Plaignant
M. Yosri (Joe)
Diab
Mis en cause
La Presse [Montréal],
Mme Marie-Claude Lortie et M. Éric Trottier (journalistes), Le Journal de
Montréal, M. Pierre Richard et M. Michel Marsolais (journalistes), The Gazette
[Montréal] et Mme Samana Siddiqui (journaliste), La Société Radio-Canada
[Montréal] et Mme Maxime Bertrand (journaliste)
Résumé de la plainte
Les mis-en-cause
ternissent la réputation du plaignant en rapportant sans vérification les
allégations mensongères de son épouse à propos du conflit qui les oppose. Les
mis-en-cause insistent inutilement sur l’origine égyptienne du plaignant et
identifient les enfants impliqués dans cette affaire.
Faits
La plainte
concerne le traitement journalistique fait autour de l’affaire Julie Benoît –
Yosri Diab qui se disputent la garde de leur deux enfants, par La Presse, Le
Journal de Montréal, The Gazette, Radio-Canada et leurs journalistes.
Griefs du plaignant
M. Yosri Diab
porte plainte contre Mme Marie-Claude Lortie et M. Éric Trottier, journalistes
à La Presse, M. Pierre Richard et M. Michel Marsolais, journalistes au Journal
de Montréal, Mme Samana Siddiqui, journaliste à The Gazette, et Mme Maxime
Bertrand, journaliste à Radio-Canada, pour avoir porté atteinte à sa
réputation.
M. Yosri Diab
rappelle les faits à l’origine du dossier: il a été séparé de ses deux enfants
à la suite du départ inattendu de sa femme, Mme Julie Benoît, de leur domicile
en Californie pour retourner au Québec. Les tribunaux californiens ont déclaré
que le cas était un enlèvement d’enfants et que Mme Benoît devait revenir en
Californie pour la poursuite des procédures judiciaires, «c’est alors que les
médias sont intervenus dans le dossier d’une façon spectaculaire».
Il mentionne que
sa femme et son entourage ont utilisé les médias pour salir sa réputation et
que «ce qui a alors été mentionné n’avait rien à voir avec la cause de la garde
(des) enfants» ou la fuite de Mme Benoît du domicile conjugal.
Il considère que
l’affaire relève d’un dossier privé n’ayant aucun rapport avec les médias.
Il reproche aux
journalistes d’avoir:
– fait preuve de
discrimination en mentionnant, avec insistance, son origine égyptienne et la
possibilité qu’il retourne dans son pays avec ses enfants, ce qui est
totalement faux.
– porté atteinte
à sa vie privée en permettant à sa femme d’étaler publiquement certains aspects
privés sans pour autant «vérifier à la source». Il considère cela accablant et
blessant, et affirme que les allusions à son «manque de crédibilité
professionnnelle» étaient purement gratuites.
Il déplore
l’identification de ses enfants.
Il reproche aux
journalistes de ne pas l’avoir «présumé innocent» mais d’avoir jugé trop
rapidement des allégations de Mme Benoît sans qu’aucune vérification ait été
faite auprès de lui, et que la plupart de ces allégations aient été déclarées
non pertinentes par la Cour.
Il déplore
l’association des médias mis en cause dans une affaire familiale visant à nuire
à sa réputation et à son image.
Commentaires du mis en cause
La réponse de
Michel Marsolais:
M. Michel
Marsolais du Journal de Montréal rappelle que son article «fait principalement
état des raisons évoquées par Mme Benoît devant le tribunal».
Mais, il précise
avoir communiqué par deux fois avec le plaignant qui déplorait être condamné en
raison de sa nationalité. Par ailleurs, il considère que l’insistance de M.
Diab autour de son origine le fait douter de sa bonne foi dans son
argumentation.
La réponse de
Radio-Canada:
M. Philippe
Lapointe, directeur des nouvelles télévisées à Radio-Canada, fournit la réponse
à la plainte de M. Diab, envoyée au CRTC le 27 août 1996.
Il rappelle que
deux reportages ont été consacrés à l’affaire susmentionnée:
– Le 23 mai
1996, la journaliste Maxime Bertrand faisait un premier reportage donnant
essentiellement la version de Mme Julie Benoît et, de plus, résumait les
décisions judiciaires de l’affaire.
– le 24 mai 1996,
Maxime Bertrand faisait connaître la version des faits du plaignant à la suite
d’une conversation téléphonique.
Il précise que
de nombreux litiges familiaux, passant devant les tribunaux, sont rendus publics
parce qu’ils sont des «cas types» ou d’intérêt public.
Il affirme que
Radio-Canada n’est pas associé aux démarches de Mme Benoît et donne pour preuve
la présentation des deux versions des faits au cours des nouvelles, ainsi que
les explications les plus précises possibles des décisions de Cour dans ce
dossier.
La réponse de
Marie-Claude Lortie:
Mme Marie-Claude
Lortie, journaliste à La Presse, précise que l’origine égyptienne du plaignant
n’a été citée qu’une seule fois dans chacun des articles, sans insistance et
seulement pour indiquer «la crainte de Mme Benoît que ses enfants soient amenés
au loin, dans le pays d’origine de leur père».
Elle rappelle
que M. Diab a eu l’opportunité de donner sa version des faits dans l’article
intitulé «Je ne suis pas un monstre».
C’est sur la
base de «documents judiciaires classés au Palais de Justice», qu’elle a donné
des précisions sur la vie professionnelle du plaignant.
Bien qu’elle
convienne que l’identification d’enfants soit dommageable, elle pense que, dans
ce cas-là, elle est «incontournable» et «ajoutait au reportage une crédibilité
essentielle et une dimension humaine qu’aucun mot n’aurait su transmettre aussi
justement».
Elle fait
remarquer que les propos de Mme Benoît ont été placés dans leur contexte de
conflit conjugal, pour que les lecteurs évaluent correctement la portée des
propos rapportés.
Par ailleurs,
les articles publiés «décrivent amplement les accusations et les jugements
portés contre Mme Benoît». Elle précise ne pas avoir fait preuve de la moindre
complaisance dans cette affaire.
La réponse de
Éric Trottier:
Éric Trottier,
journaliste à La Presse, s’associe à la réponse de Marie-Claude Lortie.
Il tient à
ajouter que les articles publiés sont fondés sur une comparution de Mme Benoît
à la Cour d’appel du Québec, et donc avait un caractère public.
Il indique que
M. Yosri Diab a eu la possibilité de donner son point de vue dans ce dossier et
a pu répondre aux accusations de Mme Benoît.
Il précise n’avoir
jamais insisté sur l’origine du plaignant bien qu’il ait été impossible
d’omettre cette information, puisqu’elle engendre la crainte de Mme Benoît de
voir ses enfants être emmenés en Égypte.
Quant à
l’identification de ses enfants, elle a été autorisée par les parents et, de
plus, M. Diab a fait parvenir au journal la photo de famille publiée le 27 mai
1996.
M. Claude
Masson, vice-président et directeur adjoint de La Presse, endosse entièrement
les réponses de ses journalistes.
La réponse de
Mme Samana Siddiqui:
Elle précise ne
jamais avoir fait mention de l’origine ethnique de M. Diab ou du risque
d’emmener ses enfants en Égypte.
Quant à la
version des faits du plaignant, elle précise avoir eu du mal à le joindre mais
elle a pu communiquer avec son avocate à Montréal qui lui a détaillé l’affaire
et qui lui a demandé de ne pas être identifiée.
Par la suite, M.
Diab n’a jamais retourné l’appel à la journaliste pour communiquer sa version
des faits.
Elle indique que
Mme Benoît a autorisé l’identification des enfants.
Elle peut
comprendre la colère du plaignant mais considère que sa seule erreur est de ne
pas avoir mentionné qu’elle n’avait pu joindre le plaignant.
Analyse
Le choix et le traitement d’un sujet ou d’un événement particulier relèvent du jugement rédactionnel des médias et des professionnels de l’information, lesquels doivent exercer ce jugement en fonction du degré d’intérêt public d’une nouvelle.
Ce faisant, ils doivent cependant livrer une information équilibrée, conforme aux faits et à la réalité, et ne pas être motivés par un parti pris à l’égard des personnes, des groupes et des mouvements.
Partant, après étude des articles et des reportages mis en cause, le Conseil de presse estime que les journalistes n’ont pas contrevenu à ces principes. Le Conseil a pu constater que les principes d’impartialité et d’équité ont été respectés puisque le plaignant a eu la possibilité de donner se version des faits et que les reportages ne sont pas complaisants envers Mme Julie Benoît.
Par ailleurs, aucun blâme n’est retenu pour avoir dévoilé l’identité ethnique du plaignant. Dans le cas présent, cette mention n’est pas jugée discriminatoire puisqu’elle n’a pas été insistante et qu’elle constitue une condition essentielle à la cohérence et à la compréhension de l’information diffusée.
Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte.
Analyse de la décision
- C17A Diffamation