Plaignant
Claude Doyon
Mis en cause
Jacynthe Beauregard, rédactrice en
chef de Coup de Pouce, et Les Éditions Télémédia Inc. (Michèle Cyr,
présidente)
Résumé de la plainte
En juin 1997, le magazine Coup
de Pouce lance un concours de mannequins. Dans son numéro d’octobre 1997,
le magazine publie un article sur les trois gagnantes du concours, dont l’une
omet de mentionner à la journaliste qu’elle a entretenu une relation avec le
plaignant; ce dernier demande réparation.
Griefs du plaignant
Le plaignant rappelle le contexte
qui entoure sa plainte : la relation amoureuse qu’il entretenait avec sa
collègue de travail, Mme Dominique Lesage, était connue de tous dans leur
milieu professionnel. C’est pourquoi, selon le plaignant, le fait que sa
compagne ait omis de mentionner lors de l’interview sa relation avec lui, a
porté atteinte à sa vie privée.
Aussi le plaignant aurait-t-il
tenté d’intervenir :
– avant la publication du texte, en
appelant à deux reprises la rédactrice en chef et en lui expliquant ses
appréhensions quant à la publication d’un tel article. Malgré l’intervention en
ce sens de son ex-compagne auprès de la journaliste, le plaignant se serait
heurté à un refus de la part de la rédactrice en chef;
– après publication, pour obtenir
un correctif et des excuses de la part de la mise-en-cause. Malgré l’appui de
Mme Lesage, le plaignant se serait de nouveau heurté à l’incompréhension de la
mise-en-cause.
Après avoir en vain reformulé par
lettre sa requête auprès de la mise-en-cause, le plaignant se serait alors
adressé à Mme Cyr, vice-présidente exécutive des Éditions Télémédia Inc, «
afin d’obtenir des explications et des excuses « . Le plaignant considère
que la lettre de réponse tardive de Mme Cyr n’explique en rien le comportement
de Mme Beauregard.
Commentaires du mis en cause
Dorine Perron, conseillère
juridique de Télémédia Communications Inc, répond aux reproches du plaignant,
au nom de Mmes Beauregard et Cyr.
Selon elle, la plainte de M. Doyon
serait irrecevable puisqu’elle aurait été soumise au Conseil plus de six mois
après la publication de l’article incriminé.
Mme Perron apporte cependant les
commentaires des Éditions Télémédia Inc :
– Elle rappelle le contexte
précédant la publication de l’article, en précisant que c’est la compagne du
plaignant qui a spécifié à la journaliste lors de l’interview son statut de
mère divorcée. Lorsque Mme Lesage a voulu apporter des modifications au texte,
la journaliste lui aurait expliqué que les maquettes étant déjà finalisées,
aucune modification ne pouvait être effectuée. Mme Lesage n’aurait pas insisté outre
mesure.
Le plaignant aurait alors appelé la
rédactrice en chef, Mme Beauregard, qui aurait invoqué des impératifs de temps
pour motiver son refus de modifier le texte. La mise-en-cause aurait précisé au
plaignant que la fiche signalétique de sa compagne se bornerait à dire qu’elle
est divorcée. Mme Beauregard nie ne pas avoir retourné les appels du plaignant
et l’avoir traité avec désinvolture.
Mme Perron confirme que le magazine
a alors tenté de joindre Mme Lesage, dans le but unique de l’informer des
démarches du plaignant. Cette dernière n’aurait pu être jointe.
– Concernant l’article lui-même,
Mme Perron estime que les mises-en-cause ont fait un travail journalistique
sérieux, livrant au public une information exacte. Et si des modifications
n’ont pu être apportées avant publication, faute de temps, la mise-en-cause
rappelle que l’article incriminé se bornait à préciser le statut matrimonial de
Mme Lesage – celle d’une mère divorcée – sans préciser si elle vivait seule ou
non. En outre, la mise-en-cause précise que pour les deux autres gagnantes du
concours, aucun nom de conjoint n’était cité dans l’article, ce qui explique
que le magazine n’ait pas apporté de rectificatif.
