Plaignant
M. Gaston
Tessier
Mis en cause
CBF-AM [SRC,
Montréal] et Mme Marie-Hélène Poirier (animatrice)
Représentant du mis en cause
Mme Geneviève
Guay (rédactrice en chef, CBF-AM [SRC, Montréal])
Résumé de la plainte
Au cours de
l’émission radiophonique «Les Actualités», diffusée le 5 septembre 1994, la
Société Radio-Canada ne présente que le point de vue des personnes opposées à
la position du Vatican sur la question du contrôle de la croissance
démographique. Radio-Canada aurait dû faire entendre un interlocuteur appuyant
le point de vue du Vatican, ce qui aurait permis aux auditeurs de recevoir une
information équilibrée et diversifiée.
Faits
La plainte
concerne un segment de l’émission Les Actualités, diffusé le 5 septembre 1994 à
la radio de Radio-Canada, sur la Conférence des Nations-Unies sur la population
et le développement qui s’est tenue du 5 au 13 septembre 1994 au Caire en
Egypte. Ce segment de l’émission présentait une entrevue avec l’agronome René
Dumont et sa collaboratrice Charlotte Paquet au sujet du contrôle de la
croissance démographique.
Griefs du plaignant
M. Gaston
Tessier reproche à Radio-Canada de n’avoir présenté que le point de vue de
personnes opposées à la position du Vatican sur la question du contrôle de la
croissance démographique.
M. Tessier
estime que Radio-Canada aurait dû faire entendre un interlocuteur qui aurait
appuyé le point de vue du Vatican, ce qui aurait permis aux auditeurs de
recevoir une information équilibrée et diversifiée.
Commentaires du mis en cause
En réponse à
cette plainte, Mme Geneviève Guay, rédactrice en chef «Les Actualités radio»,
explique d’abord qu’une écoute régulière de l’émission Les Actualités, où 5 à 6
sujets sont abordés en 50 minutes, permet de constater que la présentation
d’une seule opinion sur un sujet lors d’une émission constitue une formule
utilisée fréquemment. Elle précise que sur les sujets sensibles, Radio-Canada
se fait un devoir de faire entendre des interlocuteurs de toutes tendances,
mais pas nécessairement le même jour ou lors de la même émission. «L’équilibre
quotidien, s’il devait être pratiqué de façon automatique, s’avérerait vite
fastidieux».
En ce qui
concerne la Conférence de l’ONU, Mme Guay indique qu’une très large couverture
y a été accordée. En sus d’innombrables reportages de nouvelles et de textes
faits à partir de dépêches d’agences de presse, la radio de Radio-Canada a
parlé quatre fois de ce sujet à l’émission Les Actualités, trois fois à
l’émission scientifique du dimanche Les Années lumière, et l’émission Faut se
parler du 17 septembre y a été entièrement consacrée. Pour assurer la
couverture de cette conférence, un journaliste régulier a été dépêché au Caire,
d’autres correspondants pigistes ont fait parvenir des reportages, des topos en
provenance de France, d’Allemagne, du Maroc et de Chine ont été diffusés aux
nouvelles afin de donner un éventail de points de vue.
Pour ce qui est
du point de vue du Vatican, dont l’opposition à l’avortement est de notoriété
publique, Mme Guay indique que les réticences du Vatican face à l’orientation
de la Conférence de l’ONU ont été largement diffusées: lors de bulletins de
nouvelles, lors des émissions Les Actualités des 6 et 9 septembre 1994 le
journaliste Marc Bourgault a expliqué longuement la stratégie du Vatican dans
les négociations sur le texte de la Conférence de l’ONU, l’émission Faut se
parler du 17 septembre a été entièrement consacrée au point de vue du Vatican.
Enfin, Mme Guay
souligne que les enjeux discutés à la Conférence de l’ONU concernaient de très
nombreux pays et groupes d’intérêts dans le monde et que le Vatican n’était qu’un
de ces groupes. Parmi ceux-ci, les problèmes démographiques des pays musulmans.
Elle indique que Radio-Canada a choisi de donner la parole aux représentants du
monde musulman plus souvent qu’à ceux du Vatican compte tenu de l’importance
des enjeux de cette conférence en rapport avec ces pays (les pays musulmans
sont beaucoup plus nombreux que les pays catholiques à vivre de graves
problèmes démographiques; cinq Etats musulmans ont boycotté la conférence; les
menaces de mort proférées par des Musulmans radicaux à l’endroit des
participants étrangers et des journalistes; de fortes tensions politiques qui
se sont cristallisées au Caire, etc.).
