Plaignant
Richard Chartier
Mis en cause
Roger-Luc Chayer, journaliste
indépendant, et le magazine Le National
Résumé de la plainte
Richard Chartier a été candidat pour
le Nouveau Parti Démocratique du Canada aux élections générales du 27 novembre
2000. Sa plainte vise le journaliste Roger-Luc Chayer et le magazine Le
National, un magazine électronique (www.le-national.com)
diffusé sur le réseau Internet. L’article et les photographies contestés ont
été publiés durant les semaines du 22 janvier 2001 et du 29 janvier 2001.
L’article était accompagné de deux photos de M. Chartier, l’une en couleur et
l’autre en noir et blanc, coiffées du titre » Lequel de ces candidats
disait vrai lors de la dernière campagne électorale fédérale? « . Le
plaignant considère que les éléments publiés portent atteinte à sa dignité, à
son intégrité et à son honnêteté personnelle. Ils mettent également en doute
l’honnêteté du parti politique qu’il représentait et un autre site Internet, La
Toile gaie du Québec.
Griefs du plaignant
Avant d’être candidat du Nouveau
Parti Démocratique (NPD) aux élections de novembre 2000, M. Chartier était
éditorialiste en chef du site Internet La Toile gaie du Québec. Lors
d’une entrevue après sa démission de ce poste, M. Chayer lui a demandé s’il
croyait revenir comme éditorialiste sur La Toile et il lui a répondu
qu’il ne croyait pas retourner à ce poste. L’article qui s’en est suivi
mentionne qu’il ne continuera pas à collaborer à La Toile. Après les
élections, le poste de chroniqueur littéraire s’est libéré et M. Chartier est
devenu ce chroniqueur. À M.Chayer qui lui demandait pourquoi il était
revenu à La Toile, il a répondu qu’il voulait relever ce nouveau défi. À
la suite de quoi M. Chayer rédige l’article où il questionne publiquement ses
déclarations.
Le plaignant retient que l’article
mentionne qu’il n’est pas cohérent avec ses promesses électorales parce qu’il
est revenu à La Toile après les élections. Le geste de
M.Chayer fait planer le doute sur son honnêteté et celle de son parti en
s’interrogeant également sur le sérieux des promesses faites aux gais lors de
la campagne. En même temps, M. Chayer a fait un montage photo qui suggère
l’hypocrisie et la malhonnêteté, montage qu’il a garni à la fin d’un dessin de
grimace indiquant le dégoût.
Pour le plaignant, M. Chayer
confond son engagement personnel à La Toile et ses promesses
électorales. Il s’agit d’un texte diffamatoire contre lui, le NPD et La
Toile, dont l’effet est de ternir sa réputation auprès des électeurs. À sa
demande de rétractation, M. Chayer a répondu qu’il n’avait » pas démontré
de façon précise en quoi l’article était mensonger « .
Commentaires du mis en cause
Avant d’amorcer ses réponses, M.
Chayer fait observer que le plaignant se fait » codemandeur avec La
Toile Gaie du Québec et le Nouveau Parti Démocratique du Canada « ,
mais ne prouve pas que ces instances endossent ou approuvent ce geste fait en
leur nom. M. Chayer expose les vérifications qu’il a faites auprès des deux
instances. Il amorce ensuite sa défense en relevant cinq extraits de la lettre
du plaignant auxquels il accole ses commentaires et ses objections pour les
réfuter un à un.
Le directeur du National
estime que M. Chartier ne comprend pas le rôle de la presse face aux
politiciens. Il précise que l’article contesté n’arrivait à aucune conclusion
autre qu’à une question dont la réponse pouvait être » oui » ou
» non » et que M. Chartier, questionné par courriel, n’y a pas
répondu. Il ajoute que lors d’une entrevue comme candidat, tel qu’il est
mentionné dans l’article, le plaignant a souhaité se dissocier de certaines
décisions récentes de La Toile gaie du Québec et a formulé, en plus, des
accusations graves contre La Toile, propos que Le National a
décidé de tempérer. Ainsi, M. Chartier démontrerait une très mauvaise
compréhension de l’article en y prêtant des mots qui n’existent même pas et qui
ne représentent pas l’opinion de l’auteur.
M. Chayer présente ensuite, sur la
base d’un courriel reçu de M. Chartier, une longue démonstration visant à
prouver que le plaignant avait parlé en mal de son employeur en traitant
notamment de » la mauvaise qualité du média » et qu’il tente maintenant
de sauver la face en faisant porter la faute sur Le National.
Répondant à l’affirmation de M.
Chartier selon laquelle il n’avait pas menti à qui que ce soit, le mis-en-cause
rétorque que l’article ne peut être diffamatoire puisqu’il ne comporte aucune
fausseté et qu’il est tout à fait légitime de s’interroger sur les promesses
des politiciens. Quant à sa réputation qui serait ternie auprès des électeurs,
le plaignant étant inconnu dans le comté avant les élections et ne donnant
aucune preuve quant à cette prétendue atteinte à sa réputation, il doit donc
conclure qu’elle n’existe pas.
Enfin, en ce qui a trait à sa
demande au Conseil de presse du Québec d’exiger du mis-en-cause des excuses, ce
dernier estime que si des excuses devaient être faites, c’est à M. Chartier
qu’on devrait les demander.
Le mis-en-cause termine en disant
que si Le National avait publié un article comportant une fausse
information, il aurait été le premier à s’excuser et à publier un correctif
» mais l’ensemble des pièces ne permet pas d’arriver à une telle
conclusion « . Il ajoute que, selon lui, la plainte est une vengeance de M.
Chartier contre Le National suite à un refus de l’embaucher après les
élections. S’appuyant enfin sur l’article 7 du Guide de déontologie de la FPJQ,
il s’objecte à ce que le plaignant invoque le droit à la vie privée.
