Plaignant
André Charbonneau
Mis en cause
Martine Roux, journaliste, et La
Presse (Marcel Desjardins, vice-président et éditeur adjoint)
Résumé de la plainte
André Charbonneau porte plainte
contre le journal La Presse et la journaliste Martine Roux
« pour avoir rédigé un article sans avoir effectué un minimum de
recherche qu’une diligence les plus élémentaires aurait exigé « . La
plainte vise également » son supérieur M. Cantin pour avoir parrainé et
avoir été insensible à une telle pratique ».
À la suite des difficultés
financières du Groupe A.V.P., un client mécontent, M. Alain Tétrault, poursuit
M. Charbonneau en Cour supérieure. L’article contesté paraissait le lundi 2
octobre 2000 en page A6 du quotidien La Presse.
Griefs du plaignant
Le plaignant invoque qu’une
recherche élémentaire aurait permis à Mme Roux de constater qu’il n’est pas
président du Groupe A.V.P. et qu’il est faux de dire que la banqueroute de ce
groupe a entraîné avec elle 13millions de dollars. Si elle avait fait une
vérification de sa défense, ce document étant public, la journaliste aurait pu
constater » que plusieurs déclarations de la partie poursuivante étaient
fausses et non fondées en fait et en droit. «
M. Charbonneau ajoute que M. Alain
Tétrault ne s’est jamais présenté pour voter lorsqu’un mode de remboursement a
été proposé à l’ensemble des créanciers. Une simple vérification auprès du
séquestre lui aurait permis de constater ce fait. Le plaignant se demande
comment la journaliste peut faire allusion publiquement à un subterfuge sans
avoir validé auprès de la partie adverse sa position, donnant par le fait même
aux lecteurs une photographie inexacte d’une situation conflictuelle. Pour le
plaignant, l’article est basé sur le mépris et n’avait d’autre objectif que de
le discréditer socialement en favorisant ainsi l’une des parties. M. Charboneau
reproche enfin à M. Cantin, le patron de Mme Roux, d’avoir fait la sourde
oreille à ses appels et d’avoir participé avec mépris à un assassinat médiatique.
Le plaignant annexe à sa plainte
copie du document qu’il a présenté devant la Cour supérieure pour sa défense.
Vingt jours plus tard, en guise de
complément de plainte, M. Charbonneau achemine au Conseil copie d’une lettre de
rétractation pour publication par La Presse. Cette lettre a été rédigée
à l’invitation du vice-président et éditeur adjoint du quotidien.
Commentaires du mis en cause
M. Desjardins explique que la
politique de son quotidien consiste à rétablir les faits le plus
rapidement possible après publication dans les pages de La Presse d’une
information inexacte. Mais il reconnaît qu’à la suite de la publication de
l’article contesté, La Presse n’a pas réussi à rétablir les faits, selon
cette politique. Ayant parlé avec le plaignant, le vice-président et éditeur
adjoint dit espérer pouvoir apporter dans un avenir rapproché certaines
précisions dans son journal.
Réplique du plaignant
Le plaignant indique qu’il est faux
de prétendre que le journal La Presse n’a pas pu rétablir les faits.
Selon lui, ce journal ne s’en est tenu qu’à une seule version des faits, alors
qu’il était si facile de vérifier la défense des deux parties et de publier
leur position respective plutôt que d’en avantager une au détriment de l’autre.
Le plaignant réitère sa contestation du mot » subterfuge » qui
n’apparaît nulle part dans la » défense amendée » des procureurs de
M. Tétrault. Selon le plaignant, il apparaissait clairement dans le document de
sa défense que M. Tétrault connaissait la direction de ses épargnes et une
simple vérification auprès du syndic au dossier aurait permis d’apprendre que
le demandeur Tétrault avait été avisé par écrit de la proposition concordataire
et qu’il s’était abstenu d’y répondre.
Commentaires du vice-président et
éditeur adjoint, Marcel Desjardins:
Le vice-président et éditeur
adjoint de La Presse explique que dans ses commentaires il soulignait
que les mis-en-cause n’avaient pas réussi à rétablir les faits et qu’il
s’employait à le faire le plus rapidement possible. À cette fin, il a eu
plusieurs conversations avec le plaignant et il lui a soumis un texte de
précision rétablissant un certain nombre de faits. Cette précision, publiée le
23 février corrigeait, selon lui, des informations inexactes qui se trouvaient
dans le texte de Martine Roux. M. Desjardins annexe l’article.
Analyse
Le Conseil de presse rappelle que la rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes constitue la garantie d’une information de qualité. Elle est donc synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité et de respect des personnes et des événements.
Ainsi, dans le cas d’affaires juridiques rendues publiques, les médias ont le devoir de les rapporter le plus fidèlement possible, pour ne pas attenter à l’honneur des accusés.
Dans le présent cas, l’examen et la comparaison de l’article incriminé avec les documents légaux obtenus pour l’analyse de la plainte permettaient de conclure que la majorité des éléments considérés par le plaignant comme inexacts apparaissaient bel et bien dans la déclaration déposée par M. Alain Tétrault devant la Cour supérieure.
Cependant, comme l’article du quotidien La Presse a été publié le 2 octobre et que l’action en justice a été intentée le 20 janvier précédent, la journaliste aurait dû s’assurer qu’aucun document ultérieur ne venait contester les accusations et ainsi modifier les faits. Or c’était précisément le cas dans la situation présente et la journaliste a omis d’aller vérifier ces informations. De même a-t-elle omis d’aller recueillir la version du principal intéressé dans la question, M. André Charbonneau.
Le Conseil note que les mis-en-cause ont invité le plaignant à proposer une formule de rétractation que La Presse se disait disposée à publier. Et même si la publication de mises au point ne constitue pas toujours le meilleur moyen de réparer le préjudice causé, le Conseil tient à souligner que le quotidien La Presse a fait montre de bonne foi en publiant ultérieurement un rectificatif précis dans lequel il exprimait ses regrets.
Dans le cas présent, le Conseil est donc d’avis que l’auteure de l’article a outrepassé les principes de l’éthique journalistique de rigueur et d’équilibre de l’information. En conséquence, le Conseil de presse ne peut que retenir la plainte.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C15D Manque de vérification
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C19B Rectification insatisfaisante
- C19C Délai de rectification