Plaignant
Le Syndicat des
cols bleus de la Ville de Montréal et de la CUM
Représentant du plaignant
M. Jean Lapierre
(président, Syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal et de la CUM)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et M. Claude Picher (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
D1989-01-002
Faits
La plainte
concerne une chronique de M. Claude Picher sur les cols bleus de la Ville de
Montréal. Cette chronique, titrée «Les bébés gâtés», a été publiée le 22
octobre 1994 dans le quotidien La Presse.
Griefs du plaignant
Le Syndicat des
cols bleus de la Ville de Montréal et de la CUM, par l’entremise de son
président, M. Jean Lapierre, reproche à M. Picher et à La Presse d’avoir publié
une chronique comportant des informations inexactes et de n’avoir pas permis la
publication d’un argumentaire contradictoire.
Selon M.
Lapierre, les lecteurs n’ont pu se faire une opinion sur le travail des cols
bleus et le rôle de leur syndicat parce que M. Claude Picher a énoncé des
«affirmations fausses et non prouvées» (plus particulièrement sur leur
formation et leur salaire), et parce que La Presse s’est contentée de publier
des lettres de lecteurs approuvant son journaliste.
Le 21 novembre
1994, M. Lapierre a exigé de La Presse un droit de réplique ou la rectification
des informations erronées, publiées le 22 octobre. Le journal ne lui a pas
répondu. M. Lapierre a donc recours au Conseil de presse et réclame un blâme
puisque le journal a refusé de «publier des opinions contraires» à celle de M.
Picher, faisant ainsi preuve d’un manquement à l’éthique journalistique.
Commentaires du mis en cause
Dans sa réponse,
M. Claude Picher réplique que «le plaignant n’a pas saisi la différence entre
le journalisme d’information et le journalisme d’opinion». La Presse prend des
mesures particulières dans la présentation de ses chroniques (photo du
chroniqueur, graphisme différent…) pour permettre au lecteur de ne pas la
confondre avec un article d’information.
Il rejette par
ailleurs le reproche de M. Lapierre d’avoir publié «de fausses affirmations».
Explications à l’appui, il indique que toutes les informations publiées sont
fondées. Quant aux lettres des cols bleus, La Presse ne les a pas fait paraître
car elle redoutait une action téléguidée du Syndicat. Il souligne également que
le Syndicat a pu s’expliquer dans les colonnes du journal. Celui-ci a en effet
accordé une pleine page, le 20 janvier 1995, à une lettre ouverte du Syndicat
en réponse à un texte de La Presse, publié le 25 novembre 1994, dans lequel le
journal explique sa position par rapport au dossier des cols bleus.
M. Claude Picher
ne voit donc pas en quoi cette plainte est fondée. Il propose au Conseil de
presse de la rejeter.
Pour sa part, le
vice-président et éditeur adjoint de La Presse, M. Claude Masson, «appuie
totalement la réplique présentée par son journaliste-columnist, Claude Picher».
Il confirme également la particularité du rôle professionnel qui est dévolu au
columnist: «il jouit d’une très grande liberté, en autant qu’il respecte les
normes professionnelles reconnues».
Réplique du plaignant
M. Lapierre
réplique que la lettre ouverte publiée le 20 janvier 1995 concernait le
règlement d’un litige juridique et ne concernait pas la chronique de M. Picher.
Il réaffirme que
les informations publiées le 22 octobre 1994 concernant la formation et le salaire
des cols bleus étaient inexactes.
M. Lapierre
considère comme de «la pure paranoïa» le fait d’accuser le Syndicat d’avoir
téléguidé les lettres de protestations des quatre cols bleus.
M. Lapierre
maintient donc sa plainte.
Analyse
Le Conseil reconnaît la latitude du chroniqueur dans l’expression de ses opinions, de ses prises de positions, de ses critiques et de ses points de vue, et ce, dans le style qui lui est propre, sur les sujets et les événements de son choix. Le chroniqueur, en tant qu’informateur public, est cependant tenu à la rigueur et à l’exactitude lorsqu’il dégage une opinion de la réalité et des faits qu’il choisit de commenter.
M. Claude Picher avait donc droit à son opinion dans sa chronique sur les cols bleus de Montréal. Le Conseil estime cependant qu’il y a eu dérapage démagogique de la part de M. Picher lorsqu’il écrit au sujet des cols bleus «que le terme « travailleurs », dans leur cas, ne s’applique pas». C’est là une généralisation injustifiée. Il en va de même lorsqu’il impute aux cols bleus, au soutien de son argumentation, des incidents de vandalisme dont l’origine n’est ni démontrée ni prouvée. Tel est le cas lorsqu’il évoque l’affaire de la mort des dauphins à l’aquarium de Montréal. Le chroniqueur a certes droit à son interprétation de la réalité, mais il doit respecter les faits qu’il utilise pour appuyer ses énoncés.
Le Conseil rejette par ailleurs la plainte visant le journal La Presse pour n’avoir pas publié de lettre contradictoire à la chronique de M. Picher.
La jurisprudence du Conseil précise que la décision de publier ou non les lettres ouvertes ou les textes visant à protester ou à émettre une opinion sur le contenu d’articles précédemment parus, relève de la prérogative de l’éditeur. Ce dernier doit cependant favoriser l’expression du plus grand nombre possible de points de vue. Il apparaît au Conseil que le journal La Presse a permis au Syndicat des cols bleus de faire valoir son point de vue dans une lettre ouverte, publiée le 20 janvier 1995, en réponse à un texte de La Presse, paru le 25 novembre 1994, expliquant le pourquoi des critiques formulées précédemment par le journal à l’endroit du Syndicat des cols bleus. Chaque partie a donc pu s’exprimer sur le dossier des cols bleus, permettant au lecteur de se forger une opinion sur ce sujet.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C08A Choix des textes
- C17D Discréditer/ridiculiser