Plaignant
M. Daniel
Macaluso
Mis en cause
TVA [Montréal],
Mme Jocelyne Cazin, M. Alain Laforêt et M. Gaétan Girouard (journalistes)
Représentant du mis en cause
M. Alain
Gazaille (rédacteur en chef délégué, TVA [Montréal]
Résumé de la plainte
Les 13 et 16 janvier
1998, le Réseau TVA diffuse une émission de J.E. en Direct traitant de manière
inexacte et sensationnelle de la hausse du prix des génératrices durant la
crise du verglas, au détriment de la réputation de l’entreprise du plaignant.
En plus de comparer les prix de génératrices qui n’ont pas la même puissance,
les journalistes mis en cause suppriment le témoignage d’un client satisfait et
laissent croire à tort que le plaignant n’offre ni garantie ni service. Une
image de bouée de sauvetage soumise au jeu de l’offre et de la demande accentue
le sensationnalisme des propos du journaliste Gaétan Girouard. De son côté, la
journaliste Jocelyne Cazin attise la haine en disant: «des gens comme eux, on
les tirait».
Faits
La plainte
concerne l’émission J.E. en Direct diffusée par Le réseau TVA le 13 janvier
1998 et rediffusée le 16 janvier 1998. Il y est question de la hausse brutale
des prix de vente de génératrices durant la crise du verglas. Les journalistes
mis en cause ont fait une étude comparative de deux génératrices de marques
différentes et tiré des conclusions aux dépens de l’entreprise de M. Macaluso.
Ce dernier s’est senti lésé par cette émission et a porté plainte.
Griefs du plaignant
M. Macaluso
estime que le sensationnalisme de l’émission et l’inexactitude des informations
ont nui à la renommée de son entreprise.
D’une part, le
plaignant juge inopportune la comparaison d’une génératrice de sa propre marque
avec une génératrice d’une entreprise concurrente. Il estime en effet que les
deux modèles ne sont pas comparables puisqu’ils n’ont pas la même puissance.
D’autre part, il
reproche au journaliste Alain Laforêt d’avoir mis en doute le succès des ventes
du moment: le journaliste a rapporté que M. Macaluso avait affirmé que les
clients «se les arrachaient» mais qu’il n’était pas là pour le constater, alors
que, selon le plaignant, les mis-en-cause ont volontairement supprimé le
témoignage d’un client satisfait qui aurait pu en témoigner.
De plus, le
plaignant accuse les journalistes d’avoir dit faussement que son entreprise
n’offrait ni garantie ni service. Le plaignant trouve en outre que l’image de
la bouée de sauvetage, laissée au jeu de l’offre et de la demande, ne servait
qu’à soutenir et à augmenter le sensationnalisme des propos du journaliste.
M. Macaluso
dénonce les propos haineux exprimés par Mme Cazin dans une des versions: «des
gens comme eux, on les tirait».
Le plaignant
souligne enfin la difficulté d’obtenir des diffuseurs l’admission de leurs
erreurs et une copie de l’enregistrement de l’émission.
Commentaires du mis en cause
Le rédacteur en
chef délégué, Alain Gazaille, répond au nom de l’émission J.E. et des
journalistes.
M. Gazaille
apporte au départ deux précisions au sujet des reportages incriminés: au cours
de la crise du verglas, J.E. en direct et l’émission J.E. ont diffusé des
reportages sur «les profiteurs de verglas»; le cas de M. Macaluso n’a fait
l’objet que d’un segment d’émission de moins de 5 minutes le 13 janvier et
d’environ 2 minutes le 20 janvier.
M. Gazaille
confirme et maintient l’information selon laquelle la comparaison des deux
génératrices portait sur des modèles d’égale puissance.
Il rappelle que
le plaignant a reconnu lui-même avoir profité d’une hausse de la demande pour
augmenter ses prix et ajoute que l’Office de la protection du consommateur a
fait le point quelques semaines plus tard sur des plaintes reçues, notamment en
regard de la vente de génératrices.
