiquer avec son
ex-conjointe. Egalement, afin de relater les faits du crime, l’article rapporte
les éléments du jugement du tribunal ainsi que des informations fournies par
une source confidentielle digne de foi.
En ce qui concerne
l’affirmation selon laquelle M. Guénette aurait laissé son emploi pour traquer
son ex-femme, M. Pigeon fait valoir que ce dernier n’a peut-être pas quitté son
emploi dans l’intention de traquer son ex-femme, mais qu’il a reconnu l’avoir
fait en plaidant coupable.
Quant au grief
de M. Guénette qui lui reproche d’avoir privilégié la version policière, M.
Pigeon indique qu’il n’a effectivement publié qu’une seule version, la seule
qui a été étayée devant le tribunal puisque le plaignant a décidé de plaider
coupable plutôt que de se défendre en procès. Si tel avait été le cas, le
journal aurait fait état de sa défense. Ceci explique également pourquoi le
journal a refusé de publier les allégations de M. Guénette relativement à toute
cette histoire subséquemment à la parution de l’article en litige.
Enfin, M. Pigeon
estime «avoir fait (son) devoir professionnellement et honnêtement dans ce
dossier, sans avoir d’attitude méprisante, sans mériter de blâme, sans diffuser
de propos diffamatoires et sans prioriser aucune version, policière ou autre».
Analyse
Dans le cas présent, l’article en litige vise à rendre compte d’une affaire judiciaire, c’est-à-dire de la décision qui a été rendue par le tribunal, le 17 novembre 1993, au terme d’une enquête préliminaire impliquant le plaignant. Aux fins de ce reportage judiciaire, le journaliste Marc Pigeon n’avait pas à obtenir la version des faits du plaignant relativement au conflit l’opposant à son ex-épouse, mais à rendre compte des audiences du tribunal, du jugement rendu et des faits pertinents se rapportant à ce jugement.
En ce qui concerne les informations rapportées, la seule qui constitue clairement une interprétation abusive des faits est celle selon laquelle le plaignant aurait quitté son emploi dans l’intention expresse de traquer son ex-femme. Pour ce qui est des autres informations contestées par le plaignant, il y a lieu de signaler que tout journaliste peut rapporter, sans autre complément ou vérification, un jugement du tribunal. Quant aux informations émanant de la source confidentielle du journaliste, le Conseil ne peut, en raison de leur provenance, ni les confirmer ni les infirmer.
Le Conseil signale qu’il aurait été cependant préférable, afin de permettre aux lecteurs une meilleure appréciation des informations qui leur étaient livrées, que le journaliste identifie plus clairement dans son article celles qui provenaient du tribunal et celles qui ont été fournies par sa source confidentielle.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits