Plaignant
Mme Martine
Lalinec (présidente du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de
l’Hôpital Douglas)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal] et M. Norman Lester (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent (directeur général des programmes (Information Télévision),
Société Radio-Canada [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans un
reportage diffusé sur les ondes de la Société Radio-Canada le 26 août 1994, le journaliste
Norman Lester rapporte les accusations portées contre 21 psychiatres en
présentant un document sur lequel figurent le nom et l’adresse de la
plaignante. Le journaliste prend pour acquis que les psychiatres nommés sont
coupables, avant que la cause ne soit entendue et avant que les personnes
concernées ne puissent faire de mise au point.
Faits
La plainte
concerne un reportage de M. Norman Lester, diffusé au bulletin de nouvelles de
18 h, le 26 août 1994, sur les ondes de Radio-Canada. Ce reportage rapporte que
des accusations pénales ont été déposées au Palais de justice de Montréal
contre 21 psychiatres de l’Hôpital Douglas qui auraient réclamé des honoraires
à la Régie de l’assurance maladie pour des traitements qu’ils n’auraient jamais
donnés.
Griefs du plaignant
Mme Martine
Lalinec, présidente du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de
l’Hôpital Douglas, reproche à Radio-Canada et à M. Norman Lester d’avoir
présenté à l’écran, en gros plan, un document sur lequel son nom et son adresse
privée étaient indiqués. Elle considère que cette diffusion constitue un bris
de confidentialité notoire et un manque flagrant à des principes élémentaires
d’éthique.
Mme Lalinec
estime par ailleurs que M. Lester prend pour acquis dans son reportage que «les
psychiatres nommés sont « coupables et fraudeurs », condamnés aux yeux
du public avant que leur cause n’ait pu être entendue en Cour et qu’ils aient
pu faire la mise au point qui s’impose».
Mme Lalinec
dénonce par ailleurs ce qui, selon elle, constitue une «tendance fâcheuse à
exploiter tout problème potentiel pour satisfaire une opinion publique toujours
avide de sensationnel». Elle remarque que les psychiatres qui oeuvrent avec les
plus déshérités des malades ont besoin du soutien du public pour continuer leur
travail souvent ingrat, mal valorisé et peu reconnu du grand public. Toute
tentative de dénigrement devrait être évitée, ajoute-t-elle, car ce sont les
usagers qui en subissent à la longue les répercussions.
Commentaires du mis en cause
M. Claude
Saint-Laurent, directeur général des programmes (Information) de Radio-Canada,
rejette l’affirmation de la plaignante selon laquelle le journaliste Norman
Lester prend pour acquis que les psychiatres nommés sont «coupables et
fraudeurs». Il indique que M. Lester ne prend aucunement cela pour acquis dans
son reportage puisqu’il se contente de faire état des plaintes déposées au
pénal contre plusieurs médecins de l’Hôpital Douglas.
En ce qui
concerne l’affirmation relative à une «tendance fâcheuse à exploiter tout problème
potentiel pour satisfaire une opinion publique toujours avide de sensationnel»,
M. Saint-Laurent remarque que le problème soulevé dans le reportage n’était pas
potentiel, mais bien réel puisque des psychiatres de l’Hôpital Douglas avaient
déjà commencé à rembourser le ministère des Affaires sociales. Il ajoute que
«le public a le droit de savoir, surtout dans le contexte budgétaire actuel,
que des psychiatres facturent pour des soins qu’ils n’ont pas donnés, que les
autorités gouvernementales exercent certains contrôles sur l’activité des
médecins et, lorsque nécessaire, exercent les recours légaux nécessaires pour
se faire rembourser».
Pour ce qui est
de la diffusion d’un document montrant le nom et l’adresse de la plaignante, M.
Saint-Laurent explique que la mention du nom de cette dernière servait à
établir que les autorités de l’hôpital étaient sans doute au courant des modes
de facturation utilisés, puisque Mme Lalinec, qui est présidente du Conseil des
médecins de l’Hôpital Douglas, aurait elle-même employé ces modes de
facturation. Il indique que c’est la raison pour laquelle seul le nom de Mme
Lalinec a été mentionné plutôt que celui de ses collègues.
Commentaires des tiers
D1989-01-002
Analyse
Dans le cas présent, Radio-Canada et le journaliste Norman Lester étaient en droit de rapporter que des accusations pénales avaient été déposées contre plusieurs psychiatres de l’Hôpital Douglas. Il s’agissait clairement d’une affaire d’intérêt public puisque, entre autres, des fonds publics étaient en cause.
Quant au traitement accordé à cette affaire, le Conseil ne retient pas le grief de la plaignante selon lequel M. Lester prend pour acquis dans son reportage que les psychiatres sont «coupables et fraudeurs», et qu’il y a eu exploitation d’un «problème potentiel pour satisfaire une opinion publique toujours avide de sensationnel». Le visionnement du reportage permet de constater que M. Lester s’en est tenu à relater les faits sans porter un quelconque jugement à l’endroit des médecins mis en cause ni exagérer les faits. Le Conseil ne saurait par ailleurs reprocher à Radio-Canada et à M. Lester d’avoir mentionné le nom de la plaignante dans le reportage puisque cette dernière était l’une des personnes contre qui des accusations avaient été déposées et qu’elle assumait la fonction de présidente du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l’institution concernée. Le Conseil estime cependant que Radio-Canada aurait pu s’abstenir de diffuser l’adresse privée de la plaignante afin d’éviter tout risque qu’elle puisse être inquiétée par suite de la diffusion de cette information.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C16C Publication de l’adresse/téléphone
- C17H Procès par les médias