Plaignant
Roger Martin, Raynald Martin,
Constant Roy
Mis en cause
Manon Samson, rédactrice en chef et
La Nouvelle et L’Union (Michel Gauthier, directeur général)
Résumé de la plainte
Les plaignants, Roger Martin,
Raynald Martin et Constant Roy, estiment que durant les sept dernières années,
ils ont eu à subir divers préjudices » émanant » de la rédaction des
journaux La Nouvelle et L’Union. Ils soupçonnent leur direction
d’être assujettie au pouvoir municipal de la région de Victoriaville.
Griefs du plaignant
Les trois cosignataires soutiennent
que les dernières actions des mis-en-cause viendraient confirmer concrètement
que la rédaction des journaux La Nouvelle et L’Union est «
fortement liée aux tenants du pouvoir local « .
En guise d’argumentation, les
plaignants font un récapitulatif des irrégularités de la chronique
« Opinion des lecteurs « , et ils reprochent à la rédaction :
d’avoir publié leur lettre d’opinion une semaine plus
tard que prévu, malgré un espace suffisant;
d’avoir tronqué la lettre de telle sorte qu’elle perd
ainsi une bonne partie de sa signification;
d’avoir changé le titre pour un autre qui ne reflétait
en rien la teneur de la lettre.
Cette lettre avait pour but de
dénoncer les » agirs » et les écrits de M. Claude Raymond, ancien
journaliste du journal La Nouvelle, personne impliquée dans le domaine
politique de la région de Victoriaville et ancien échevin de la municipalité
d’Arthabaska.
Un des plaignants, M. Constant Roy,
fait parvenir un complément d’informations où il relate divers faits visant à
démontrer une complicité entre le journal et le pouvoir :
l’absence d’éditorial : il s’agirait d’un refus de
s’impliquer, afin de ne pas déplaire à la « clique dirigeante locale
» dont certains » bons amis » sont des gros annonceurs
publicitaires;
une lettre publiée dans la chronique » Opinion des
lecteurs » du 21 août 1996 portant préjudice à M. Raynald Martin. Les
coordonnées de l’auteur, M. Rolland Picard, sont « par hasard et
malencontreusement disparues « . Ce qui fait dire au plaignant que cette
personne est « un illustre inconnu, un pseudonyme sans adresse connue
et vérifiable « .
Le plaignant ajoute que le
mouvement de censure adopté par les hebdos tend à s’étendre à la municipalité
qui s’apprête à bâillonner par règlement les citoyens, durant les périodes de
questions, lors des séances du Conseil municipal. Il reproche enfin aux deux
médias de leur imposer la censure, alors qu’eux-mêmes ne transmettent que le
minimum d’informations.
Commentaires du mis en cause
Commentaires conjoints : Manon
Samson, rédactrice en chef et Michel Gauthier, directeur général :
Dans un premier temps, les
mis-en-cause rappellent qu’ils demeurent responsables du contenu rédactionnel
de leurs hebdos et s’étonnent de cette plainte qu’ils considèrent injustifiée
et injustifiable. Ce ne serait pas la première fois que les plaignants portent
des accusations sans fondement sur leurs agissements.
En ce qui a trait aux soupçons à
l’effet que la rédaction soit » fortement liée aux tenants du pouvoir
« , ils affirment avoir toujours fait état des travaux ou des décisions
politiques du conseil de la région de Victoriaville, en donnant la réplique à
ceux qui s’y opposent; et notamment en mentionnant la création d’un comité de
citoyens, dont est membre un des plaignants, et ses opinions ou ses critiques
envers le conseil municipal.
Concernant la lettre publiée dans
» Opinion des lecteurs « , la rédaction considérait les propos
tendancieux, voire diffamatoires. C’est pour cette raison qu’elle a jugé
nécessaire de l’abréger et de la coiffer d’un titre plus approprié. Pour ce qui
est des délais de publication, les mis-en-cause expliquent que tout en
respectant toujours le même pourcentage d’espace publicitaire par rapport à
l’espace réservé à la rédaction (80/20), c’est l’entrée du matériel publicitaire
qui vient finalement déterminer le nombre de pages.
