Plaignant
Sylvain Paquette de Carrefour
intervention suicide
Mis en cause
Jacques Pronovost, éditorialiste et
La Tribune (Raymond Tardif, président et éditeur)
Résumé de la plainte
Sylvain Paquette porte plainte
contre Jacques Pronovost pour son éditorial intitulé « La
collaboration des organismes communautaires », paru le samedi 26 juin
1999, dans La Tribune de Sherbrooke. L’éditorial faisait suite à la
décision de La Régie régionale de la santé et des services sociaux de ne pas
renouveler sa subvention annuelle à l’association Carrefour intervention
suicide.
Griefs du plaignant
Sylvain Paquette accuse Jacques
Pronovost d’avoir réalisé « un éditorial partisan et
diffamatoire ». Le journaliste ne se serait pas renseigné sur le
phénomène qu’il a voulu dénoncer : le manque de collaboration entre les
organismes communautaires. Jacques Pronovost aurait « endossé […] la
position de la Régie régionale ». Le plaignant compare le travail de
l’éditorialiste à celui du journaliste Steve Bergeron. Ce dernier aurait
réalisé un article dans la même édition du quotidien mais en rapportant à la
fois le point de vue de la Régie régionale et celui de l’association après les
avoir rencontrées.
Sylvain Paquette mentionne
l’existence d’une lettre ouverte de Carrefour intervention suicide parue
quelques mois auparavant dans laquelle l’association
« épinglait » selon les termes du plaignant un article de
M. Pronovost, jugé « tendancieux » et intitulé
« À l’aide ».Le plaignant croit voir dans l’éditorial
mis en cause « l’expression du narcissisme blessé qui cherche
réparation ».
En conclusion, Sylvain Paquette
affirme qu’ » en publiant un tel article au moment même où [leur]
organisation doit se tourner vers la population pour obtenir un appui financier
et moral, Jacques Pronovost a manqué à ses devoirs de journaliste ».
Commentaires du mis en cause
Selon Raymond Tardif, président et
éditeur de La Tribune, « le rôle de l’éditorialiste [était] de
dégager une opinion franche sur un sujet aussi préoccupant pour la population
estrienne en fonction de ses connaissances et des informations qu’il a pu
recueillir, par la lecture des articles parus sur la problématique et par les
contacts qu’il possède ».
Raymond Tardif fait valoir que
l’éditorialiste a été associé au Regroupement des organismes en santé mentale
de l’Estrie, à un organisme d’aide aux personnes démunies et à une maison
d’aide aux femmes violentées; selon le président et éditeur de La Tribune,
ces liens lui « permettent d’avoir une vision éclairée sur les
différentes problématiques sociales ». Il reconnaît que Jacques
Pronovost a « eu accès directement aux responsables de la Régie
régionale de la santé et des services sociaux », ce qui, selon lui,
apparaît être: « de nature à compléter l’information
nécessaire ».
Concernant l’article « À
l’aide » évoqué par le plaignant, Raymond Tardif explique que Jacques
Pronovost n’avait pas critiqué l’association Carrefour intervention suicide;
« il relatait […] les nombreuses démarches qu’il avait faites auprès
de différents organismes d’aide contre le suicide […] et expliquait alors les
difficultés rencontrées […] et [avait] omis de contacter Carrefour intervention
suicide ».
Enfin, l’éditeur du journal fait
valoir que « dans la presque totalité des situations de suicide ou
des dossiers présentant cette problématique, La Tribune, sous la
gouverne de son rédacteur en chef, a fait place aux commentaires des gens de
Carrefour intervention suicide au même titre que ceux des autres intervenants
en ce domaine ».
Réplique du plaignant
Pour le plaignant, « les
explications fournies par M. Tardif ne font que confirmer le bien-fondé de
[leur] plainte ». Selon lui, ces explications « reviennent
à dire que face à une situation conflictuelle opposant deux parties, un
journaliste n’est pas tenu de consulter les deux parties en cause dans la
mesure où le journaliste entretient des liens privilégiés avec une des
parties ».
Analyse
Sylvain Paquette reproche à l’éditorialiste Jacques Pronovost de s’être exprimé sur la réduction des subventions subie par Carrefour intervention suicide sans s’être entretenu, au préalable, avec ses représentants. Pourtant, le plaignant reconnaît lui-même que, dans la même édition de La Tribune, un article de Steve Bergeron rapportait la version de Carrefour intervention suicide. Par ailleurs, Jacques Pronovost avait déjà utilisé, à plusieurs reprises, son espace éditorial pour parler du travail et des difficultés de Carrefour intervention suicide et des autres organisations du même type. Enfin, le plaignant, en tant que directeur de Carrefour intervention suicide, a vu une de ses lettres ouvertes à l’éditorialiste publiée.
En regard de ces considérations, rappelons que l’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission non plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne, mais aussi de façon qualitative, tout étant fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public.
D’autre part, il est important de rappeler que l’éditorial se distingue de l’information brute en ce qu’il constitue une tribune réservée à l’éditeur ou à l’éditorialiste pour qu’ils expriment leurs convictions, leurs tendances et leurs points de vue. Il s’agit d’un journalisme d’opinion et représente une manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Il aurait été souhaitable, par souci de transparence dans le présent cas, que l’éditorialiste de La Tribune fasse mention dans son texte, pour le bénéfice de ses lecteurs, de son implication passée dans un organisme de la région intervenant en santé mentale.
Cette réserve étant exprimée, le Conseil de presse du Québec rejette sur le fond la plainte à l’endroit de l’éditorialiste Jacques Pronovost.
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité