Plaignant
Mme Carol
McKenty
Mis en cause
La Tribune
[Sherbrooke] et M. Mario Goupil (journaliste)
Résumé de la plainte
Le 30 novembre
1996, dans La Tribune, le chroniqueur Mario Goupil rapporte les propos
misogynes et victimisant d’un homme qui s’est vu refusé la garde de sa fille
lors de sa séparation. Le chroniqueur accorde ainsi une tribune publique à
quelqu’un qui cherche à exprimer sa colère, au détriment de son ex-femme et de
sa fille, qui sont nommées dans le texte.
Faits
La plainte
concerne un texte du journaliste Mario Goupil, intitulé «L’équité parentale»,
paru le 30 novembre 1996 dans le quotidien La Tribune de Sherbrooke. L’article
traite de l’insatisfaction de certains pères se voyant refuser en cour la garde
de leurs enfants lors d’une séparation. Mme Carol McKenty reproche à M. Goupil
de s’être adonné à de la désinformation et à du journalisme facile et non
documenté, faisant preuve d’une absence totale de rigueur, un journalisme
partisan, irrespectueux et irresponsable, dans un article qui n’est pas du
journalisme. Le journal La Tribune de Sherbrooke publie la lettre de réaction
de Mme McKenty dans l’opinion du lecteur le 13 janvier 1997.
Griefs du plaignant
Mme Carol
McKenty reproche à M. Mario Goupil:
1. de ne pas
s’être interrogé sur les intentions de l’association à laquelle appartient M.
Rodrigue, ni sur les «incohérences flagrantes de son histoire»; d’avoir prêté
son nom, sa plume et une tribune publique à «un dépit et à une colère haineuse
qu’il ne se borne qu’à nous montrer […] spectacle qui ne nous apprend rien et
qui sent mauvais»; d’avoir fait preuve d’une absence totale de rigueur;
2. d’avoir
pratiqué un journalisme partisan où on ne retrouve aucune critique ou aucun questionnement
du discours «misogyne, autoprotecteur et victimisant de M. Rodrigue»; que
l’esprit «lâchement partisan et accrocheur de cet article est injustifiable
d’un point de vue éthique»;
3. d’avoir
pratiqué un journalisme irrespectueux envers les femmes, mais plus spécialement
envers deux personnes: l’ex-conjointe et la fille de M. Rodrigue qui est
mentionnée nommément;
4. qu’en regard
de l’honnêteté intellectuelle, d’avoir fait preuve d’une irresponsabilité
qu’elle qualifie de «danger social», compte tenu de l’influence des
journalistes sur les masses, irresponsabilité qui demande une sévère
réprimande.
Commentaires du mis en cause
Le mis-en-cause
n’a pas répondu à l’invitation du Conseil à réagir à la plainte formulée par la
plaignante. Le rédacteur en chef de La Tribune, Jacques Pronovost, a toutefois
accepté de répondre à quelques questions par téléphone.
Analyse
Le Conseil de presse rejette la plainte de Mme McKenty en ce qui a trait aux motifs reprochés: désinformation, manque de rigueur, journalisme partisan, irrespectueux et faisant preuve d’irresponsabilité.
Le Conseil est d’avis que le commentaire de M. Goupil n’avait ni la teneur ni la portée que la plaignante leur a prêtées. En effet, située dans son contexte, cette chronique décrivait la situation de certains pères; loin de constituer une incitation publique au mépris envers les femmes et une tribune pour la colère haineuse des hommes, elle constitue une illustration du fait que des pères ressentent également certaines injustices dans le système actuel et que celles-ci doivent être rendues publiques.
De l’avis du Conseil, le présent cas met en relief la notion d’équilibre dans le traitement accordé aux événements par les médias. Si la chronique de Mario Goupil de La Tribune a donné la parole aux hommes exclusivement, nombre de chroniques dans les différents médias québécois donnent volontiers la parole aux femmes sans que cela ne fasse l’objet de plaintes.
Conséquemment, on ne saurait considérer le texte de M. Goupil comme une pratique journalistique douteuse, le Conseil étant d’avis que dans ce cas, M. Goupil s’est acquitté de sa fonction de chroniqueur chargé de transmettre au public un point de vue sur un sujet donné, conformément à sa responsabilité d’informateur public.
Le Conseil de presse retient néanmoins un reproche à l’égard du journaliste: celui d’avoir mentionné inutilement le nom d’une fillette qui n’avait pas à être révélé dans le cadre de cet article.
Enfin, le Conseil rappelle qu’en regard du principe de l’accès du public aux médias, le quotidien La Tribune de Sherbrooke a publié la lettre de Mme McKenty intégralement, lui permettant d’exprimer son point de vue, s’acquittant ainsi convenablement de sa responsabilité à cet égard.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable
- C16B Divulgation de l’identité/photo