Mme Perron conclut en rappelant que
selon elle, la rédactrice en chef du magazine n’a pas dérogé à ses obligations
: l’information publiée était exacte et émanait d’une source fiable. Le droit
du plaignant à être respecté dans sa vie privée n’aurait pas été enfreint, pas
plus que celui du public à être informé correctement.
Réplique du plaignant
Le plaignant explique le retard
dans le dépôt de sa plainte par le fait que les mises-en-cause n’auraient
répondu que très tardivement à ses coups de téléphone et à ses courriers. Il
rappelle également que l’argument de prescription pourrait tout autant
s’appliquer aux commentaires des mises-en-cause, parvenus au Conseil au-delà du
délai imparti.
Le plaignant tient à corriger
certaines affirmations des mises-en-cause qu’il juge erronées :
– Il n’aurait pas appelé la
rédactrice en chef pour réitérer la demande de sa compagne, mais plutôt pour
voir l’article en question, ce qu’il considère lui avoir été refusé puisque sa
requête est restée sans réponse. Il tenait également à préciser à la
mise-en-cause le contexte professionnel de sa relation avec Mme Lesage pour
expliquer ses appréhensions quant à la publication d’un tel article, car sa
compagne avait confié à plusieurs de leurs collègues de travail leurs
difficultés de couple.
– Le plaignant affirme que Mme
Beauregard n’a jamais retourné ses appels, pas plus qu’elle n’a répondu à sa
requête de recevoir copie de l’article concernant sa compagne. Il maintient que
la mise-en-cause l’a traité avec désinvolture : le plaignant explique que la
mise-en-cause aurait insisté pour connaître les motifs de sa demande tout en
affirmant que cela ne le concernait pas.
– Le plaignant regrette que la
mise-en-cause n’ait pas tenté de le contacter lorsqu’elle n’a pu joindre sa
compagne. Il affirme qu’il aurait pu les mettre en contact, et précise que ce
n’est pas Mme Beauregard qui a tenté de joindre sa compagne, mais Mme Coulombe,
à qui la mise-en-cause aurait délégué la tâche.
– Le plaignant considère que
Télémédia a fait un travail journalistique bâclé, en privilégiant les
impératifs du temps aux dépens du respect de sa vie privée et de sa personne.
Analyse
M. Claude Doyon soutient que l’article du magazine Coup de pouce, présentant les gagnantes d’un concours de mannequins, porte atteinte à sa vie privée. L’une des gagnantes du concours, Mme Dominique Lesage, qui s’avère être son ex-conjointe, aurait omis de faire mention de leur relation dans cet article.
Or, après avoir examiné les éléments du dossier soumis à son attention, le Conseil de presse en vient à la conclusion que la plainte n’est pas fondée :
– l’objectif du concours et de l’article de la revue Coup de pouce apparaît clair : présenter brièvement et sobrement chacune des trois gagnantes, sans faire grand étalage de leur vie personnelle,
– aucune des femmes interviewées ne fait référence à son conjoint ou ex-conjoint; tel n’est pas l’objet du reportage,
– madame Lesage avait, tout comme les deux autres lauréates, la totale liberté de choisir de dévoiler les facettes de sa vie qu’elle voulait bien, compte tenu que l’article portait spécifiquement sur elle-même,
– le plaignant a demandé à voir les textes de l’article avant que celui-ci ne soit publié. Une telle demande va à l’encontre de l’autonomie des entreprises de presse et au libre exercice du journalisme,
– le Conseil ne voit pas comment ou en quoi l’absence de mention de sa relation avec Mme Lesage aurait pu de quelque manière porter atteinte à la vie privée du plaignant.
Pour ces raisons donc, le Conseil de presse ne peut conclure à quelque faute déontologique dans ce cas et rejette la plainte contre le magazine Coup de pouce.
Analyse de la décision
- C08 Traitement des contributions du public
- C12 Équilibre de l’information
- C19 Rectification de l’information
- C23 Cueillette de l’information