Plaignant
Michel Gagné
Mis en cause
Isabelle Hachey,
journaliste, et La Presse (Claude Masson, vice- président et éditeur
adjoint)
Résumé de la plainte
Michel Gagné, avocat, et ancien
maire de la ville de Boisbriand, porte plainte contre
la journaliste Isabelle Hachey et le journal La
Presse suite à un article paru le mardi 23 mars 1999 et intitulé
« Boisbriand – un avocat blanchi dans une
affaire électorale « .
L’article traitait principalement
du rejet des poursuites intentées contre l’avocat Michel Déziel
par le Directeur général des élections du Québec (DGE). En rapportant ce cas,
la journaliste a étendu son sujet à la façon dont le Conseil municipal de
Boisbriand attribue ses mandats de service juridique à des
avocats ayant participé aux campagnes politiques du parti vainqueur. Elle a
établi un parallèle entre les élections de 1994 et celles de 1998. Isabelle
Hachey a été également amenée à reparler de la condamnation
en 1997 de Me Gagné pour abus de confiance.
Lors de son parallèle, la
journaliste a notamment utilisé l’expression » l’histoire se répète
« , associant clairement les agissements de la personne dont traitait
l’article et ceux de messieurs Gagné père et fils; le premier est cité en tant
que maire, le second en tant que responsable de certains mandats juridiques et
acteur central de la condamnation de son père.
Griefs du plaignant
Michel Gagné accable de reproches
la journaliste. Tout d’abord, il n’accepte pas que son nom soit cité » pour
cautionner ou angéliser la cause et les problèmes de quelqu’un d’autre « .
Ensuite, il réfute une affirmation de l’article selon laquelle il aurait «
fait pression sur des fonctionnaires de la Ville pour qu’ils modifient le
zonage de terrains situés dans une zone inondable « . Enfin, il attire
l’attention sur le fait que son dossier d’accusation se trouve devant la Cour
d’appel.
Par ailleurs, il emploie un certain
nombre de formules extrêmement critiques à l’endroit de La Presse et de
sa journaliste visant à dénoncer le caractère excessif, peu rigoureux et
partial de l’article: » abus de pouvoir « , » persécution
« , » harcèlement vindicatif et bas « , » partialité
harcelante « .
Le plaignant fait également valoir
le fait qu’il n’est plus un personnage public et que l’on porte atteinte à sa
vie privée en ressassant son passé juridique et en l’accusant d’une faute qu’il
n’a pas commise.
Commentaires du mis en cause
Commentaires d’Isabelle Hachey, approuvés par
le vice-président et éditeur adjoint de La Presse:
Isabelle Hachey
n’accepte pas les griefs qui lui sont adressés. Elle maintient ses propos en
assurant que » les faits rapportés dans cet article sont véridiques et
pertinents « . Le jugement rendu par le juge Valmont Beaulieu de la Cour du
Québec, le 26 mai 1997 est cité comme référence ayant servi à l’élaboration de
l’article. Alors que le plaignant l’accuse de fausse affirmation quant aux
pressions qu’il aurait exercées sur les fonctionnaires pour le changement de
zonage, elle réplique par une citation du juge qui dit: » hors de
tout doute raisonnable, alors qu’il était maire de Boisbriand,
Michel Gagné a fait pression sur des fonctionnaires de la Ville afin de
favoriser l’émission des permis de construction et d’installation de service
d’égout et d’aqueduc sur les terrains achetés par son fils, Jean-François Gagné
« .
Isabelle Hachey
répond de l’accusation de persécution en expliquant que c’est la première fois
qu’elle fait mention de Michel Gagné dans un de ses articles. En ce qui
concerne le journal La Presse, la journaliste oppose à la persécution le
suivi nécessaire d’une affaire. Selon elle, l’argument de Michel Gagné qui
consistait à dire que son dossier était devant la Cour d’appel n’implique pas
que l’on taise le jugement en première instance. L’intérêt public de l’article
est avancé en réponse à la demande de respect de la vie privée du plaignant.
Au delà du jugement, d’autres
sources d’information sont citées pour justifier l’angle de traitement du
sujet:
un
article paru dans La Voix des Milles-Îles le
4 novembre 1998 où Michel Gagné est cité comme un des participants d’une
fête organisée par le parti Solidarité Boisbriand
le soir de sa victoire. L’article mentionnait même, selon la
mise-en-cause, que Michel Gagné était
« l’organisateur du parti « ;
le
témoignage de plusieurs personnes ayant vu Michel Gagné faire du porte à
porte au moment de la campagne électorale;
trois
articles de Jean-Paul Charbonneau dans La Presse publiés les 28
août, 8 septembre et 1er novembre 1998 dans lesquels il est
mentionné que certains membres de Solidarité Boisbriand
étaient d’anciens collaborateurs de Michel Gagné;
une
injonction contre Jean-François Gagné intentée par le cabinet
Dunton Rainville, son
employeur qui mentionne que celui-là » s’est impliqué activement dans
la campagne électorale de l’un des partis en lice « .