Réplique du plaignant
Le plaignant amorce sa réplique
concernant » l’article diffamatoire » de M. Chayer en disant qu’il ne
peut faire autrement que de réagir et surtout de rectifier les faits mentionnés
par le mis-en-cause, faits qui sont faux et mensongers en plus de contenir une
pièce justificative falsifiée. Le plaignant répond ensuite, lui aussi, point
par point aux commentaires de M. Chayer.
Le plaignant confirme d’abord que
sa plainte est une demande personnelle et ne voit pas pourquoi M. Chayer a fait
des démarches auprès de La Toile et du NPD à ce sujet.
Plus loin, il note que le
mis-en-cause confond promesse électorale avec engagement personnel et l’accuse
d’inventer des propos que l’ex-candidat n’a jamais tenus en entrevue, comme
ceux d’avoir accusé La Toile de « toutes les corruptions et
incompétences possibles « . Le plaignant explique alors pourquoi c’est
plutôt M.Chayer qui entretenait une aversion contre La Toile et
son fondateur, M.Goudreau.
Le plaignant s’inquiète ensuite de
ce que, pour pousser sa défense, un journaliste puisse produire une lettre
confectionnée de toute pièce, et qu’il la dépose en preuve, alors qu’il n’a
jamais lui-même envoyé le courriel en question.
M Chartier réaffirme que son retour
à La Toile gaie du Québec n’était pas une promesse électorale. Et il
répond ensuite longuement à l’argumentation de Roger-Luc Chayer selon laquelle
celui-ci n’a pas terni sa réputation parce qu’il était un inconnu.
Il récuse également avoir été
approché par Le National ou avoir lui-même approché Le National pour
y collaborer et donne des précisions sur « son désir de collaborer
avec d’autres médias » mentionné dans un courriel et repris par le
mis-en-cause.
Le plaignant ajoute qu’à son étonnement,
il a reçu du Conseil de Presse Gai du Québec (CPGQ) une décision sur la plainte
qu’il a déposée au Conseil de presse du Québec (CPQ) contre Roger-Luc Chayer.
Après plusieurs considérations sur le sujet et notamment sur le conflit
d’intérêts, le plaignant relève que le CPGQ partage la même adresse et le même
numéro de téléphone que le magazine Le National dirigé par M. Chayer.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent respecter l’intégrité et l’authenticité de l’information dans la présentation et l’illustration (sons, voix, images et photos) qu’ils en font. Ils doivent faire preuve de circonspection afin de ne pas juxtaposer illustrations et événements qui n’ont pas de lien direct entre eux et qui risquent ainsi de créer de la confusion sur le véritable sens de l’information transmise.
C’est d’abord sur la base de ces principes énoncés dans sa déontologie et reconnus depuis plusieurs décennies au pays que le Conseil de presse du Québec a analysé la présente plainte. Après avoir examiné l’exposé des points de vue des parties, le Conseil de presse du Québec retient les observations suivantes.
Force est de constater que M. Chartier a bien démissionné de son rôle de rédacteur en chef bénévole pour se présenter comme candidat. Mais l’indication de son retrait ne doit cependant pas être confondue avec une promesse électorale.
Le concept de promesse électorale sur lequel est fondé l’accusation du National et de son rédacteur Roger-Luc Chayer a été considéré comme erroné. Par définition, une « promesse électorale » est une promesse qu’un candidat s’engage à réaliser s’il est élu. Comment donc, dans ce cas, un candidat défait à une élection pourrait-il être lié ou être en mesure de tenir une promesse électorale s’il n’a pas été élu?
La réponse donnée par M.Richard Chartier lors de son entrevue comme candidat ne peut donc, tout au plus, être interprétée que comme un engagement personnel. Deux mois après les élections, cette réponse n’appartient plus à la sphère publique, l’ex-candidat étant retourné à la vie privée et ce, même si son engagement bénévole est connu du public et s’il dessert lui-même le public. À cet égard, l’article même de l’auteur Roger-Luc Chayer a été considéré comme relevant de la curiosité du public et non de l’intérêt public ou du droit du public à l’information.
Par voie de conséquence, la question de base de l’article concernant les « promesses » de M. Chartier dans le texte incriminé ne respecte plus les principes énoncés en préambule. Et partant, il en découle que toute l’illustration graphique ou photographique attachée au texte et visant à le ridiculiser, devient non pertinente et non avenue, ne contribuant qu’à porter atteinte à l’image de l’ex-candidat et induisant l’impression que celui-ci est un menteur.
L’article contesté prêtait également à M. Chartier des propos qu’il ne reconnaît pas comme siens quand Roger-Luc Chayer a écrit: « … mais il était hors de question qu’il y retourne après, vu la mauvaise qualité du média… « . Dans ce cas, il s’agit d’une véritable accusation publique de l’auteur du texte, mais qui s’avère non vérifiable, les deux versions étant contradictoires. Incidemment, le Conseil a noté au passage l’abondance de ce type d’accusations non vérifiables, dans les « commentaires du mis-en-cause « , qui prenaient les allures non plus d’une défense avec explications d’usage mais d’une charge en règle contre le plaignant pour miner sa réputation et faire dévier le débat.
En ce qui a trait à la demande de rétractation, il est compréhensible que l’auteur étant si déterminé à défendre son article n’ait pas acquiescé à cette demande qui devient maintenant justifiée.
Par conséquent, après avoir examiné soigneusement les documents déposés par les parties, et les nuances et les considérations précédentes ayant été exprimées, le Conseil de presse du Québec se doit de retenir la plainte contre Le National et son directeur rédacteur Roger-Luc Chayer.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification