Plaignant
Gestion Roger
Labbé
Représentant du plaignant
M. Gilles R.
Pelletier (avocat)
Mis en cause
Le Messager du
Fort [Chambly] et M. Claude Huart (journaliste)
Représentant du mis en cause
Mme Myriam Nicol
(rédactrice en chef, Le Messager du Fort [Chambly])
Résumé de la plainte
Le 21 mars 1998,
le journaliste Claude Huart du Messager du Fort rapporte la fermeture d’un
commerce à Chambly en accusant faussement le propriétaire de l’immeuble de lui
charger un loyer trop élevé, de lui imposer certaines restrictions et de
demeurer inflexible face aux ententes qui permettraient de le sauver. Son
article ne présente aucun intérêt public. Le plaignant n’ayant pu donner sa
version des faits, la rédactrice en chef du Messager lui accorde un droit de
réplique dans l’édition du 4 avril 1998.
Faits
La plainte concerne
un article publié dans Le Messager du Fort, le 21 mars 1998, et intitulé «Les
difficultés de l’Alchimiste». Cet article fait état d’une cessation d’activités
commerciales dans la région de Chambly. Selon le journaliste, «le propriétaire
de l’immeuble, M. Roger Labbé, bien protégé par un bail de 19 pages, est resté
inflexible en regard d’ententes qui auraient pu sauver l’entreprise», imposant
à la commerçante un loyer trop élevé et des restrictions dans l’utilisation du
local.
Me Pelletier,
qui défend la cause de Gestion Roger Labbé Inc., considère que ces propos sont
inexacts et qu’ils ternissent l’image de son client.
Griefs du plaignant
Les plaignants
considèrent que l’article incriminé contient de grandes faussetés. L’article
aurait été écrit sans obtenir la version des propriétaires de l’immeuble et par
désir de vengeance. Aucune des informations qui y apparaissent – qui sont
fausses – ne sont d’utilité publique et personne ne saurait prétendre les avoir
écrites pas souci d’intérêt public.
Pour toutes ces
raisons, les plaignants considèrent que l’article porte atteinte à leur
réputation. Ils envisageaient de porter l’affaire devant les tribunaux pour
obtenir des dommages exemplaires. Ä la demande de leur avocat, le journal a
souscrit à son droit de réponse et à des conditions de visibilité, et il a
publié leur position le 4 avril 1998 dans un article intitulé «Le cauchemar
d’un propriétaire».
Commentaires du mis en cause
Commentaires de
Myriam Nicol, rédactrice en chef:
Mme Nicol
reconnaît avoir constaté des lacunes dans l’information publiée et avoir
réexaminé les faits. Ä la suite de quoi Le Messager du Fort a publié un second
article, présentant la version de M. Labbé. Pour elle, la publication de ce
nouvel article satisfait à la préoccupation d’objectivité totale de son journal
pour l’information transmise à la population.
Les deux parties
ayant eu une chance égale de s’exprimer, la mise-en-cause considère donc qu’il
n’y a pas lieu d’aller plus loin dans ce dossier.
Commentaires de
Claude Huart, journaliste:
Dans un premier
temps, Le journaliste tente de démontrer que le sujet était bien d’intérêt
public: «depuis les cinq dernières années, des deniers publics ont été investis
dans un projet qui porte actuellement le nom de « Revitalisation de la
Bourgogne, cour de Chambly »». Il explique que celui-ci s’inscrivait dans
une réflexion plus large sur un projet de réhabilitation des commerces à
Chambly et que, sur la rue Bourgogne, les commerces qui essaient de s’y
implanter ferment l’un après l’autre ou font faillite.
D’autre part, le
mis-en-cause tente également de démontrer la mauvaise foi des plaignants. M.
Labbé aurait, entre autres, invoqué une clause contenue dans le bail –
interdisant des activités de restauration dans le local qu’il louait à Mme
Lamontagne – pour accélérer la fermeture du commerce. Le journaliste multiplie
les exemples de la sorte, tel celui d’une affiche annonçant l’ouverture
prochaine d’un resto-terrasse dans ce même local ou cette observation sur la
pellicule de plastique protégeant de la pluie les effets de commerce.
Le journaliste
indique qu’il avait été lui-même témoin à plusieurs reprises des faits
rapportés par Mme Lamontagne et que c’est cette mauvaise foi patente qui
l’avait dissuadé d’obtenir de M. Labbé sa version des faits, la jugeant inutile
dans les circonstances. Pour toutes ces raisons, le mis-en-cause reste
convaincu que M. Labbé, en se posant comme plaignant, a voulu inverser les
rôles.
Le journaliste
admet en même temps, au cours de son commentaire, ne pas avoir respecté
complètement les règles d’éthique professionnelles.
Réplique du plaignant
Les plaignants,
toujours sous la plume de Me Gilles R. Pelletier, font remarquer que Mme Nicol
admet qu’il y ait eu lacune dans l’information. L’avocat tient à préciser que
la publication du second article n’a pas été décidée à la lumière de faits
nouveaux, mais à la suite d’une mise en demeure de publier la version de M.
Labbé.
Reprenant la
thèse du litige de nature strictement privé, l’avocat déplore que le journaliste
s’en soit pris à l’excellente réputation de Mme et M. Labbé sans même leur
demander leur version.
L’avocat des
plaignants souligne l’admission de M. Huart d’un manque de rigueur et de
préjugés quand celui-ci dit qu’il était inutile de recueillir les commentaires
de M. Labbé, car celui-ci aurait nié.
Analyse
Le traitement de l’information relève du jugement rédactionnel des professionnels de l’information qui doivent cependant livrer au public une information exacte et conforme aux faits. Il relève également de leurs responsabilités d’apporter, dans les meilleurs délais, les correctifs nécessaires et adéquats à leurs erreurs afin de rectifier les faits auprès du public.
Dans le présent cas, la rédactrice en chef du Messager du Fort, Mme Nicol, a admis qu’il y avait erreur, et son journal a publié la position des plaignants dans l’édition suivant leur plainte. En ce qui a trait au journaliste, M. Huart, celui-ci reconnaît ne pas avoir donné la parole aux plaignants, ce qui constitue, de l’avis du Conseil, une faute déontologique.
Dans les circonstances, le Conseil de presse estime que l’hebdomadaire Le Messager du Fort ne pouvait faire plus pour réparer, et que la rectification apportée le 4 avril 1998 est suffisamment explicite pour rétablir l’équilibre dans les informations publiées.
En ce qui a trait à l’affirmation des plaignants selon laquelle il s’agissait d’informations privées, le Conseil souscrit aux arguments voulant que cette question s’inscrive davantage dans la saga des commerces qui ouvrent et ferment leurs portes sur la rue Bourgogne à Chambly et qu’elle était donc d’intérêt public.
Pour ces raisons, le Conseil de presse n’accueille la plainte qu’à l’endroit du journaliste Claude Huart.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C12C Absence d’une version des faits