Plaignant
Mme Catherine
Blake
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et M. Paul Wells (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Raymond
Brassard (directeur de l’information, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
Le 29 novembre
1997, le journaliste Paul Wells signe dans The Gazette un texte évoquant les
propos entendus au sujet de la Déclaration de Calgary lors d’une conférence sur
l’unité canadienne tenue en Colombie-Britannique. Or, au lieu de rapporter cet
événement de manière impartiale, le journaliste s’en tient à son opinion
personnelle et rédige un article biaisé, en omettant des faits pertinents et en
employant des termes hostiles.
Faits
La plainte
déposée par Mme Catherine Blake concerne un article de M. Paul Wells publié en
première page du quotidien The Gazette le 29 novembre 1997.
Ce texte,
intitulé «Unity panel is no love-in», évoque les propos entendus au sujet de la
Déclaration de Calgary lors d’une conférence sur l’unité canadienne tenue en
Colombie-Britannique.
Griefs du plaignant
Mme Blake
s’élève vivement contre l’article de M. Wells: celui-ci, en tant que reporter
politique, se doit d’être objectif et impartial et de décrire toutes les
facettes d’un même événement, sans chercher à influencer le lecteur.
Au lieu de cela,
M. Wells assène son opinion personnelle, négative qui plus est. De ce fait, il
rédige un article biaisé en omettant des faits pertinents et en employant des
«termes hostiles».
La plaignante
estime donc que le journaliste a mêlé les genres journalistiques: ses propos
auraient dû se trouver dans un éditorial clairement identifié, qui permet au
lecteur de mettre les faits rapportés en perspective.
Commentaires du mis en cause
M. Raymond
Brassard, directeur de l’information:
M. Brassard
indique que, depuis septembre 1997, M. Wells est le chroniqueur chargé de
couvrir la politique nationale.
De ce fait,
l’article incriminé était une chronique d’opinion, identifiée par la présence
de la photographie de son auteur.
Tout en
admettant que la publication d’un texte de cette teneur en première page est
rare à The Gazette, M. Brassard estime que l’utilisation d’une photo, pour
distinguer la chronique de la nouvelle, est une pratique courante.
M.PaulWells:
Le mis-en-cause
confirme qu’il est, à présent, chroniqueur, fait qui a été annoncé aux lecteurs
de The Gazette par une note publiée en première page le 20 septembre 1997.
M. Wells estime
donc qu’il ne peut être soumis à une obligation d’objectivité.
Il reconnaît
néanmoins que la seule présence d’une photographie peut être insuffisante pour
distinguer une chronique d’une nouvelle et laisse au Conseil le soin d’en
décider.
Réplique du plaignant
Mme Blake admet
ne pas avoir été informée du changement de statut du mis-en-cause. Cependant, elle
estime qu’une note publiée deux mois plus tôt était insuffisante pour permettre
au lecteur de connaître la véritable nature du texte incriminé.
De même, le seul
usage d’une photographie ne lui paraît pas être un critère de différenciation
suffisant, dans la mesure où l’article de M. Wells était entouré d’autres
textes ayant la même typographie. Elle cite d’ailleurs un autre exemple où The
Gazette a utilisé ce procédé, provoquant la même confusion.
La plaignante
considère également qu’un événement, aussi digne d’intérêt et controversé que
les discussions relatives à la Déclaration de Calgary, aurait mérité une double
couverture éditoriale, afin de permettre au lecteur d’avoir un point de vue
opposé à celui de M. Wells. Le fait que seul un chroniqueur, et non un
reporter, ait couvert cette conférence nuit à une information complète, estime
Mme Blake.
La plaignante
reproche également à M. Wells de ne pas avoir présenté tous les éléments
d’information nécessaires à une bonne compréhension du débat et de confondre
«calomnies» et «commentaires». Elle considère que les propos du journaliste
sont «inacceptables», que ce soit dans un article de nouvelles ou dans une
chronique.
Analyse
La chronique est un genre journalistique qui laisse à son auteur une grande latitude dans l’expression de ses points de vue et jugements. Il permet au journaliste qui le pratique d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer ses critiques, ce qu’il peut faire dans le style qui lui est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. Le chroniqueur est cependant tenu aux mêmes exigences de rigueur et d’exactitude que tous les professionnels de l’information.
Dans le cas présent, le Conseil de presse n’a pu relever d’entorse à ce principe, que ce soit dans le choix du sujet abordé ou dans le ton et le vocabulaire employés.
De même, le chroniqueur avait la liberté de ne traiter que certains aspects du débat compte tenu du fait que le texte incriminé s’inscrivait dans une continuité journalistique. Le Conseil considère que la chronique de M. Wells respecte l’équilibre et la diversité des points de vue.
Quant à la décision de The Gazette de ne pas compléter la chronique incriminée par un reportage ou un autre texte d’opinion, ceci relève de sa discrétion éditoriale. Le Conseil ne saurait intervenir dans de telles décisions sans s’exposer à devenir un organisme d’orientation de l’information.
En conséquence, le Conseil rejette la plainte déposée par Mme Catherine Blake à l’encontre de The Gazette et de son chroniqueur Paul Wells.
Toutefois, le Conseil ne peut qu’inciter The Gazette à distinguer plus explicitement les genres journalistiques à l’intérieur de ses pages et ce, afin d’éviter toute confusion susceptible d’induire le public en erreur sur la nature de l’information qui lui est livrée.
Si, dans le cas examiné, la seule présence de la photographie de l’auteur permettait à un lecteur régulier d’éviter toute ambiguïté quant à la teneur du texte, elle pouvait s’avérer insuffisante pour un public moins assidu et, partant, provoquer des équivoques.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C20A Identification/confusion des genres