Plaignant
Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (CEQ)
Mis en cause
Marie-Andrée Chouinard et Le Devoir
(Claude Beauregard, directeur de l’information)
Résumé de la plainte
La Fédération des enseignantes et enseignants de cégep porte plainte contre
Le Devoir pour avoir insinué, dans le
titre d’une nouvelle portant sur un avis du Conseil supérieur de l’éducation
parue le 10 mai 2000, que le faible taux de diplômés dans les cégeps était lié
au niveau de formation pédagogique des enseignants.
Griefs du plaignant
Le Conseil général de la Fédération des
enseignantes et enseignants de cégep
a donné le mandat de déposer une plainte
contre Le Devoir à son président, M.
Réginald Sorel. Pour les plaignants, il apparaît que le titre et le sous-titre
de l’article de Marie-Andrée Chouinard vont à l’encontre du droit à une
information rigoureuse et au respect de la réputation. M. Sorel soutient que ni
le document du Conseil supérieur de l’éducation, ni le communiqué qui
l’accompagnait, ne permettaient de faire le rapprochement entre le taux de
diplômés du cégep et la formation pédagogique des enseignants.
En effet, la présidente du
Conseil supérieur de l’éducation, Mme Céline Saint-Pierre, a aussi affirmé
qu’aucune donnée ne permettait de connaître le niveau de formation pédagogique
des enseignants du collégial. De plus, le document ne tendait pas à blâmer les
enseignants, mais à recommander au ministre d’accorder les moyens nécessaires à
l’acquisition d’une formation professionnelle adaptée.
Le plaignant reconnaît que les membres de la Fédération des enseignantes et
enseignants de cégep se sont montrés prudents avec le fait qu’une formation
pédagogique pour les enseignants de cégep soit obligatoire, de peur que
celle-ci ne soit imposée sans les moyens et l’encadrement nécessaires. Le
quotidien aurait, sans la moindre preuve à l’appui, incité le lecteur à passer
de la conséquence à la cause.
Commentaires du mis en cause
Pour le directeur de l’information du
Devoir
Claude Beauregard, la journaliste aurait bien effectué son
travail. En effet, le rôle du journaliste est de rendre compte des événements
d’une façon claire et impartiale en les remettant d’abord dans leur contexte.
Mme Chouinard, en tant que journaliste spécialisée
dans le secteur de l’éducation, a couvert la conférence de presse tenue par Mme
Saint-Pierre sur l’avis du Conseil supérieur de l’éducation sur la formation
professionnelle des enseignants du collégial. Dans son article, la journaliste
a rapporté la principale recommandation contenue dans l’avis, ainsi que le
propos de Mme Saint-Pierre, les réactions des différents syndicats de
professeurs et le point de vue du directeur d’un programme existant de
formation pédagogique pour enseignants.
En parlant du taux de diplômés du collégial et du
niveau de formation des enseignants, la journaliste n’a fait que replacer les
éléments dans leur contexte, mais elle n’a jamais avancé que ces deux éléments
étaient liés. Il s’agissait simplement d’identifier les critiques qui
démontrent que « les cégeps sont une fois de plus dans le collimateur ». En
effet, le ministre de l’Éducation du Québec, François Legault, et le directeur
général de la Fédération des cégeps, M. Gaétan Boucher, avaient dans les mois
précédents largement évoqué le faible niveau de diplômés du collégial. M.
Beauregard joint aussi l’éditorial de Mme Paule des Rivières paru sur le sujet
en novembre 1999 et qui montre l’importance qu’a eue cette information.
De plus, M. Sorel et la Fédération des
enseignantes et enseignants de cégep critiquent le titre de l’article. Or,
celui-ci n’est pas de la responsabilité de Mme Chouinard, mais de celle du
responsable de pupitre de la section. Ce dernier a fait du bon travail en
précisant le texte de la journaliste et ne s’est pas démarqué des titres sur le
même sujet, parus dans d’autres journaux.
Réplique du plaignant
Les plaignants
disent ne pas incriminer le corps de l’article de Mme Chouinard, mais plus le
titre et le sous-titre, qui sont toujours très importants dans un article. Ils
rappellent une fois de plus, que ni le document du Conseil supérieur de
l’éducation, ni le communiqué ne permettaient de faire le rapprochement entre
le taux de réussite des étudiants au cégep et la formation des enseignants. De
la même façon, M. Sorel tient à faire remarquer que le niveau de formation des
enseignants dépasse largement les exigences minimales du collège.
Le rapprochement
entre ces deux éléments n’aidait en rien à placer le contexte, puisqu’ils
n’avaient aucun rapport avec le contenu de l’article. Le titre et le sous-titre
étaient pour les plaignants remplis de préjugés, exagéraient les intentions de
l’auteur et ainsi portaient atteinte à la crédibilité des enseignants du cégep.
Concernant le
faible taux de réussite dans les cégeps, M. Sorel tient à faire remarquer qu’il
avait adressé avec deux autres présidents de fédérations du collégial une
lettre au Devoir, qui a parue le 5
avril dans la section «Idées». Ils y faisaient un diagnostic du
faible taux d’obtention du DEC et du taux de réussite, sans pour autant faire
un quelconque rapprochement avec la formation des enseignants. En effet, la
chute du taux de réussite se constate tout aussi bien au secondaire et de plus,
elle date de quelques années seulement alors que la plupart des enseignants ont
plus de 15 ans d’expérience.
Les plaignants
critiquent aussi l’éditorial de Mme Paule des Rivières que le directeur de
l’information du Devoir utilise comme
preuve. Pour eux, l’éditorial tire des conclusions sans tenir compte des
réformes mises en place depuis 1993 et qui obligent les enseignants à
collaborer. La mise en contexte du journal était donc «une allusion non
fondée et pernicieuse». M. Sorel remet donc en cause l’utilisation de
titres et de sous-titres accrocheurs et non le traitement de l’information
effectué par Mme Chouinard.
Analyse
Les titres et manchettes doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils se réfèrent. Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les titres et les manchettes ne constituent pas de véhicule aux préjugés et aux partis pris.
Le journal affirmait que les titre et sous-titre choisis pour illustrer l’article de Mme Chouinard sur le dernier avis du Conseil supérieur de l’éducation servaient à replacer le contexte, soit le fait que les cégeps rencontraient des difficultés.
Après examen du dossier, le Conseil est d’avis que l’ensemble des éléments en cause, les titre, sous-titre et article, apparaissent non seulement en conformité les uns aux autres, mais font référence à une même réalité dans le domaine de l’ensemble de l’enseignement collégial; une réalité dont Le Devoir a également fait état dans des éditions précédentes.
Le Conseil de presse rappelle à ce propos que la pertinence de la couverture journalistique ne se mesure pas seulement de façon quantitative, surla base d’une seule édition ou d’une seule émission non plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne, mais aussi de façon qualitative, tout étant fonction de l’importance de l’information ou de son degré d’intérêt public.
Aussi, pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse rejette-t-il la plainte de la Fédération des enseignantes et des enseignants de cégep contre la journaliste Marie-Andrée Choinard et Le Devoir.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C15H Insinuations
- C17G Atteinte à l’image