De plus, M.
Gazaille ne croit pas que l’émission ait pu jeter un doute sur le fait que «les
gens s’arrachaient les génératrices», pas plus que sur la garantie et la
préparation du service de M. Macaluso.
En outre, il
considère l’image de la veste de sauvetage justifiée pour illustrer un
comportement très courant en période de pénurie.
Enfin, il refuse
de commenter le reproche relatif aux propos haineux de Mme Cazin, considérant
qu’ils n’entrent pas dans le segment d’émission concerné.
Réplique du plaignant
Le plaignant
réaffirme que la comparaison des deux génératrices était faussée, parce qu’il n’y
a pas eu de telle génératrice chez le concurrent John Deere durant la crise du
verglas.
Malgré les
commentaires de M. Gazaille, le plaignant maintient que le ton et l’air
fanfaron du journaliste semblent mettre en doute ses paroles et laisser
entendre qu’il est un menteur. Il ajoute que si cela ne jette pas le doute sur
ses affirmations et sur la garantie, pour lui et beaucoup d’autres
téléspectateurs, cela met en doute les compétences de M. Laforêt en matière de
génératrices.
En ce qui
concerne l’image du naufrage, le plaignant ne voit là pour M. Girouard que la
recherche de popularité.
Enfin, il
maintient sa plainte contre Mme Cazin pour ses propos haineux.
Analyse
La présente plainte porte sur un reportage dont l’entreprise de M. Macaluso a fait l’objet et qui aurait nui à sa réputation. Le premier élément concernait la comparaison de valeur entre deux génératrices, de puissance différente selon le plaignant et identique selon le mis-en-cause. D’où les griefs d’inexactitude, d’iniquité et d’atteinte à la renommée de l’entreprise.
Après examen, il apparaît difficile d’établir clairement que les génératrices comparées sont bel et bien identiques. Mais il apparaît également que la comparaison de prix avec l’entreprise concurrente importe relativement peu dans la circonstance, puisque le téléspectateur pouvait apprécier par lui-même l’ampleur du profit que M. Macaluso réalisait de même que les raisons qu’il invoquait, et la légitimité qu’il croyait avoir pour le faire.
En conséquence, les autres griefs sur le témoignage d’un client satisfait et sur la mention d’une garantie de service apparaissent n’avoir qu’une portée négligeable à l’égard de la réputation de l’entreprise de M. Macaluso.
Le Conseil préfère attribuer au contexte difficile et circonstanciel, l’attitude railleuse et sarcastique observée le 13 janvier chez l’animateur Gaétan Girouard à l’égard de plusieurs invités lors de l’émission. C’est ce qui expliquerait et atténuerait d’autant la portée de la boutade concernant l’image de la bouée de sauvetage laissée au jeu de l’offre et de la demande, objet d’un grief de M. Macaluso.
Par contre, en ce qui a trait au grief de «paroles haineuses» attribuées à Mme Cazin, le Conseil de presse s’étonne que Le réseau TVA n’ait pas accordé d’importance à ces paroles, en choisissant simplement de les considérer comme non pertinentes, puisqu’elles n’ont pas été prononcées dans le segment d’émission concerné.
Les propos reprochés à la journaliste Jocelyne Cazin à l’effet que «des gens comme ça, on les tirait» n’en ont pas moins été tenus dans le cadre de la même émission, en référence directe aux profiteurs du verglas, incluant par voie de conséquence le plaignant.
Bien que ces propos aient été dits à chaud et en direct dans le contexte de la crise du verglas, le Conseil de presse ne voit pas comment il pourrait passer sous silence, et ne pas déplorer, des paroles dont la connotation ne saurait être que haineuse.
Pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil accueille ce dernier grief de la plainte, mais rejette ceux ayant trait à l’inexactitude, l’iniquité et l’atteinte à la renommée de l’entreprise de M. Macaluso.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15I Propos irresponsable