Ils ajoutent qu’un bloc » info
» est également publié de temps à autre, en page 6, pour exposer certaines
règles du journal relatives à cette rubrique d’opinion : » … La
direction du journal ne s’engage pas à publier toutes les lettres reçues, ni à
les publier en entier… »
Le directeur général, Michel
Gauthier, reconnaît qu’excédé par les attaques incessantes » des trois
compères « , il a finalement donné l’ordre de ne plus publier de lettre de
l’un ou l’autre des trois signataires.
Enfin, la rédaction croit que la
rubrique des opinions a sa juste place dans le journal. Cependant, la rédaction
» a un devoir inviolable par rapport aux textes qu’elle publie, et une
responsabilité quant à leur contenu « .
Complément aux commentaires, Manon
Samson, rédactrice en chef :
Manon Samson croit que les
plaignants ont eu très souvent et très régulièrement le droit de parole. Pour
ce qui est des coordonnées de la lettre d’opinion de M. Rolland Picard, la
mis-en-cause affirme : » nous avons réagi au moment où il le fallait, – à
l’été 1996 -, et réglé cette affaire, comme il le fallait.
Enfin, concernant le projet de la
ville de réglementer la période de question et les réactions de Constant Roy à
ce sujet, elle réaffirme que journal et conseil municipal ne sont aucunement
liés, et qu’il s’agit d’un autre bel exemple de paranoïa.
Complément aux commentaires, Michel
Gauthier, directeur général :
M. Gauthier affirme qu’il n’a aucun
doute du professionnalisme et de l’objectivité dont fait preuve son équipe
rédactionnelle. Il ajoute qu’il ne s’immisce d’aucune façon dans les décisions
quotidiennes du personnel rédactionnel de ses journaux afin de sauvegarder son
impartialité auprès des différents intervenants du marché qu’ils desservent.
Ensuite, il vient appuyer la
rédactrice en chef en affirmant : » Messieurs Roy et Martin ont
constamment abusé de la bienveillance de nos journalistes et ont profité de
l’espace disponible dans nos journaux plus que tout autre individu ou groupe de
la région à tel point que certains nous ont demandé ce qu’il fallait faire pour
obtenir une telle couverture « .
Concernant la lettre d’opinion de
M. Rolland Picard, cette lettre n’a pas été remise aux gens qui la demandaient,
mais détruite à ce moment. Il mentionne également que depuis cet incident, les
lettres d’opinion sont conservées pendant une année complète.
Au sujet de la publication d’un
éditorial, M. Gauthier est d’avis qu’il en revient à l’équipe d’en décider.
Réplique du plaignant
Les plaignants reprennent point par
point les commentaires des mis-en-cause. Ils affirment :
Nous n’avons jamais mis en doute la qualité
professionnelle du travail des journalistes-reporters qui écrivent de manière
objective, ce que nous déplorons, c’est l’absence de prise de position par
l’éditrice en chef; il n’y a pas de page éditoriale depuis deux ans, jamais le
journal ne se » baigne » dans les dossiers cruciaux pour conserver sa
neutralité envers ses généreux et puissants commanditaires qui en permettent la
distribution gratuite.
Ce sont les mêmes bailleurs de fonds pour nos
marionnettes politiques que pour le contenu publicitaire payant du journal.
M. Raynald Martin admet avoir
interpellé les journalistes sur certains sujets à caractère historique, mais il
affirme que jamais ses deux collègues n’ont manqué de respect envers les
journalistes.
La lettre abrégée, coupée de son introduction, de sa
conclusion, de son titre et d’un autre paragraphe révélateur sur M. Claude
Raymond : l’action du journal reflète bien leur fort lien avec les tenants du
pouvoir.
Concernant le » bloc info « , en 1998, cette
notice a été affichée dans le journal à deux occasions : le 22 mars et le 9
août. Les plaignants se demandent si on l’affiche seulement « quand
ça chauffe « . Si on ne publie pas une lettre ou si on la coupe, on devrait
en aviser l’auteur et obtenir son consentement sur les coupures.
Revenant sur la lettre de Rolland Picard, les
plaignants ajoutent que la direction du journal a une politique de deux poids,
deux mesures quant à la diffamation.