Réplique du plaignant
Le plaignant revient dans sa
réplique sur la partie de l’article qui traite de sa condamnation. Il considère
que la journaliste lui donne raison en mentionnant que le juge ne se prononce
pas sur le respect des règlements municipaux. Il justifie également le fait
qu’il ne porte plainte que contre l’article de la journaliste et non pas sur
l’ensemble des articles de La Presse qui traitent de lui en avançant
l’idée qu’Isabelle Hachey a dévié de son sujet. Il
joint deux articles de La Presse:
«
Michel Gagné coupable d’abus de confiance « : article de
Jean-Paul Charbonneau du 27-05-97.
«
Peine sévère pour l’ex-maire de Boisbriand
« , article publié le 02-08-97.
Michel Gagné commente à nouveau
l’article en essayant d’expliquer qu’il y a une grande différence entre la
position de Me Déziel et celle de Me Jean-François
Gagnéalors que la journaliste les a mis sur le même plan. Le premier
serait l’organisateur de plusieurs campagnes électorales, le second ne serait
qu’un citoyen de Boisbriand. Il fournit d’ailleurs
trois articles de journaux régionaux où Me Déziel est
présenté comme organisateur de campagne pour diverses personnes.
Par ailleurs, il s’insurge contre
les commentaires de la journaliste lorsqu’elle veut démontrer qu’il a participé
à la campagne électorale, en mentionnant qu’il souffre de handicaps physiques
sérieux.
Enfin, sur son implication au sein
du parti Solidarité Boisbriand, Michel Gagné avoue
être proche de ses membres, étant lui-même le fondateur mais son attitude
aurait été seulement de laisser sa porte ouverte pour la consultation et de
« supporter moralement et amicalement monsieur Frégeau ».
Appui par Jean-François Gagné, fils du plaignant cité dans l’article
mis-en-cause:
Jean-François Gagné souhaite
attirer l’attention sur certains oublis de l’article. Il fait d’une part
remarquer qu’il n’est pas le seul propriétaire des terrains dont il est fait
mention. D’autre part, il précise que jamais il n’a sollicité de permis de
construction alors qu’il était propriétaire des terrains. Et enfin, il n’aurait
pas hérité de tous les mandats juridiques de la Ville mais de seulement une
partie. Il soutient le plaignant sur la plupart des griefs reprochés à la
journaliste. Il considère les propos de Mme Hachey
comme une » interprétation erronée du jugement et des accusations contre
[son] père malicieusement colportées par des individus malveillants et dans
l’intention de nuire […] ».
Me Jean-François Gagné se plaint
par ailleurs d’un certain nombre de propos de Mme Hachey
qui représentent certes une justification de son article mais qui n’ont pas
donné lieu à publication. Par conséquent, ces considérations ne sauraient être
interprétées comme de nouveaux griefs.
Analyse
L’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Dans la plainte soumise au Conseil de presse par l’ex-maire de Boisbriand, Me Gagné, à propos d’un article d’Isabelle Hachey, publié dans La Presse le 23 mars 1999, il apparaît que le traitement critique qui a consisté à mettre en parallèle différentes affaires a eu pour seul but d’éclairer les lecteurs. L’article de Mme Hachey se base sur des faits.
Malgré le bien-fondé de cet article, il est à noter que la journaliste a fait preuve d’imprécisions qui, sans toutefois nuire à la compréhension de la situation, n’en sont pas moins déplorables :
la première imprécision concerne le fils du plaignant, Jean-François Gagné, au sujet duquel le texte omet de mentionner qu’il n’est pas l’unique propriétaire des terrains au cœur de la condamnation de son père.
la seconde imprécision a trait au jugement rendu contre Me Gagné; l’article faisant mention d’un changement de zonage, ce qui ne correspond pas exactement au libellé de la décision de la Cour.
De l’avis du Conseil, une meilleure vérification des faits aurait pu éviter de telles imprécisions.
Cependant, les griefs portés contre la journaliste en regard de la partialité, et de l’atteinte volontaire à l’image ne résistent pas à l’analyse. Si le rôle de la presse est mal perçu quelquefois, il ne saurait se limiter au compte rendu de décisions judiciaires sans mise en perspective des faits dans le temps et le contexte d’une affaire.
Pour toutes ces raisons, le Conseil de presse rejette sur le fond la présente plainte, mais retient en revanche le grief ayant trait à un manque de vérification à l’origine d’imprécisions observées dans l’article de La Presse.
Analyse de la décision
- C17H Procès par les médias