Plaignant
Lise Bernard-Cameron
Mis en cause
Mis_en_cause
Le Guide de Cowansville
(André DeGuire, éditeur)
Résumé de la plainte
Le Guide de Cowansville refuse
de publier la lettre ouverte de Mme Lise Bernard-Cameron, destinée à la
« Tribune libre » du journal.
Cette lettre, intitulée
« notion de bilinguisme », rendait compte de l’agacement de
la plaignante face au comportement de certains anglophones qui refusent de
parler français. La lettre visait, entre autres personnes, un médecin qui avait
demandé à la plaignante de s’adresser à lui en anglais.
Griefs du plaignant
La plaignante reproche
principalement au journal de ne pas avoir publié sa lettre ouverte dans le
courrier des lecteurs du Guide de Cowansville.
Elle considère que le refus du
journal était injustifié: la raison invoquée par le mis-en-cause, selon
laquelle il refusait d’alimenter dans ses pages la polémique concernant le
bilinguisme, ne serait en réalité qu’un prétexte. Elle donne pour preuve la
publication, quelques mois auparavant, de lettres similaires à la sienne dont
certaines avaient pour auteur des anglophones.
La plaignante conclut en
s’interrogeant sur la politique éditoriale du journal, et sur la supposée
liberté de sa « tribune libre « .
Commentaires du mis en cause
Le mis-en-cause tient à préciser le
contexte dans lequel son journal est publié :
– il dessert une communauté
francophone à 70% et anglophone à 30%;
– il consacre quatre de ses pages à
une section anglaise;
– il vit du financement
d’annonceurs à la fois anglophones et francophones, avec qui les relations sont
» empreintes de cordialité et
de respect mutuel « .
Selon le mis-en-cause, la lettre
ouverte de la plaignante visait directement » un médecin spécialiste qui
parle français mais s’exprime plus facilement en anglais « . Le
mis-en-cause précise que ce médecin, dont la présence à Cowansville épargne aux
habitants des déplacements dans les grands centres de soins spécialisés et
réduit leur temps d’attente, offre le service d’une traductrice aux patients
qui le souhaitent.
Pour toutes ces raisons, dont la
lettre de Mme Cameron ne tiendrait aucunement compte, le mis-en-cause considère
que la publication d’une telle lettre aurait pu porter atteinte à la bonne foi
du médecin et ce, même si son nom n’apparaît nulle part, choquer certains
lecteurs et annonceurs, et créer des tensions inutiles entre les deux
communautés linguistiques, comme ce fut le cas en début d’année, par la
publication d’une lettre similaire.
Réplique du plaignant
La plaignante tient à préciser
qu’il existe déjà dans la région un journal presque exclusivement anglophone,
dans lequel la communauté anglophone peut à loisir s’exprimer sur la question
du bilinguisme.
Elle affirme, en outre, ne pas
avoir mis en cause le professionnalisme ni cherché à impliquer personnellement
le médecin dont elle évoquait le comportement dans son article; elle n’en cite
d’ailleurs pas le nom. Elle précise également qu’on ne lui a jamais offert le
service de traduction. Il s’agissait donc, pour la plaignante, de montrer les
différences de traitement auxquelles avaient droit les deux communautés. Elle
ajoute que si on permet aux anglophones d’exprimer leurs revendications
publiquement, il devrait en être de même pour les francophones de la région.
La plaignante s’étonne également
que le mis-en-cause, apparemment soucieux de ses relations avec ses annonceurs
anglophones et francophones, ait pourtant » largement couvert et publié
les accusations d’épuration ethnique portées à l’encontre de l’Office de la
langue française (OLF), par l’organisme CANADA ONE « , une semaine après
avoir refusé de publier sa lettre. Selon la plaignante, Le Guide de
Cowansville n’aurait cessé de publier les lettres de lecteurs anglophones
qu’après qu’elle ait porté plainte auprès du Conseil de presse.
Pour toutes ces raisons, Mme
Cameron maintient sa plainte.
Analyse
Le Conseil de presse a déjà précisé, relativement au courrier des lecteurs, que la décision de publier ou non les lettres ouvertes relève de la prérogative de l’éditeur et que nul ne peut prétendre avoir accès de plein droit à l’espace réservé à cette fin.
Si les médias doivent favoriser l’expression du plus grand nombre possible de points de vue, ils sont également responsables de tout ce qu’ils publient. Ils doivent par conséquent demeurer libres de déterminer si les propos et les textes qui leur sont soumis sont susceptibles de discréditer gratuitement les personnes, les groupes ou les instances dont il est question dans les textes.
En regard de ces principes, le Conseil est d’avis que Le Guide de Cowansville était libre, dans le cas présent, de refuser de publier la lettre ouverte de la plaignante. De ce fait, la plainte est rejetée.
Le Conseil note cependant que la pratique du journal en regard du courrier des lecteurs ne semble pas très claire. La déontologie du Conseil dit pourtant: » Il importe que les médias se donnent des normes de publication des lettres ouvertes, documents, communiqués et opinions qui leur parviennent du public: « Les médias doivent les faire connaître. »
Même si la décision de publier ou non une lettre ouverte appartient en propre au journal et à son éditeur, Le Guide de Cowansville aurait tout avantage à pratiquer plus de transparence à ce sujet, en informant ses lecteurs de sa ligne éditoriale et des changements qu’il est en droit de lui faire subir.
Le Conseil tient également à rappeler au Guide de Cowansville que les médias d’information doivent favoriser dans leurs pages une diversité de points de vue.
Analyse de la décision
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