Plaignant
Le Journal de
l’Habitation [Québec] et M. François Cattapan (rédacteur en chef)
Mis en cause
L’Évolution
[Sainte-Foy], Mme Céline Lacroix (journaliste) et M. Yvan Guyon (rédacteur en
chef)
Représentant du mis en cause
M. Richard
Cazes (avocat)
Résumé de la plainte
Le journal
L’Évolution de Sainte-Foy se préoccupe de faire le plus d’argent possible en
remplissant ses pages de publicité. Sa journaliste Céline Lacroix signe des
textes qui sont en réalité des publi-reportages. Son rédacteur en chef, M. Yvan
Guyon, est également le responsable de la publicité. Ces façons de faire
nuisent au droit du public à une information rigoureuse et désintéressée.
Faits
La plainte est
portée contre Mme Céline Lacroix, journaliste, M. Yvan Guyon, rédacteur en chef
et le service de rédaction du journal L’Évolution, pour subordination de
l’information à la publicité.
Griefs du plaignant
M. François
Cattapan, rédacteur en chef du Journal de l’Habitation, porte plainte contre le
service de rédaction de L’Évolution pour son manque de rigueur professionnelle.
Il considère que
L’Évolution a comme souci premier de «faire le plus d’argent possible en remplissant
les pages de publicité». Partant, il reproche à la journaliste Céline Lacroix
de signer «des textes qui ne sont autres choses que des publi-reportages».
A cet égard, il
s’appuie sur les principes du Conseil de presse et de la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec, relatifs à la publicité dans les médias et à
l’identification explicite des publi-reportages.
Il relève,
également, les fonctions contradictoires de M. Yvan Guyon qui occupe les postes
de rédacteur en chef et de responsable de la publicité, au sein de L’Évolution.
Il considère ces
façons de faire «douteuses» et nuisibles au droit du public à une information
rigoureuse et désintéressée.
Commentaires du mis en cause
M. Richard
Cazes, avocat, répond, au nom des mise-en-cause, à la plainte de M. François
Cattapan.
Selon lui, la
plainte est mal fondée car il considère qu’«un lecteur moyen saura faire la
différence entre un publi-reportage et un article de journalisme».
Il mentionne
qu’à la une du Journal de l’Habitation du 12 juillet 1996, une publicité
occupait 60% de l’espace total. Partant, il comprend mal «l’attitude d’un
rédacteur qui se plaint de ce que lui même ferait».
Il souligne que
le personnel restreint du journal implique la possibilité qu’une personne
remplisse deux fonctions à la fois, comme c’est le cas pour M. Guyon.
Il pense que
l’attitude de M. Cattapan relève de ses frustrations contre le journal
L’Évolution.
Réplique du plaignant
M. François
Cattapan proteste contre la réponse de M. Cazes qui jette un doute sur l’intégrité
de leur travail.
Il souligne que
la fragilité économique et le personnel restreint, qui induisent le cumul des
fonctions, n’empêchent pas L’Évolution d’avoir recours aux services d’un avocat
pour se défendre.
Il déplore que
M. Cazes «escamote l’essence du problème qui lui est reproché».
Il affirme que
M. Yvan Guyon ne peut être des deux côtés en même temps. Par ailleurs, il
considère qu’«il suffit de deux personnes pour faire rouler un journal: une qui
serait secrétaire-journaliste-rédactrice et l’autre qui serait
représentante-graphiste-distributrice».
Il doute qu’un
lecteur moyen puisse faire la distinction entre un texte publicitaire et un
autre texte informatif et désintéressé. Il se demande pourquoi, si, c’est si
évident, ce n’est alors pas indiqué clairement, comme il se doit.
Il précise que
la une du Journal de l’Habitation indiquait clairement qu’il s’agissait d’une
publicité, dans sa parution du 12 juillet 1996. Il souligne que M. Guyon
n’avait pas retenu ses services, il y a quelques années, puisqu’il recherchait
quelqu’un qui puisse trouver des annonceurs pour ensuite écrire des articles
sur eux. Il n’appelle pas cela du journalisme.
M. Cattapan ne considère
pas que son attitude relève de la frustration, mais seulement d’une inquiétude
sur l’éthique de la profession.
Analyse
Le Conseil de presse est d’avis que les médias doivent identifier clairement les textes publicitaires et éviter de faire de la publicité déguisée ou indirecte, ou encore de présenter des publi-reportages comme des articles d’information.
Dans le cas présent, le Conseil de presse blâme vigoureusement le journal L’Évolution, la journaliste Céline Lacroix et le rédacteur en chef Yvon Guyon pour ne pas avoir établi une distinction claire entre la publicité et le contenu rédactionnel.
Le Conseil de presse considère que la journaliste incite les lecteurs à recourir aux services des commerces mentionnés, notamment en concluant par de petits slogans invitants comme «Parce que l’essayer, c’est l’adopter» ou «Venez rencontrer NOS spécialistes pour faire un choix éclairé».
Le ton et le contenu de ces articles leur confèrent un caractère promotionnel et la perspective dans laquelle l’information est présentée relève davantage de l’optique du client que de l’approche journalistique.
Le Conseil invite la rédaction de L’Évolution à identifier clairement, à l’avenir, ses «publi-reportages» afin de ne pas compromettre la crédibilité des journalistes et de ne pas induire les lecteurs en erreur.
Tout en étant conscient de la réalité des ressources du média, le Conseil de presse souligne les dangers et l’apparence de conflit d’intérêt inhérents au fait de cumuler des postes de directeur d’un journal et de directeur de la publicité.
Analyse de la décision
- C21C Traitement à caractère promotionnel
- C21G Indépendance des services d’information et de publicité