Réplique du plaignant
M. Tessier
maintient que l’émission Les Actualités aurait dû présenter une entrevue le
même jour ou à tout le moins lors d’une émission subséquente avec un membre de
la délégation du Vatican à la Conférence de l’ONU. Devant une autorité comme M.
René Dumont sur la démographie et le développement, il lui apparaissait
important de savoir – pour se former une opinion juste et éclairée – ce qu’un
membre de la délégation du Vatican aurait dit s’il avait été interviewé aux
Actualités. Il ajoute que des thèmes très importants ont été abordés par le
Vatican lors de la Conférence de l’ONU, dont quelques uns auraient pu être
expliqués et commentés dans une entrevue.
Si l’équilibre
quotidien pratiqué de façon automatique s’avérerait vite fastidieux, comme le
fait valoir Mme Guay, est-ce trop demander que d’avoir un équilibre
hebdomadaire? Quant au fait que Radio-Canada a traité de la position du Vatican
dans d’autres émissions comme Les Années lumières et Faut se parler, M. Tessier
rétorque qu’il faut croire qu’il faille écouter Radio-Canada toute la journée
et sept jours par semaine pour avoir l’heure juste.
Analyse
Le choix et le traitement des informations relèvent de la liberté éditoriale des médias. Le Conseil reconnaît l’importance, dans le cadre de la couverture d’un événement comme la Conférence de l’ONU sur la population et le développement, de livrer une information complète et équilibrée. A cette fin, les médias doivent traiter des aspects importants de l’événement et présenter des points de vue diversifiés, voire divergents, qui sont pertinents, d’autant plus s’il s’agit d’un sujet ou d’un événement suscitant la controverse.
Dans le cas présent, le sujet du segment de l’émission Les Actualités du 5 septembre 1994, ici en litige, portait sur la question de la croissance démographique, tel que cela a été clairement annoncé en début d’émission par la manchette: «Conférence du Caire : 5 milliards et demi d’êtres humains qui se reproduisent. Il y a des limites aux limites de la planète». Le sujet élaboré lors de cette émission ne commandait pas la diffusion d’une entrevue avec un représentant du Vatican.
Le Conseil constate par ailleurs que le point de vue du Vatican a été abordé à plusieurs reprises dans l’émission Les Actualités. Le journaliste Marc Bourgault, qui a été dépêché au Caire pour couvrir cet événement, a fait état du point de vue du Vatican eu égard au contrôle des naissances, de la contraception et de l’avortement, ainsi que des positions que le Vatican a adoptées au cours de la conférence. M. Bourgault et le journaliste René Mailhot ont également traité de la position du Vatican avec des intervenants qu’ils ont interviewés.
Sans nier le fait que plusieurs auditeurs auraient été intéressés à entendre une entrevue avec un membre de la délégation du Vatican, le Conseil ne peut conclure que Les Actualités, dans la série d’émissions qui ont été consacrées à la Conférence du Caire, a contrevenu au principe d’une information équilibrée en choisissant de traiter la question de la croissance démographique sans inviter en entrevue un représentant du Vatican.
Le Conseil note par ailleurs que la radio de Radio-Canada a fait entendre un membre de l’Eglise catholique lors d’une émission d’une heure (Faut se parler, 17 septembre 1994) qu’elle a consacrée au point de vue du Vatican. Quoique le plaignant rejette la validité de ce choix du fait que les auditeurs ne sont pas à l’écoute de toutes les émissions diffusées, le Conseil estime que le public n’a pas été desservi en ce qui concerne les points de vue soutenus par le Vatican. Il y a lieu de tenir compte de l’envergure de cette conférence, où plusieurs parties dont le Vatican ont joué un rôle d’importance. Couvrir un tel événement par le biais de nouvelles, de reportages et d’entrevues, et ce dans différentes émissions d’information, contribue à assurer une information équilibrée.
Pour les considérations qui précèdent, le Conseil ne retient pas la plainte de M. Gaston Tessier selon laquelle Radio-Canada n’a pas respecté les normes d’une information équilibrée en ne diffusant pas, dans le cadre des émissions Les Actualités, une entrevue avec un représentant de la position du Vatican.
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre
Date de l’appel
29 May 1995
Appelant
M. Gaston
Tessier
Décision en appel
Après examen, la
commission d’appel a conclu au maintien de la décision du tribunal d’honneur.
Griefs pour l’appel
M. Gaston
Tessier a interjeté appel de cette décision.