Plaignant
M. Louis
Rousseau (professeur au département des sciences religieuses, Université du
Québec à Montréal
Mis en cause
La Presse
[Montréal], M. André Noël (journaliste, La Presse [Montréal]), Montréal Campus
et M. Jean-Sébastien Marsan (journaliste, Montréal Campus)
Représentant du mis en cause
Mme Agnès Gruda
(éditorialiste, La Presse [Montréal]), M. Claude Masson (éditeur adjoint, La
Presse [Montréal]) et Mme Julie Tremblay (rédactrice en chef, Montréal Campus)
Résumé de la plainte
Le journaliste
André Noël porte atteinte à la réputation du plaignant dans son article «Les
étudiants payaient les photocopies… et les professeurs encaissaient», publié
par La Presse le 27 février 1995. Le journaliste Jean-Sébastien Marchand
poursuit la mise en accusation publique du plaignant dans le numéro du 8 au 21
mars 1995 de Montréal Campus, par son article «Les judas à l’UQAM?», qui
comporte les «révélations» d’une source anonyme. Le droit de réponse accordé au
plaignant dans l’édition du 2 mai 1995 de La Presse ne compense pas
adéquatement les torts causés à ce dernier.
Faits
M. Louis
Rousseau porte plainte contre M. André Noël, journaliste à La Presse, et M.
Jean-Sébastien Marsan, alors journaliste à Montréal Campus, pour atteinte à la
vie privée et partialité de l’information.
Griefs du plaignant
Le 10 avril
1995, M. Louis Rousseau porte plainte contre MM. Noël et Marsan pour avoir «porté
atteinte à [sa] vie privée et fait preuve d’une partialité grave» dans le
traitement de l’information. Il relate les faits suivants:
– le 27 février
1995, M. André Noël signe dans La Presse un article intitulé «Les étudiants
payaient les photocopies… et les professeurs encaissaient», considéré comme
«une manipulation de l’opinion publique», portant atteinte à la réputation de
M. Rousseau.
– le 2 mai 1995,
La Presse publie un droit de réponse de M. Rousseau, intitulé: «Faux scandale à
l’UQAM».
– dans son
numéro du 8-21 mars 1995, Montréal Campus publie un article de M. Marsan: «Les
judas à l’UQAM?», comportant des «révélations» d’une source anonyme.
M. Rousseau
considère que cette mise en accusation publique ne tient que sur la bonne foi
«d’un informateur malveillant». Le droit de réplique qu’il a pu utiliser dans
les pages de La Presse lui paraît «un redressement très léger et bien peu
proportionné» par rapport au préjudice subi.
Commentaires du mis en cause
Le 8 mai 1995,
M. Marsan, alors journaliste à Montréal Campus, répond de ces accusations. Tout
d’abord, il s’explique sur l’anonymat de sa source. Il a rencontré un
professeur ayant en sa possession des documents «d’intérêt public». Mais, parce
que la vice-rectrice Mme Céline Saint-Pierre, avait demandé aux enseignants de
garder le silence jusqu’à la mise sous tutelle du département de recherche,
cette personne a préféré garder l’anonymat pour préserver son poste. Ensuite,
M. Marsan considère qu’il n’a pas porté atteinte à la vie privée de M.
Rousseau: il a agi en faveur du droit du public à l’information.
Il précise
qu’avant la publication de son second article du 22 mars, il a contacté M.
Rousseau pour lui permettre de s’exprimer sur cette affaire, mais ce dernier a
refusé.
Le 6 mai 1995,
Mme Julie Tremblay, alors rédactrice en chef de Montréal Campus, soutient que
M. Marsan a agi en toute bonne foi, dans le traitement de cette affaire. Elle
ajoute que M. Rousseau ayant refusé de faire usage de son droit de réplique,
«toute poursuite est rendue impossible».
Le journal La
Presse a envoyé trois lettres au Conseil de presse concluant au rejet de la
plainte. Dans celle du 9 mai 1995, M. André Noël affirme que «tous les faits
rapportés dans son article sont exacts». Ils ont tous été vérifiés. De plus, il
considère que les faits publiés sont d’intérêt public et ne portent donc pas
atteinte à la vie privée de M. Rousseau. Il ajoute que le journal La Presse a
publié la réplique du plaignant dans des délais très courts. Sa plainte n’a
donc plus raison d’être. L’éditorialiste, Mme Agnès Gruda, et l’éditeur
adjoint, M. Claude Masson, soutiennent le même raisonnement.
Réplique du plaignant
Le 31 mai 1995,
M. Rousseau maintenait sa plainte en précisant qu’il visait les journalistes Noël
et Marsan, et non pas les journaux employeurs, La Presse et Montréal Campus.
Il réaffirme que
les deux journalistes n’ont pas pris le soin de vérifier leurs informations
auprès d’autres sources. Il considère que M. Noël s’est lancé dans son article
du 27 février, dans «une série d’accusations et de jugements» relevant plus de
l’éditorial que de l’article d’information.
Il considère
qu’il est faux d’affirmer que Montréal Campus lui ait donné la possibilité de
s’expliquer sur sa version des faits. Le 21 juin 1995, M. Marsan écrit au
Conseil de presse pour réaffirmer que M. Rousseau a toujours refusé de voir
publier ses propos. Le 22 juin, la rédactrice en chef de Montréal Campus, fait
état d’une conversation téléphonique au cours de laquelle M. Rousseau aurait
refusé une proposition de droit de réponse.
Analyse
Le Conseil de presse considère que la plainte de M. Louis Rousseau contre M. André Noël du quotidien La Presse l’accusant de porter atteinte à sa vie privée n’est pas fondée. En conséquence, le Conseil rejette la plainte adressée au journaliste André Noël.
Quant à la plainte visant M. Jean-Sébastien Marsan, alors journaliste à Montréal Campus, le tribunal d’honneur du Conseil de presse ne retient pas les éléments de la plainte, parce que, de l’avis du tribunal, ce journal ne serait pas une entreprise de presse au sens des règlements applicables à l’étude des plaintes au Conseil.
Pour établir sa décision en regard de la plainte visant le journaliste de La Presse, le Conseil de presse a estimé qu’il n’y avait pas eu partialité de sa part, ni atteinte à la vie privée du plaignant, le texte du journaliste étant factuel, sans jugement de valeur, et le droit de réplique ayant été accordé au plaignant.
M. Louis Rousseau considère que le droit de réplique qu’il a utilisé dans La Presse n’a pas eu un impact proportionnel au préjudice qu’il considère avoir subi. Le Conseil a conscience que l’impact d’une telle lettre aux lecteurs en guise de rectification ne saurait être d’une aussi grande portée que la publication d’un article. Mais le Conseil est d’avis que c’est le geste approprié pour permettre à une personne de répondre de certaines accusations.
Analyse de la décision
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C17A Diffamation