Les plaignants poursuivent leurs
observations sur le commentaire, la critique et les questions des simples
citoyens dans les journaux. Ils invitent notamment le directeur du journal à
les aviser personnellement s’il ne veut plus rien savoir des trois signataires,
ce qui d’ailleurs démontre bien sa connivence avec le pouvoir. Ils contestent
la responsabilité du journal sur les lettres des lecteurs, ils en dénoncent la
censure subjective et accusent le rédacteur en chef de traiter de
« frustrés » tous les opposants du pouvoir.
Ils ajoutent que la plupart de
leurs écrits étaient le résultat de travaux de comités de citoyens et c’est à
titre de porte-parole officiels qu’ils ont écrit dans la chronique du journal.
L’argumentation visant à démontrer la partialité du directeur, l’absence
d’éditorial et le fait que les trois signataires seraient » bâillonnés
» est nourrie de réflexions, d’exemples et d’accusations.
En conclusion, messieurs Martin et
Roy déplorent que la direction du journal n’ait pas cherché à expliquer ses
gestes, mais ait plutôt cherché à les attaquer et à les discréditer.
Analyse
Comme il l’a maintes fois mentionné, le Conseil de presse rappelle que nul ne peut prétendre avoir accès de plein droit aux pages d’un journal. La jurisprudence du Conseil relative au courrier des lecteurs précise que la décision de publier ou non les lettres ouvertes et les textes d’opinion visant à protester ou à émettre une opinion, ainsi que sur le contenu d’articles ou d’autres lettres précédemment parus, relève de la prérogative de l’éditeur.
Les plaignants reprochaient à la direction des deux journaux mis en cause sa complicité avec des bailleurs de fonds et des élus municipaux de Victoriaville. Ils fondaient leur démonstration sur des pratiques contraires à l’éthique journalistique dans la gestion de la chronique d’opinions des journaux et sur certains signes de complicité entre pouvoir municipal et journaux.
Après examen des reproches formulés, le Conseil fait observer que le journal était libre de modifier la lettre du plaignant tel qu’il l’a fait. En rayant la partie discutable il a agi pour le mieux, évitant ainsi de la retenir et de ne pas la publier. Il satisfaisait de cette manière aux principes de coresponsabilité d’un éditeur pour ce genre d’écrits. En ce qui a trait à la lettre de M. Rolland Picard, le Conseil de presse ne pourrait, sans donner dans le procès d’intention, douter des explications tout à fait vraisemblables de la direction des deux journaux.
Tout en observant que les journaux mis en cause ont une politique concernant les chroniques des lecteurs, le Conseil ne peut cependant qu’inviter l’éditeur à la rappeler régulièrement dans ses pages afin d’éviter les quiproquos.
En regard de la politique d’information des journaux, le Conseil tient à rappeler que l’éditeur a la prérogative de publier ou non une page éditoriale.
Enfin, en ce qui a trait à la connivence dénoncée par les plaignants, le Conseil ne peut, sur la base des arguments soumis par les plaignants, conclure à une quelconque complicité entre les journaux et le pouvoir local.
Dans son examen, le Conseil a également pris en compte le fait que les plaignants ont eu accès, à maintes reprises par le passé, aux pages des journaux en cause. Aussi le Conseil invite-t-il ces médias à maintenir la même attitude d’ouverture d’esprit envers les plaignants.
Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte contre les journaux La Nouvelle et L’Union et contre leur direction.
Analyse de la décision
- C02B Moment de publication/diffusion
- C02D Boycottage
- C02F Création/retrait de rubriques/d’émissions
- C03C Sélection des faits rapportés
- C04C Identification de l’auteur
- C06D Ingérence extérieure dans la rédaction
- C06G Ingérence de la direction du média
- C08A Choix des textes
- C08B Modification des textes
- C08C Délai de publication
- C08D Identification des textes
- C08F Tribune réservée aux lecteurs
- C08G Lettres anonymes
- C08H Lettres diffamatoires
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C17F Rapprochement tendancieux
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux
- C22C Intérêts financiers
- C22D Engagement social
- C22F Liens personnels